AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente octobre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MARIN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Z... Marcel,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 18 septembre 2000, qui, pour délivrance d'attestation ou certificat de complaisance en vue d'obtenir des cartes professionnelles de VRP et entrave aux fonctions d'un inspecteur du travail, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 40 000 francs d'amende ;
Vu le mémoire ampliatif et les mémoires complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite des contrôles des fonctionnaires de la direction départementale du travail et de l'emploi au sein de la société Marseillaise de Radioguidage et de la société SOS Dépannage, Marcel Z... est poursuivi, sur le fondement de l'article L. 795-1 du Code du travail, pour avoir délivré des attestations contenant l'affirmation inexacte que ses agents technico-commerciaux exerçaient leur activité dans des conditions les plaçant sous le statut de voyageur ou de représentant du commerce et, sur le fondement des articles L. 631-1 et L. 611-9 du Code du travail, pour avoir mis obstacle aux fonctions de l'inspecteur du travail en refusant de lui fournir les documents permettant le contrôle de la durée du travail ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 795-1, L. 141-1 et R. 154-1 du Code du travail, 441-7 du Code pénal, 6 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de constater la violation du principe de l'autorité de la chose jugée tirée d'un jugement de relaxe prononcé par le tribunal correctionnel de Nice le 29 juillet 1997 au bénéfice de Marcel Z... ;
" aux motifs que ce jugement est relatif à des faits de marchandage, à des infractions relatives à la réglementation du SMIC et à diffusion et à la publication des offres et demandes d'emploi, faits commis à Nice de septembre 1993 à septembre 1995, dans le cadre de la société OK Service ; que, dès lors, la relaxe dont a bénéficié le prévenu concerne des infractions distinctes en leurs éléments tant de fait que de droit ;
" alors qu'aux termes de l'article 6 du Code de procédure pénale, une décision de relaxe fondée sur la circonstance que les faits dénoncés, à savoir le non-respect de la réglementation relative au SMIC, reprochés dans le cadre de l'une des sociétés dirigées par le prévenu, échappent à la qualification pénale dès lors que tout le personnel bénéficie du statut de VRP, en application depuis 1983 sur l'ensemble du territoire national et pour un réseau de 40 unités, s'oppose en raison de l'autorité de la chose jugée qui s'y attache, à toute nouvelle poursuite, à raison des mêmes faits reprochés au prévenu concernant l'une des 40 unités susvisées, sous quelque qualification que ce soit, fût sous le délit de délivrance d'attestations mensongères faisant état du statut de VRP reconnu aux techniciens ; qu'en se prononçant comme ils l'ont fait, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision " ;
Attendu que, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, les juges prononcent par Ies motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte qu'il n'existe pas d'identité de cause et d'objet entre la poursuite ayant donné lieu au jugement de relaxe et la présente poursuite, la cour d'appel a justifié sa décision au regard de l'article 6 du Code de procédure pénale ;
Que, dès lors, le moyen ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 751-1, L. 751-2 et L. 795-1 du Code du travail, 111-4 et 441-7 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir établi des attestations mensongères concernant le statut de VRP du personnel employé dans le cadre de ses sociétés et l'a condamné de ce chef ;
" aux motifs propres et adoptés que le fait que les employés des sociétés en cause aient la possibilité, une fois le client contacté pour une mission de dépannage et dépanné, de lui proposer d'autres services, ne suffisait pas à qualifier leur statut de voyageur placier ; que l'activité de vente de services, en réalité accessoire, secondaire et dépendante de l'activité de dépannage, n'est en tout état de cause pas exercée dans des conditions leur permettant, en l'absence de toute autonomie, de toute véritable prospection de clientèle et de toute initiative personnelle, de se voir attribuer le statut de VRP ;
" alors que le statut de VRP est applicable aux employés qui, accessoirement à leur activité de représentation, acceptent d'exercer certaines activités complémentaires pour le compte de leur employeur, qu'elle qu'en soit la nature et quelle qu'en soit l'antériorité par rapport à leur fonction principale ; qu'il importe peu que l'activité de prospection de clientèle ait lieu après une mission ponctuelle de dépannage, laquelle permet pour les employés d'une entreprise d'installation, de rénovation, d'amélioration de l'habitat et de vente de biens d'équipements, de rencontrer plus aisément la clientèle intéressée par ce type de prestations de services ; qu'en se prononçant comme ils l'ont fait, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 751-1, L. 751-2 et L. 795-1 du Code du travail, ensemble les articles L. 631-1, L. 611-1, L. 611-6, L. 611-8 et L. 611-9 du même code, 111-4, 121-3, 122-3 et 441-7 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir établi des attestations mensongères concernant le statut de VRP du personnel employé dans le cadre de ses sociétés et d'avoir mis obstacle aux fonctions d'un inspecteur du travail en ne lui communiquant pas les documents de contrôle de la durée du travail, et l'a condamné de ces chefs ;
" aux motifs propres et adoptés que le fait que les employés des sociétés en cause aient la possibilité, une fois le client contacté pour une mission de dépannage et dépanné, de lui proposer d'autres services, ne suffisait pas à qualifier leur statut de voyageur placier ; que l'activité de vente de services, en réalité accessoire, secondaire et dépendante de l'activité de dépannage, n'est en tout état de cause pas exercée dans des conditions leur permettant, en l'absence de toute autonomie, de toute véritable prospection de clientèle et de toute initiative personnelle, de se voir attribuer le statut de VRP ; que, dans leur procès-verbal n 119/ 96, l'inspecteur du travail et le contrôleur du travail ont précisé que lors de leur visite du 9 février 1996 dans les locaux de la société Marseillaise de radioguidage, les décomptes individuels de la durée de travail n'avaient pu leur être communiqués alors que la lecture du journal de production individuel ne pouvait en tenir lieu car ce document ne comportait pas d'heure de début et de fin d'intervention ; qu'il appartenait au prévenu de tenir à disposition de l'inspecteur les documents lui permettant de comptabiliser les heures effectuées par les techniciens, ce qu'il n'a pas fait, tandis qu'il ne peut s'abriter derrière le prétendu statut de VRP attribué de façon abusive à ses employés ;
" alors qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ; que n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ; qu'en l'espèce, Michel Z... faisait valoir (concl. p. 15 à 18) que l'option de la société SOS pour le statut VRP, pour l'ensemble de ses technico-commerciaux, remontait à janvier 1983, que depuis lors de nombreuses visites de contrôleurs et d'inspecteurs du travail et échanges de courriers avec l'Administration ont établi la parfaite connaissance de l'inspection du travail quant à l'option ainsi choisie, qu'aucun procès-verbal n'a été dressé par les contrôleurs du travail lors des contrôles, demandes de renseignements et visites effectués en 1990, 1991, 1992, 1995 que la direction départementale du travail acceptait chaque année les demandes d'habilitation à conclure des contrats de qualification de VRP ; qu'il en était même pour les deux filiales objets des poursuites ; qu'ainsi, en l'absence de la moindre remarque sur le choix du statut VRP fait par ces sociétés pour leurs technico-commerciaux pendant 14 ans, Michel Z... était fondé à croire qu'il avait légitimement employé du personnel en qualité de VRP, ce qui s'opposait à ce que soit retenu à son encontre tant l'élément intentionnel de délits que même une quelconque responsabilité pénale, eu égard à ce qui n'était tout au plus qu'une erreur de droit légitime ; qu'en omettant de se prononcer sur cet aspect essentiel du débat, bien qu'elle y fût invitée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer Marcel Z... coupable du délit prévu par l'article L. 795-1 du Code du travail, les juge d'appel relèvent que des cartes professionnelles de VRP ont été délivrées à des techniciens appelés à réaliser les dépannages chez les clients, au seul motif qu'ils étaient chargés de leur vendre des contrats d'abonnement ;
que les juges constatent que ces ouvriers étaient à la disposition toute la journée sur appel du standard téléphonique du siège de la société, qu'ils informaient leur supérieur de leur arrivée et de leur départ du domicile du client et devaient appliquer les consignes affichées sur le lieu de travail et qu'ils étaient donc sous la subordination constante et étroite de l'employeur et qu'enfin, ces techniciens, qui n'avaient aucun secteur déterminé, n'avaient aucune autonomie pour prospecter la clientèle ; que la cour d'appel retient encore que l'activité de vente de services était accessoire, secondaire, et dépendante de l'activité principale de dépannage ; qu'elle déduit de ses constatations que ces techniciens ne pouvaient se voir attribuer le statut de VRP ;
Que, pour écarter le moyen de défense du prévenu qui faisait valoir que la direction départementale du travail et de l'emploi avait donné son assentiment et n'avait formulé, depuis 14 ans, aucune remarque lors des contrôles, la juridiction d'appel retient que l'application du statut de VRP aux techniciens a donné lieu, depuis 1990, dans plusieurs départements, à diverses poursuites et condamnations pénales pour ces faits commis dans les sociétés dont il était le gérant ou appartenant au groupe où il exerce des fonctions de direction ; que les juges ajoutent que la signature de contrats de qualification, qui ne concernaient pas l'emploi de VRP, est inopérante ; qu'ils énoncent que non seulement le prévenu est mal fondé à invoquer l'erreur sur le droit mais encore qu'il a agi en connaissance de cause ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine des faits de la cause et des éléments de preuve, la cour d'appel a fait l'exacte application des articles L. 751-1 et suivants du Code du travail et a caractérisé en tous ses éléments tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 631-1, L. 611-1, L. 611-6, L. 6 11-8 et L. 611-9 du Code du travail, 121-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code rocédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Marcel Z... coupable d'avoir mis obstacle aux fonctions d'un inspecteur du travail en ne lui communiquant pas les documents de contrôle de la durée du travail et l'a condamné de ce chef ;
" aux motifs que, dans leur procès-verbal n 119/ 96 l'inspecteur du travail et le contrôleur du travail ont précisé que lors de leur visite du 9 février 1996 dans les locaux de la société Marseillaise de radioguidage, les décomptes individuels de la durée de travail n'avaient pu leur être communiqués alors que la lecture du journal de production individuel ne pouvait en tenir lieu car ce document ne comportait pas d'heure de début et de fin d'intervention ; qu'il appartenait au prévenu de tenir à la disposition de l'inspecteur les documents lui permettant de comptabiliser les heures effectuées par les techniciens, ce qu'il n'a pas fait, tandis qu'il ne peut s'abriter derrière le prétendu statut de VRP attribué de façon abusive à ses employés ;
" alors que le délit prévu par l'article L. 631-1 du Code du travail n'est caractérisé que si la non-présentation des documents exigés par l'inspecteur du travail s'accompagne de la volonté délibérée de faire obstacle à l'accomplissement des fonctions de l'inspecteur du travail ; qu'en l'espèce, dès lors que le document individuel relatif aux conditions de la durée du travail n'était pas établi en raison du statut de VRP accordé aux techniciens, qui ne sont pas soumis à une telle vérification horaire, la preuve de la mauvaise foi de l'employeur devait être rapportée pour caractériser le délit susvisé ; qu'aucune des constatations de l'arrêt attaqué n'établit cependant cet élément, de sorte que la décision n'est pas légalement justifiée " ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 611-9 du Code du travail, de l'article 630-1 du même Code, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que la décision attaquée a déclaré Marcel Z..., coupable d'avoir mis obstacle à l'exercice d'un inspecteur du travail ou d'un contrôleur du travail en refusant de fournir à M. Y... et M. X... les documents de contrôle de la durée du travail ;
" aux motifs que, dans leur procès-verbal n° 119/ 96 l'inspecteur du travail et le contrôleur du travail ont précisé que, lors de leur visite du 9 février 1996 dans les locaux de la société Marseillaise de radioguidage, les décomptes individuels de la durée de travail n'avaient pu leur être communiqués, cependant que la lecture du journal de production individuel ne pouvait en tenir lieu, car ce document ne comportait pas d'heure et de début d'intervention, qu'ils ont relevé qu'en refusant de leur fournir les documents de contrôle de la durée de travail, Marcel Z... mettait obstacle à leurs fonctions ; qu'il appartenait, en effet à ce dernier de tenir à la disposition de l'inspecteur du travail les documents permettant de comptabiliser les heures de travail effectuées par les sept techniciens de la société Marseillaise de radioguidage, ce qu'il n'a pas fait cependant qu'il ne peut s'abriter derrière le prétendu statut de VRP attribué de façon abusive à ses employés comme exposé ci-avant ;
" alors que l'article L. 611-9 du Code du travail ne permet aux inspecteurs du travail d'exiger des chefs d'établissement que la présentation des seuls livres, registres et documents rendus obligatoires par le Code du travail ou une disposition légale ou réglementaire ; que la décision attaquée ne précise pas quel document dont la tenue aurait été obligatoire n'a pas été présenté ;
que les textes en vigueur au moment des faits n'imposaient pas la tenue obligatoire d'un registre comptabilisant les heures de travail accomplies ; que la décision attaquée qui, en outre, ne précise pas les documents dont la tenue est obligatoire n'auraient pas été présentés, est donc entachée de violation de l'article L. 611-9 du Code du travail " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour le déclarer coupable du second délit reproché, les juges d'appel énoncent que le prévenu a refusé de fournir à l'inspecteur du travail les documents permettant de comptabiliser les heures de travail des techniciens en s'abritant derrière le prétendu statut de VRP qu'il attribuait de façon abusive à ses salariés ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, les juges ont caractérisé en tous ses éléments tant matériels qu'intentionnel, le délit d'obstacle aux fonctions d'inspecteur du travail ;
Que, dès lors, les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Mazars conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Marin ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;