AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un octobre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PELLETIER, les observations de la société civile professionnelle TIFFREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MARIN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'ORLEANS, chambre correctionnelle, en date du 14 novembre 2000, qui, pour corruption de mineure, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et à 2 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation 227-22, 227-29, 227-31 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable de corruption de mineur de 18 ans, sur la mineure X..., le 27 juin 1996 ;
"aux motifs que Y... a toujours soutenu que X..., intéressée par la dimension artistique d'un travail dépourvu de connotation sexuelle, s'était proposée d'elle-même pour poser avec lui et que les propos qu'il lui tenait ne faisaient que restituer les propres fantasmes de la jeune fille dont il ignorait la minorité ; il confirme d'ailleurs à l'audience ses difficultés à se repérer dans le temps et l'impossibilité pour lui de se souvenir exactement de l'âge de tous ses anciens élèves, étant précisé que ceux-ci pouvaient avoir, en classe de quatrième et troisième, des écarts d'âge importants ; qu'il apparaît cependant que Y... a entretenu une relation privilégiée avec la jeune X... avec qui il est resté en relation, jusqu'en 1997, après l'avoir eue comme élève de 1991 à 1993 ; qu'il ne peut ainsi sérieusement prétendre avoir ignoré l'âge de la jeune fille durant toute cette période ; qu'au surplus, il lui appartenait nécessairement de s'en informer avant de lui présenter ses clichés de nus féminins, en excitant sa curiosité pour l'inciter à poser pour lui ; qu'il est en conséquence mal fondé à se prévaloir d'une erreur ou d'une ignorance dont il est entièrement responsable (arrêt attaqué p. 7, 3 et 4) ;
"alors que 1 ) la connaissance de la minorité est un élément constitutif du délit de corruption de mineur ; qu'en l'espèce, il ressort de la prévention que la séance de photographies reprochée s'est tenue le 27 juin 1996, soit moins de deux mois avant la majorité de X... (née le 14 août 1978) ; que selon les propres constatations de l'arrêt attaqué (p. 7, 1er), lorsque X... a évoqué sa minorité, Y... lui a aussitôt demandé de lui restituer les tirages qu'il lui avait remis ; qu'en affirmant que Y... ne pouvait ignorer la minorité de X..., sans rechercher, précisément, s'il était fondé à croire que celle-ci venait d'atteindre l'âge de la majorité compte tenu de la réelle proximité de son dix-huitième anniversaire, et sans s'expliquer davantage sur la réaction du prévenu à l'évocation de la minorité de X..., réaction susceptible de révéler sa volonté de ne pas faire poser une mineure, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors que 2 ), en affirmant en outre que le prévenu aurait dû se renseigner sur l'âge exact de X... avant de lui présenter des "clichés de nus féminins", sans permettre de juger du caractère obscène de ces clichés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"et aux motifs que le prévenu soutient encore que son travail photographique avait un caractère artistique ou poétique dépourvu de toute connotation sexuelle ; que cependant Y..., conscient du caractère répréhensible des poses qu'il obtenait de la jeune X..., n'hésitait pas à détruire, en juillet et août 1996, de nombreux clichés, dont ceux qu'il avait pris alors qu'elle était mineure, au prétexte d'un rangement dans son atelier ; que les propos et allusions adressés à la jeune fille selon lesquels elle aimait être forcée pour faire les choses et qu'il fallait qu'elle fût violée pour les réussir sont révélatrices des pulsions malsaines qui présidaient à ces séances ; que les courriers adressés postérieurement à X... en sont l'illustration et la confirmation en ce qu'ils la gratifiaient du qualificatif de "pute divine", lui promettant de la livrer à "des mecs qui abuseront, profiteront de toi comme une pute... Je livrerais ton corps au désir brutal de bites inconnues", entre autres propositions délirantes dont le "second degré", allégué par le prévenu échappe largement au sens commun qui ne peut en percevoir en l'espèce que l'obscénité ;
que sont versées au dossier les lettres adressées par X... à Y... qui comportent des passages faisant référence aux expériences sexuelles déjà vécues par la mineure, à ses désirs, ainsi qu'à l'ambiguïté de ses rapports avec son ancien professeur ; que le prévenu ne saurait tirer argument d'une prétendue corruption, antérieure de celle-ci pour faire excuser ses propres actes ; que, pour le reste, ils ne font qu'attester que la débauche organisée par le prévenu avait atteint son but pervers ; qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations que Y... s'est rendu coupable d'avoir favorisé la corruption de X... en ne pouvant ignorer qu'elle était mineure (arrêt attaqué , p. 7 et 8) ;
"alors que 1 ), le juge ne peut ajouter aux faits de la prévention, sauf accord de l'intéressé recueilli préalablement ; qu'en l'espèce, Y... était poursuivi pour avoir, le 27 juin 1996, favorisé la corruption de la mineure X..., en lui ayant fait réaliser une séance de photographies à caractère prétendument pornographique ; qu'en jugeant de l'obscénité des actes de Y... au regard d'un "ensemble de constatations", et en particulier des termes de la correspondance échangée avec X... (arrêt attaqué, p. 7, dernier ), qui n'était cependant pas comprise dans la prévention comme un fait de corruption, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;
"alors que 2 ), au surplus, en retenant Y... dans les liens de la prévention, à la lecture de courriers (arrêt attaqué, p. 7, dernier ) rédigés postérieurement à la majorité de X... (productions), qui ne pouvaient être incriminés, la cour d'appel a violé les articles susvisés" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Pelletier conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Marin ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;