AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / la société civile immobilière (SCI) Luri, dont le siège est ...,
2 / la société civile immobilière (SCI) Les Santons, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 22 novembre 1999 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre civile), au profit :
1 / de la société Corsovia, dont le siège est Aspretto, ...,
2 / de M. Armand Y..., demeurant Cost di Villanova, 20167 Villanova,
3 / de M. Jean-Paul Z..., demeurant hôtel-club de Porticcio, 20166 Porticcio,
4 / de M. Toussaint X..., demeurant ...,
5 / de la compagnie Axa global risks, venant aux droits de l'UAP, dont le siège est ... ci-devant, et actuellement ...,
6 / de la société Maison Tradibat, dont le siège est ...,
7 / de la société civile immobilière (SCI) Pevani, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 25 septembre 2001, où étaient présents : M. Weber, président, M. Villien, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Cachelot, Martin, Mme Lardet, conseillers, Mmes Fossaert-Sabatier, Boulanger, conseillers référendaires, M. Guérin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Villien, conseiller, les observations de la SCP Rouvière et Boutet, avocat des sociétés civiles immobilières (SCI) Luri et Les Santons, de la SCP Coutard et Mayer, avocat de la compagnie Axa global risks, aux droits de l'UAP, les conclusions de M. Guérin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la SCI Luri et à la SCI Les Santons du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. Y..., Z... et X... ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 novembre 1999), qu'en 1990, la société civile immobilière (SCI) Pevani, cautionnée par le Crédit du Nord, a obtenu l'autorisation de créer un lotissement dont elle a entrepris la réalisation avec le concours d'un architecte, la société Maison Tradibat, entrepreneur, étant chargée des travaux, sous-traités partiellement à d'autres intervenants ; que deux lots ont été vendus aux sociétés civiles immobilières (SCI) Luri et Les Santons ; que la viabilité des terrains n'étant pas terminée et l'accès au chantier étant devenu impraticable, les travaux ont été interrompus ;
que la société Corsovia, assurée par l'Union des assurances de Paris, devenue Axa global risks, a été chargée de réaliser une voirie provisoire ;
que les constructions n'ayant pu être achevées, les SCI Luri et Les Santons ont sollicité la réparation de leur préjudice ;
Attendu que les SCI Luri et Les Santons font grief à l'arrêt de déclarer leur action recevable sur le fondement quasidélictuel contre des locateurs d'ouvrage et de rejeter leurs demandes en paiement relatives aux voiries et réseaux divers (VRD), alors, selon le moyen, que les sous-acquéreurs jouissent de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenaient à leur auteur et disposent contre ces locateurs d'ouvrage d'une action contractuelle fondée sur un manquement à leurs obligations envers le maître d'ouvrage ; que l'entreprise générale et le cabinet d'architectes ayant contracté avec la SCI Pevani, maître d'ouvrage, de laquelle les deux SCI tenaient leurs droits et actions, la cour d'appel, en affirmant que celles-ci recherchaient la responsabilité délictuelle de ces locateurs, a méconnu le principe susvisé et violé les articles 1382 du Code civil par fausse application et 1147 du Code civil par refus d'application ;
Mais attendu qu'ayant souverainement relevé que la voirie provisoire, réalisée par la société Corsovia, avait rempli l'usage auquel elle était destinée, que si la chaussée avait été dégradée par les intempéries, c'était parce que les ouvrages de collecte et d'évacuation des eaux pluviales n'étaient pas terminés faute de rémunération des entreprises et que les défauts de conception et les fautes d'exécution, au demeurant mal définis, retenus par l'expert contre les constructeurs n'avaient eu aucune incidence sur la réalisation d'un éventuel préjudice subi par les acquéreurs, la cour d'appel a pu en déduire, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant relatif à la responsabilité délictuelle, que l'absence de tout lien de causalité entre faute et préjudice devait entraîner le rejet des demandes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les SCI Luri et Les Santons font grief à l'arrêt de dire irrecevable l'action oblique intentée par elles contre les locateurs d'ouvrage, par substitution à la SCI Pevani, créancière de ceux-ci, alors, selon le moyen, que tout créancier peut exercer les droits et actions de son débiteur en cas de carence ou de négligence de celui-ci compromettant ses droits ; que tout en constatant, par adoption des motifs du jugement confirmé, que la SCI Pevani, lotisseur et maître d'ouvrage, était bien débitrice entre les SCI acquéreurs d'une obligation de faire consistant dans la finition par les locateurs d'ouvrage, des travaux d'assainissement et dans l'exécution de VRD dans les conditions prévues par l'arrêté autorisant le lotissement et la vente des lots avant l'exécution des travaux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses observations dont il s'évinçait que les conditions de l'action oblique étaient remplies, nonobstant les éventuelles exceptions opposables par les défendeurs à cette action, en violation de l'article 1166 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que l'action oblique à l'encontre des constructeurs ne pouvait prospérer, faute de justification d'une créance de la SCI Pevani, qui n'avait que partiellement réglé leurs prestations, ce qui avait motivé l'abandon du chantier, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur les troisième et quatrième moyens, réunis :
Attendu que les SCI Luri et Les Santons font grief à l'arrêt de dire irrecevable leur action contre la SCI Pevani, au titre des voiries et réseaux divers (VRD), et de rejeter leurs demandes en indemnisation des dommages, alors, selon le moyen :
1 / que, dans leurs conclusions d'appel, les SCI acquéreurs faisaient valoir que, par application des dispositions des articles R. 315-30 et suivants du Code de l'urbanisme prévoyant les conditions de mise en oeuvre de la garantie d'achèvement des travaux en cas de défaillance du lotisseur, la caution bancaire s'obligeait, solidairement avec le lotisseur tenu de livrer les VRD qu'il s'est engagé à réaliser, à payer les sommes nécessaires à l'achèvement des travaux envers les futurs attributaires des lots titulaires d'une créance contre ce lotisseur ; que la cour d'appel ne pouvait conclure que la demande de paiement des reprises des VRD contre la société Pevani était irrecevable sans répondre à ce moyen de nature à établir la qualité à agir de ce chef contre ce lotisseur, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la cassation qui interviendra du chef de l'arrêt ayant déclaré les deux SCI acquéreurs irrecevables à former leurs demandes relatives aux VRD entraînera par voie de conséquence l'annulation du chef de l'arrêt déboutant les SCI acquéreurs de leurs demandes tendant à voir retenue la responsabilité contractuelle de la SCI Pevani, lotisseur et maître d'ouvrage, tenue à une obligation de résultat de délivrance des lots et de finition des travaux, par application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que la route de desserte, située hors des lots des SCI Luri et Les Santons, prenait assiette sur un terrain appartenant à la SCI Pevani, que si les acquéreurs pouvaient réclamer à leur venderesse la réparation du préjudice causé par l'absence de route carrossable, ils ne pouvaient en revanche demander à sa place le paiement du coût des travaux afférents à cet ouvrage, à réaliser sur un terrain ne leur appartenant pas, et que la SCI Pevani ne pouvait être condamnée qu'à une obligation de faire ou à des dommages-intérêts, mais nullement au versement de sommes représentant des travaux communs à tous les lots et n'ayant aucune vocation à entrer dans le patrimoine des deux acquéreurs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes et qui n'était pas saisie d'une demande de délivrance des lots, a pu en déduire que les prétentions tendant à obtenir de la SCI Pevani le paiement des reprises des VRD étaient irrecevables ;
Attendu, d'autre part, que le deuxième moyen du pourvoi ayant été rejeté, le moyen soutenant l'annulation par voie de conséquence du chef de l'arrêt déboutant les SCI acquéreurs de leur demande tendant à voir retenir la responsabilité contractuelle de la SCI Pevani est devenu sans portée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne, ensemble, les SCI Luri et Les Santons aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, ensemble, les SCI Luri et Les Santons à payer à la compagnie Axa global risks la somme de 12 000 francs ou 1 829,39 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille un.