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06/11/2001 | FRANCE | N°01-80451

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 novembre 2001, 01-80451


CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Gérard,
- la Compagnie les Assurances générales de France (AGF), partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre, du 11 décembre 2000, qui, dans la procédure suivie contre le premier pour homicide involontaire et conduite sous l'empire d'un état alcoolique, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation,

pris de la violation des articles 388-1, 388-2, 388-3, 520, 591 et 593 du Code de ...

CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Gérard,
- la Compagnie les Assurances générales de France (AGF), partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre, du 11 décembre 2000, qui, dans la procédure suivie contre le premier pour homicide involontaire et conduite sous l'empire d'un état alcoolique, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 388-1, 388-2, 388-3, 520, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt a rejeté l'exception de nullité du jugement soulevée par le prévenu et son assureur, la compagnie les AGF, et confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement le prévenu et son assureur à payer diverses sommes aux parties civiles en réparation de leur préjudice du fait du décès de Sébastien Y... ;
" aux motifs que la convention d'indemnisation directe des assurés, à l'origine de l'actuelle législation régissant l'indemnisation des accidents de la circulation, avait pour but de simplifier les rapports des assurés avec leurs organismes ; ainsi, dans la pratique, chacune des parties n'a, comme interlocuteur, que sa propre compagnie ; sauf à démontrer la fraude de son mandant, la société AGF est tenue de facto, à raison même du contrat de couverture des risques, des décisions rendues à l'encontre de Gérard X... ; le moyen de nullité, qui de surcroît ne lui fait pas grief, doit être écarté ;
" alors que, d'une part, est inopposable à l'assureur, non intervenu aux débats, la décision portant sur les intérêts civils, lorsque celui-ci n'a pas été régulièrement mis en cause dans les formes et les délais prévus par l'article 388-2 du Code de procédure pénale et n'a pu, à défaut d'avoir été informé de l'existence de la procédure mettant en cause son assuré, y intervenir volontairement ; qu'en estimant néanmoins que le jugement ayant solidairement condamné le prévenu et son assureur à payer diverses indemnités aux parties civiles était opposable à ce dernier la Cour a violé les textes visés au moyen ;
" alors que, d'autre part, l'inopposabilité à l'assureur des chefs du dispositif du jugement ayant statué sur l'action civile aurait dû conduire les juges du second degré à les annuler et, en application de l'article 520 du Code de procédure pénale, à statuer à nouveau ; qu'en confirmant purement et simplement le jugement entrepris, la Cour a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, dans les poursuites exercées contre Gérard X... à la suite de l'accident au cours duquel Sébastien Y... a été mortellement blessé, les proches de la victime se sont constitués parties civiles pour obtenir réparation du préjudice découlant du décès ;
Attendu que le tribunal correctionnel, après avoir déclaré le prévenu coupable des infractions poursuivies, l'a condamné, solidairement avec son assureur, les AGF, à indemniser les parties civiles ;
Attendu que l'assureur, qui n'était pas partie au procès en première instance, a relevé appel du jugement, puis fait acte d'intervention volontaire devant les juges du second degré ; qu'il a conclu à l'annulation du jugement prononcé contre lui sans qu'il eût été appelé à la procédure et a demandé à la cour d'appel de lui décerner acte de ses offres indemnitaires et de les déclarer satisfactoires ;
Attendu que les juges d'appel, après avoir écarté le moyen de nullité, ont confirmé les dispositions du jugement concernant l'indemnisation des parties civiles ;
Attendu qu'en cet état, l'assureur, qui s'est contradictoirement expliqué sur cette indemnisation après être intervenu en cause d'appel en vertu de l'article 388-1 du Code de procédure pénale, ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir statué au fond sans annuler le jugement dès lors que l'article 520 dudit Code lui imposait de statuer au fond après évocation ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 376-1 du Code de la sécurité sociale et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné solidairement le prévenu et son assureur à verser à Jean-Yves Y... la somme de 122 403 francs en réparation du préjudice économique subi du fait de l'accident mortel de son fils Sébastien, apprenti au moment des faits ;
" aux motifs que compte tenu des circonstances de l'espèce, notamment de la faiblesse des revenus de la famille dont les vicissitudes de l'exploitation agricole rendaient nécessaires une mutualisation des différentes sources de revenus apportées au foyer, même hors salaires, ainsi que du décès de la mère de Sébastien Y... qui avait renforcé les liens de cette communauté familiale, les premiers juges ont justement chiffré les différents postes de préjudices, nonobstant une pratique habituellement différente en la matière ;
" alors que, d'une part, le préjudice économique subi par la victime ou ses ayants droit entre dans l'assiette du préjudice soumis à recours ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait condamner solidairement le prévenu et son assureur au paiement de diverses sommes au profit de Jean-Yves Y..., au titre du préjudice économique, sans que la CPAM, organisme social auquel était affiliée la victime, ait été au préalable appelée dans la cause et ait fait connaître le montant définitif de sa créance devant s'imputer en priorité sur ledit préjudice ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les règles de l'indemnisation et les textes visés au moyen ;
" alors que, d'autre part, les juges doivent tenir compte du montant des prestations versées, à la victime ou à ses ayants droit, par la Caisse dans le calcul de l'indemnisation du préjudice de la victime ou de ses ayants droit, même si cette Caisse n'est pas présente aux débats, cette dernière étant tenue, en application de l'article 1 du décret du 6 janvier 1996, de faire connaître le décompte des prestations qu'elle a versées ; qu'il résultait en l'espèce des écritures des parties que la Caisse avait produit un état définitif à hauteur de 14 119, 84 francs, réglé par la compagnie les AGF ; qu'en évaluant le préjudice de l'ayant droit de la victime, sans tenir compte de l'état définitif de la Caisse, la Cour a violé les textes visés au moyen " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné solidairement le prévenu et son assureur à verser à Jean-Yves Y... la somme de 122 403 francs en réparation du préjudice économique subi du fait de l'accident mortel dont a été victime son fils Sébastien, apprenti au moment des faits ;
" aux motifs que compte tenu des circonstances de l'espèce, notamment de la faiblesse des revenus de la famille dont les vicissitudes de l'exploitation agricole rendaient nécessaires une mutualisation des différentes sources de revenus apportées au foyer, même hors salaires, ainsi que du décès de la mère de Sébastien Y... qui avait renforcé les liens de cette communauté familiale, les premiers juges ont justement chiffré les différents postes de préjudices, nonobstant une pratique habituellement différérente en la matière ;
" alors que, d'une part, le prévenu et son assureur avaient fait valoir que la rente d'orphelin servie à Jean-Yves Y... l'avait été pour le compte de son fils et n'avait vocation à être servie jusqu'à la 20e année du défunt ; qu'ainsi, elle ne pouvait être incluse dans le préjudice économique subi par le père ; qu'en incluant néanmoins ce poste dans l'évaluation du préjudice économique, la Cour a violé les règles d'indemnisation ;
" alors que, d'autre part, ces mêmes parties avaient souligné que le salaire perçu par le défunt n'était que très partiellement versé entre les mains du père, au titre d'une compensation des frais d'entretien puisqu'il vivait au domicile familial et en conséquence ne pouvait constituer une perte de revenus indemnisables pour l'ayant droit ; qu'en ne s'expliquant pas plus avant sur la qualification de perte de revenus indemnisables attribuée à ce versement et à ses modalités de calcul au regard de sa finalité, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors que, enfin, dans leurs conclusions délaissées, le prévenu et son assureur avaient fait valoir que la prestation versée par la CAF et celle d'allocation de soutien familial servie par la MSA, à les supposer constitutives d'un revenu, n'auraient été perçues par l'ayant droit que sur une période de 10 mois après l'accident, date à laquelle le plus jeune membre de la famille avait atteint 20 ans ; qu'en délaissant ce chef péremptoire des conclusions la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif, statuant sur l'action civile, a condamné le prévenu et son assureur à payer, à Jean-Yves Y..., ayant droit de la victime, une somme de 40 000 francs au titre des frais funéraires ;
" aux motifs que les sommes allouées aux parties civiles seront donc confirmées, y compris s'agissant des frais funéraires ; que s'il est, en effet, légitime que les dépenses de ce chapitre soient indemnisées, sur justificatifs, il ressort des déclarations et éléments fournis, que le monument envisagé le sera pour réunir la mère et son fils ; que le prévenu n'étant tenu que de la réparation des seules conséquences de ses actes, il convient de ne faire droit à la demande formulée qu'à hauteur des frais funéraires posés pour le seul Sébastien Y... ;
" alors, d'une part, que la Cour ne pouvait, sans se contredire, confirmer la décision des premiers juges sur ce chef du dispositif et déclarer, dans ses motifs, qu'il ne serait fait droit à cette demande qu'à hauteur des frais exposés pour le seul Sébastien Y... ; qu'en statuant ainsi, la Cour s'est contredite et violé les textes au moyen ;
" alors, d'autre part, que, dans leurs conclusions, les appelants avaient fait valoir qu'il y avait lieu de déduire de l'indemnité allouée par les premiers juges, au titre des frais funéraires, la prestation servie de ce chef par la CPAM, soit 7 235 francs ; qu'en délaissant ce chef de conclusions, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article L. 454-1 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit ne conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, que dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application de la législation en matière d'accidents du travail ;
Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que la Caisse primaire d'assurance maladie a fait savoir au tribunal correctionnel qu'elle n'entendait pas intervenir à l'instance ; qu'elle lui a fait connaître que le montant définitif des débours exposés à la suite de l'accident du travail-trajet dont a été victime Sébastien Y... s'élevait à la somme de 14 119 francs, comprenant exclusivement des frais médicaux et funéraires ;
Attendu que la cour d'appel, statuant sur la réparation du préjudice soumis au recours du tiers payeur, condamne le prévenu à payer au père de la victime des indemnités respectives de 122 403 francs et 40 000 francs au titre du préjudice économique et des frais funéraires ;
Mais attendu que, si l'appréciation souveraine de ces chefs de préjudice par les juges du fond, dans la limite des conclusions des parties, n'encourt pas la censure, la cour d'appel, en omettant de déduire de l'indemnisation le montant des prestations servies par l'organisme social du chef des frais funéraires, soit 7 235 francs, a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Que la Cour de cassation est en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
Et sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 475-1 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmant le jugement ayant condamné solidairement un assureur (les AGF) et le prévenu à payer la somme de 3 000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et y ajoutant les a condamnés in solidum à verser à ces mêmes parties, sur ce même fondement, la somme de 1 500 francs ;
" alors que, aux termes de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, le juge peut condamner l'auteur de l'infraction à verser à la partie civile, pour un montant qu'elle détermine, les sommes exposées par celle-ci et non comprises dans les frais payés par l'Etat ; qu'en condamnant la compagnie les AGF, intervenant volontaire, aux frais exposés par les parties civiles, tant en première instance où elle n'avait pas été attraite ni représentée et en cause d'appel, la Cour a méconnu le sens et la portée du texte visé au moyen " ;
Vu l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ce texte, seul l'auteur de l'infraction peut être condamné par le tribunal à payer à la partie civile la somme qu'il détermine au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci ;
Attendu qu'en condamnant l'assureur du prévenu, partie intervenante, à verser aux parties civiles une somme au titre des frais non recouvrables qu'elles ont dû exposer, la Cour d'appel a méconnu le sens et la portée de la règle ci-dessus rappelée ;
Que l'arrêt encourt, à nouveau, la cassation ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, du 11 décembre 2000, mais seulement en ce qu'il a alloué à Jean-Yves Y... une somme de 40 000 francs au titre des frais funéraires, et, par voie de retranchement, en ce qu'il a condamné la compagnie AGF à payer aux parties civiles les sommes de 3 000 et 1 500 francs en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
CONDAMNE Gérard X... à payer à Jean-Yves Y... la somme de 32 765 francs au titre des frais funéraires ;
Dit cette disposition opposable à la compagnie AGF ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 01-80451
Date de la décision : 06/11/2001
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CASSATION - Moyen - Moyen pris d'un motif de l'arrêt attaqué - erroné ou inopérant - Moyen pris de la nullité du jugement confirmé par la cour d'appel - Evocation - Effet.

1° ASSURANCE - Action civile - Intervention ou mise en cause de l'assureur - Non-intervention devant le tribunal correctionnel - Jugement à son égard - Intervention en cause d'appel - Arrêt statuant au fond - Moyen de cassation pris de la nullité du jugement inopérant.

1° Est inopérant le moyen qui fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de n'avoir pas annulé le jugement prononcé contre l'assureur du prévenu sans qu'il eût été appelé à la procédure devant le tribunal correctionnel, dès lors que la cour d'appel avait l'obligation de statuer au fond à l'égard de cet assureur intervenu pour la première fois en cause d'appel, en application de l'article 388-1 du Code de procédure pénale.

2° FRAIS ET DEPENS - Condamnation - Frais non recouvrables - Auteur de l'infraction - Partie intervenante (non).

2° En application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, seul l'auteur de l'infraction peut être condamné par le tribunal à payer à la partie civile la somme qu'il détermine au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci. Une partie intervenante, tel un assureur, ne peut pas, dès lors, faire l'objet d'une condamnation sur ce fondement(1).


Références :

1° :
2° :
Code de procédure pénale 388-1
Code de procédure pénale 475-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 11 décembre 2000

CONFER : (2°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1986-06-09, Bulletin criminel 1986, n° 196, p. 505 (cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 nov. 2001, pourvoi n°01-80451, Bull. crim. criminel 2001 N° 229 p. 742
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2001 N° 229 p. 742

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Cotte
Avocat général : Avocat général : M. Launay.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Ferrari.
Avocat(s) : Avocats : M. Vuitton, la SCP Vincent et Ohl.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:01.80451
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