AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre octobre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller THIN, les observations de Me BALAT, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SOCIETE PATRIMOINE FINANCES CONSEILS,
contre l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de PRIVAS, en date du 3 septembre 1999, qui a autorisé l'administration des Impôts à effectuer des opérations de visite et saisie de documents, en vue de rechercher la preuve d'une fraude fiscale ;
Vu les mémoires produits ;
I-Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :
Attendu que, si la déclaration de pourvoi formé par Gérard X... mentionne sa qualité de co-gérant de la société Patrimoine Finances Conseils, cette précision n'affecte pas la possibilité de déterminer si le pourvoi a été formé par le requérant en son nom propre, ou au nom de la société, dès lors qu'il est également précisé que le siège social est établi à Ajaccio, et que l'ordonnance attaquée, qui émane du président du tribunal de grande instance de Privas, est désignée dans l'acte sans confusion possible ;
D'où il suit que le pourvoi est recevable ;
II-Au fond :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 16 B du Livre des procédures fiscales, 812 et 813 du nouveau Code de procédure civile, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé des inspecteurs des Impôts à procéder à une visite domiciliaire dans des locaux d'habitation et/ ou professionnels sis... à Viviers (Ardèche) et occupés par M. et Mme X... ;
" alors qu'en l'absence de dispositions contraires édictées dans le Code général des Impôts ou le Livre des procédures fiscales en ce qui concerne la saisine du tribunal et la procédure, les règles générales de la procédure civile sont applicables en matière fiscale ; qu'aux termes de l'article 813 du nouveau Code de procédure civile, auquel aucun texte spécial à la matière fiscale ne déroge, la procédure d'ordonnance sur requête dont relève l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales exige que la requête sollicitant l'autorisation d'opérer des visites domiciliaires soit présentée par un avocat ; qu'ainsi, ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale la décision attaquée qui autorise des agents du fisc à opérer une visite domiciliaire sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales exige que la requête sollicitant l'autorisation d'opérer des visites domiciliaires soit présentée par un avocat ;
qu'ainsi, ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale la décision attaquée qui autorise des agents du fisc à opérer une visite domiciliaire sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, tout en constatant que la requête avait été présentée le 3 septembre 1999, par André B..., inspecteur principal des Impôts et, partant, sans le ministère d'un avocat " ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'ordonnance attaquée que la requête a été présentée par André B..., inspecteur principal des Impôts en résidence à la direction nationale des enquêtes fiscales, brigade interrégionale de Lyon ;
Qu'ainsi, et dès lors qu'il a été satisfait aux prescriptions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, l'ordonnance n'encourt pas le grief allégué ;
Qu'en effet, les dispositions de l'article 813 du nouveau Code de procédure civile ne sont pas applicables aux demandes d'autorisation de visites domiciliaires ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, tiré de la violation des articles L. 16 B du Livre des procédures fiscales, 447, 452, et 455 du nouveau Code de procédure civile, 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, excès de pouvoir, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé des inspecteurs des Impôts à procéder à une visite domiciliaire dans ses locaux d'habitation et/ ou professionnels sis... à Viviers (Ardèche) et occupés par M. et Mme X... ;
" alors que si les motifs et le dispositif de l'ordonnance rendue sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales sont réputés être établis par le juge qui l'a signée, il en est autrement lorsque la preuve contraire résulte des pièces du dossier officiel et notamment des propres mentions de la décision entreprise ; qu'en l'espèce, il résulte de l'ordonnance attaquée, rendue le 3 septembre 1999, que le magistrat, saisi le même jour, a dû examiner de très nombreuses pièces ; qu'en outre, dans le cadre de la même enquête, quatre autres ordonnances rédigées en des termes strictement identiques à l'ordonnance attaquée, et suivant une typographie exactement semblable et par ailleurs identique à la typographie de la requête, ont été rendues par les présidents ou les magistrats délégués des tribunaux de grande instance de Cusset, Macon, Nice et Ajaccio ; qu'enfin, après avoir désigné plusieurs inspecteurs pour effectuer les visites litigieuses, l'ordonnance attaquée indique (p. 13) que les intéressés sont spécialement habilités par le directeur général des Impôts en précisant " dont nous vous présentons la copie des habilitations nominatives " ; qu'ainsi, méconnaît les exigences de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales et le principe de la séparation des pouvoirs l'ordonnance attaquée qui, en cet état n'est manifestement que la reproduction de la requête établie par l'Administration et qui, partant, n'est pas l'oeuvre du juge qui l'a signée " ;
Attendu que, les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l'a rendue et signée ; que les circonstances que la requête ait été déposée le jour même du prononcé de la décision, et que des décisions distinctes, visant les mêmes contribuables, aient été rendues par d'autres magistrats dans les limites de leur compétence, sont sans incidence sur la régularité de l'ordonnance attaquée ;
Que le nombre des pièces produites par l'administration fiscale à l'appui de sa requête ne saurait en soi laisser présumer que le juge se serait trouvé dans l'impossibilité de les examiner, et d'en déduire l'existence de présomptions de fraude ;
Que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation, des articles L. 16 B du Livre des procédures fiscales, 447, 452, et 455 du nouveau Code de procédure civile, 18 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'ordonnance attaquée, a autorisé Guy Z..., inspecteur des Impôts, à procéder à une visite domiciliaire dans des locaux d'habitation et/ ou professionnels sis... à Viviers (Ardèche) et occupés par M. et Mme X... ;
" alors que, sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, seuls peuvent être autorisés à effectuer une visite domiciliaire les inspecteurs appartenant à des services dans la circonscription desquels sont situés les lieux à visiter ;
qu'ainsi, en autorisant Guy Z..., inspecteur des Impôts, à procéder à une visite domiciliaire dans des locaux d'habitation et/ ou professionnels sis à Viviers (Ardèche), sans préciser la compétence territoriale de l'intéressé, le juge a privé sa décision de toute base légale " ;
Attendu que, pour autoriser les inspecteurs principaux des Impôts C...et B..., ainsi que les inspecteurs des Impôts Z... et Y..., à procéder à une visite et à des saisies au domicile des époux X..., le juge se réfère à la requête présentée par André B..., laquelle mentionne que Guy Z... et Georges Y..., relèvent tous deux de la direction des vérifications nationales et internationales, 4ème brigade de vérification des comptabilités informatisées à Lyon ;
Qu'ainsi, et dès lors qu'il en résulte que le juge s'est trouvé en mesure de vérifier que les agents qu'il a désignés étaient dûment habilités, et territorialement compétents, l'ordonnance n'encourt pas le grief allégué ;
D'où il suit que le moyen ne saurait qu'être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, tiré de la violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales et 455 du nouveau Code de procédure civile, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé des inspecteurs des Impôts à procéder à une visite domiciliaire dans des locaux d'habitation et/ ou professionnels sis... à Viviers (Ardèche) et occupés par M. et Mme X... ;
" alors que pour autoriser une visite au domicile d'une personne physique, le juge doit préciser concrètement en quoi ce domicile est susceptible de contenir des documents illustrant le procédé de fraude imputé à une personne morale, contre laquelle sont relevées des présomptions d'infraction ; qu'en l'espèce, pour autoriser les agents du fisc à procéder à une visite domiciliaire dans les locaux d'habitation des époux X..., le juge s'est borné à énoncer qu'il existe des présomptions que la SARL Patrimoine Finances Conseils et Alain A... occulteraient des recettes commerciales liées à la fourniture de prestations de services dans le domaine de la gestion de patrimoine et les placements financiers ainsi qu'à une activité professionnelle non déclarée d'agent immobilier, et se soustrairaient à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés, de l'impôt sur le revenu et de la TVA, en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles, en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans les documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des Impôts ; qu'en se fondant sur ces seules énonciations, sans indiquer en quoi les locaux occupés par les époux X..., personnes physiques, étaient susceptibles de contenir des documents de nature à illustrer la fraude présumée, retenue à l'égard de la société PFC et de M. A..., le vice-président du tribunal de grande instance de Privas a privé sa décision de toute base légale " ;
Attendu qu'en énonçant qu'il existait des présomptions d'une fraude fiscale susceptible d'être commise par la société Patrimoine Finances Conseils, et en mentionnant la qualité de co-gérant de cette société du requérant, le président du tribunal a justifié sa décision d'autoriser la visite litigieuse ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Thin conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;