Sur le moyen unique pris en ses trois branches :
Attendu, selon les juges du fond, que trois salariés de la société Newell ont bénéficié en 1991 de rentes au titre de leur incapacité permanente partielle prise en charge en application de la législation professionnelle ; que les capitaux représentatifs de ces rentes sont entrés dans le calcul des taux de cotisations notifiés pour les années 1992 à 1995 ; que voulant vérifier le contenu des pièces médicales des dossiers, que la caisse primaire d'assurance maladie refusait de leur communiquer, la société a saisi le président du tribunal des affaires de sécurié sociale, statuant en référé, qui, par ordonnance du 11 août 1995, a ordonné à la Caisse de communiquer au médecin désigné par la société les rapports médicaux ayant conduit l'organisme social à évaluer les taux d'incapacité permanente partielle, et a renvoyé les parties à se pourvoir au fond ; que par jugement du 26 juin 1998, le tribunal des affaires de sécurité sociale s'est déclaré compétent et, conformément à la demande de la société, a dit que le refus de la Caisse de communiquer les rapports médicaux avait constitué une violation des droits de la défense, déclaré les décisions attributives de rente inopposables à la société, et ordonné à la caisse primaire de faire recalculer par la caisse régionale d'assurance maladie des cotisations modifiées ; que la cour d'appel (Bourges, 29 octobre 1999) a infirmé ce jugement, a dit le tribunal des affaires de sécurité sociale incompétent et a désigné le tribunal du contentieux de l'incapacité pour statuer ;
Attendu que la société Newell reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1° que la société Newell exposait expressément dans ses conclusions d'appel que son recours n'avait pas pour objet de contester les taux d'incapacité permanente attribués à trois de ses salariés, mais de contester le refus de la caisse primaire d'assurance maladie de fournir les dossiers médicaux, pouvant seuls justifier les décisions d'attribution de rente, qui constituait une violation des droits de la défense ; qu'en jugeant dès lors que la société Newell avait implicitement admis dans ses conclusions d'appel que son recours visait à écarter la prise en compte des décisions d'attribution de rente pour le calcul de ses cotisations " accident du travail ", la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
2° que la compétence du tribunal du contentieux de l'incapacité, qui relève de l'organisation du contentieux technique de la sécurité sociale, doit s'entendre strictement ; qu'en effet, les tribunaux du contentieux de l'incapacité n'ont qu'une compétence d'exception, le contentieux général de la sécurité sociale relevant de la compétence des tribunaux des affaires de sécurité sociale ; que les tribunaux des affaires de sécurité sociale connaissent ainsi des différends relatifs à l'application des règles de sécurité sociale à la seule exception des litiges expressément dévolus à une autre juridiction ; que l'article L. 143-1 du Code de la sécurité sociale prévoit simplement la compétence des tribunaux du contentieux de l'incapacité pour connaître des contestations relatives " à l'état d'incapacité permanente de travail et notamment aux taux de cette incapacité " ; qu'en l'espèce, le recours de la société Newell ne visait aucunement à contester l'état d'incapacité reconnu pour trois de ses salariés, ni le taux de celle-ci, mais visait simplement à reprocher à la caisse primaire d'assurance maladie d'avoir violé les droits de la défense en refusant de lui fournir les dossiers médicaux fondant les décisions de la caisse primaire d'assurance maladie ; que, dès lors, cette demande fondée sur le principe du respect des droits de la défense, qui a valeur constitutionnelle et qui est consacré par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, dépasse très largement la compétence du tribunal du contentieux de l'incapacité ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que le tribunal des affaires de sécurité sociale s'était déclaré compétent pour en connaître ; qu'en jugeant cependant qu'il était incompétent au profit du tribunal du contentieux de l'incapacité, la cour d'appel a violé les articles L. 142-1 et L. 143-1 du Code de la sécurité sociale ;
3° que de la même manière, le moyen visant à faire constater que la Caisse n'avait pas rempli ses obligations en prenant une décision sans avoir eu connaissance du dossier médical ne vise pas plus à remettre en cause l'état d'incapacité ni le taux retenu ; qu'ainsi, en jugeant cependant que seul le tribunal de l'incapacité était compétent pour connaître de ce litige, la cour d'appel a également violé les articles L. 142-1 et L. 143-1 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'après avoir retenu que le recours introduit par la société Newell devant la juridiction du contentieux général tend en réalité à prévenir l'éventuelle prise en compte par la caisse régionale d'assurance maladie pour le calcul des cotisations d'accidents du travail des décisions d'attribution de rente au bénéfice des salariés, la cour d'appel a exactement décidé, sans dénaturer les observations de la société et par une décision motivée, qu'une telle demande relève de la compétence de la juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.