AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Marie-Christine X..., épouse Z..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 3 mai 1999 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), au profit :
1 / de M. Bruno Y..., demeurant ...,
2 / de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Grenoble, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 septembre 2001, où étaient présents : M. Buffet, président, M. Mazars, conseiller rapporteur, M. Guerder, conseiller doyen, M. Pierre, Mme Solange Gautier, M. de Givry, conseillers, M. Trassoudaine, Mme Pauthe, conseillers référendaires, M. Kessous, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Mazars, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme Z..., de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Grenoble, 3 mai 1999), que son fils unique ayant été tué dans un accident dont M. Y... a été reconnu responsable, Mme Z... a assigné ce dernier en réparation de son préjudice corporel et économique et la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble en intervention ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnisation du préjudice résultant de sa stérilité qu'elle estime liée à son état anxio-dépressif provoqué par le décès de son fils, alors, selon le moyen :
1 / que l'auteur d'une faute qui a directement causé un préjudice doit être condamné à le réparer, nonobstant le fait que cette faute ne soit pas la cause exclusive du dommage considéré ; qu'en exigeant, pour l'application de l'article 1382 du Code civil, la constatation d'un lien de causalité exclusif liant la faute et le préjudice, la cour d'appel a violé les dispositions de ce texte ;
2 / que les prédispositions d'une personne à une pathologie n'excluent pas la responsabilité de l'auteur d'une faute ayant révélé ou activé cette pathologie ; qu'en refusant, en l'espèce, de retenir la responsabilité de l'auteur de l'accident ayant entraîné la stérilité de Mme Z..., au motif que cette stérilité n'est pas uniquement liée à l'état anxio-dépressif présenté par elle après l'accident, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt relève, d'une part, que si les médecins personnels de Mme Z... attribuent son infécondité à un mécanisme de blocage hypothalamo-hypophyso-ovarien et à des phénomènes psychiques perturbants, voire traumatisants, pouvant perturber la fécondité de façon manifeste, il ne s'agit là que d'hypothèses et, d'autre part, que les médecins-experts concluent qu'il n'est pas possible d'affirmer que la stérilité du couple Z... soit en relation avec l'état anxio-dépressif présenté par Mme Z..., après avoir relevé que d'autres éléments ont concouru à cette stérilité ;
Que par ces constatations et énonciations, desquelles il résulte qu'aucun lien de causalité n'est établi entre la stérilité de Mme Z... et le décès de son fils, la cour d'appel a, abstraction faite d'une expression erronée mais surabondante critiquée par la première branche du moyen, légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme Z... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnisation de son préjudice économique lié à la perte de chance d'une promotion professionnelle, qu'elle prétend consécutive à son état dépressif, alors, selon le moyen, que la perte de chance est un préjudice certain lié à la réalisation d'un événement futur et incertain ; qu'en refusant d'indemniser une perte de chance d'obtenir une promotion, au motif qu'elle n'aurait pas nécessairement eu lieu, la cour d'appel n'a pas réparé l'intégralité du préjudice et a violé les dispositions de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que postuler pour une promotion et même estimer remplir les conditions de celle-ci ne permet pas à coup sûr d'affirmer que cette promotion aurait eu lieu ; qu'en décidant, dès lors, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve, que la démonstration d'une chance réelle de promotion n'était pas faite, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille un.