AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente octobre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES et les conclusions de M. l'avocat général MARIN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Luc, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de POITIERS, en date du 6 février 2001, qui a déclaré irrecevable sa plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée pour tromperie ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 2 du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 4 du Code de procédure pénale ;
Vu ledit article, ensemble les articles 2, 3 et 83 du même Code ;
Attendu que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 21 novembre 1997, Luc X... a porté plainte avec constitution de partie civile pour tromperie, exposant qu'il avait acheté un véhicule dont le kilométrage réel et l'état mécanique avaient été dissimulés par le vendeur ; que, par réquisitoire en date du 17 décembre 1997, le procureur de la République a ouvert une information de ce chef ; qu'au cours de l'information, il est apparu que, le 10 décembre 1997, Luc X... avait saisi la juridiction civile en raison des mêmes faits et que, par jugement en date du 11 décembre 1998 devenu définitif, celle-ci avait condamné le vendeur à lui payer des dommages-intérêts ; qu'au vu de ces éléments, le juge d'instruction a, par ordonnance en date du 6 novembre 2000, déclaré irrecevable la constitution de partie civile ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise sur l'appel de Luc X..., la chambre de l'instruction énonce que celui-ci avait "obtenu par fraude le jugement", dès lors qu'il avait porté son action devant le juge civil sans s'être préalablement désisté de sa constitution de partie civile ; qu'elle ajoute que ce jugement lui a alloué des dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et que le préjudice moral allégué par lui devant la juridiction d'instruction est sans consistance ; qu'elle en déduit que la plainte avec constitution de partie civile "est devenue irrecevable" faute d'intérêt ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs inopérants, alors que, d'une part, selon ses propres constatations, Luc X... avait subi un préjudice en relation directe avec l'infraction dénoncée et alors que, d'autre part, à le supposer établi, le fait que ce préjudice ait été intégralement réparé ne faisait pas obstacle à la recevabilité de la constitution de partie civile, laquelle pouvait n'être motivée que par la volonté de corroborer l'action publique, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs ;
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, en date du 6 février 2001, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Limoges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Desportes conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Marin ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;