AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre octobre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller THIN, les observations de Me BALAT, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SOCIETE PATRIMOINE FINANCES CONSEILS,
- Y... Bernard,
contre l'ordonnance du président du tribunal de grande instance d'AJACCIO, en date du 7 septembre 1999, qui a autorisé l'administration des Impôts à effectuer des opérations de visite et saisie de documents, en vue de rechercher la preuve d'une fraude fiscale ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 16 B du Livre des procédures fiscales, 812 et 813 du nouveau Code de procédure civile, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé des inspecteurs des Impôts à procéder à une visite domiciliaire dans des locaux d'habitation et/ ou professionnels sis San Biaggio,..., et occupés par la SARL Patrimoine Finances Conseils (PFC) et par M. et Mme Bernard Y... ;
" alors qu'en l'absence de dispositions contraires édictées dans le Code général des Impôts ou le Livre des procédures fiscales en ce qui concerne la saisine du tribunal et la procédure, les règles générales de la procédure civile sont applicables en matière fiscale ; qu'aux termes de l'article 813 du nouveau Code de procédure civile, auquel aucun texte spécial à la matière fiscale ne déroge, la procédure d'ordonnance sur requête dont relève l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales exige que la requête sollicitant l'autorisation d'opérer des visites domiciliaires soit présentée par un avocat ; qu'ainsi, ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale la décision attaquée qui autorise des agents du fisc à opérer une visite domiciliaire sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, tout en constatant que la requête avait été présentée le 7 septembre 1999, par Michel A..., inspecteur principal des Impôts et, partant, sans le ministère d'un avocat " ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'ordonnance attaquée que la requête a été présentée par Michel A..., inspecteur principal des Impôts en résidence à la direction nationale des enquêtes fiscales, brigade inter régionale de Strasbourg ;
Qu'ainsi, et, dès lors qu'il a été satisfait aux prescriptions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, l'ordonnance n'encourt pas le grief allégué ;
Qu'en effet, les dispositions de l'article 813 du nouveau Code de procédure civile ne sont pas applicables aux demandes d'autorisation de visites domiciliaires ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, tiré de la violation des articles L 16 B du Livre des procédures fiscales, 447, 452, et 455 du nouveau Code de procédure civile, 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, excès de pouvoir, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé des inspecteurs des Impôts à procéder à une visite domiciliaire dans des locaux d'habitation et/ ou professionnels sis San Biaggio,..., et occupés par la société SARL Patrimoine Finances Conseils (PFC) et par M. et Mme Bernard Y... ;
" alors que si les motifs et le dispositif de l'ordonnance rendue sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales sont réputés être établis par le juge qui l'a signée, il en est autrement lorsque la preuve contraire résulte des pièces du dossier officiel et notamment des propres mentions de la décision entreprise ; qu'en l'espèce, il résulte de l'ordonnance attaquée, rendue le 7 septembre 1999, que le magistrat, saisi le même jour, a dû examiner de très nombreuses pièces ; qu'en outre, dans le cadre de la même enquête, quatre autres ordonnances rédigées en des termes strictement identiques à l'ordonnance attaquée, et suivant une typographie exactement semblable et par ailleurs identique à la typographie de la requête, ont été rendues par les présidents ou les magistrats délégués des tribunaux de grande instance de Cusset, Macon, Nice et Privas ; qu'ainsi, méconnaît les exigences de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales et le principe de la séparation des pouvoirs, l'ordonnance attaquée qui, s'agissant d'une décision de 15 pages, et compte tenu du laps de temps laissé au juge, n'a pu être matériellement établie par ce dernier " ;
Attendu que les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l'a rendue et signée ; que les circonstances que la requête ait été déposée le jour même du prononcé de la décision, et que des décisions distinctes, visant les mêmes contribuables, aient été rendues par d'autres magistrats dans les limites de leur compétence, est sans incidence sur la régularité de l'ordonnance attaquée ;
Qu le nombre des pièces produites par l'administration fiscale à l'appui de sa requête ne saurait en soi laisser présumer que le juge se serait trouvé dans l'impossibilité de les examiner, et d'en déduire l'existence de présomptions de fraude ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 16 B du Livre des procédures fiscales, 455 du nouveau Code de procédure civile, et 18 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'ordonnance attaquée, qui a autorisé des inspecteurs des Impôts à procéder à une visite domiciliaire dans un local sis à Ajaccio, a désigné Thierry Z..., commandant de police à la Direction centrale de la police judiciaire, division nationale des escroqueries et fraudes technologiques sise 101 rue des 3 Fontanot 92000 Nanterre, pour assister à ces opérations ;
" alors que seul un officier de police judiciaire territorialement compétent peut être désigné, sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, pour assister au déroulement des opérations de saisies et de visites domiciliaires et en tenir informé le juge ; qu'ainsi, ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son exigence légale la décision attaquée qui se borne à indiquer que l'officier de police judiciaire chargé d'assister à la perquisition litigieuse-qui appartient à la Direction centrale de la police judiciaire, division nationale des escroqueries et fraudes technologiques sise 101 rue des 3 Fontanot 92000 Nanterre-est territorialement compétent, sans préciser en quoi l'intéressé était territorialement compétent pour assister à une visite domiciliaire opérée dans une ville distincte de celle du service dont il relève " ;
Attendu que l'ordonnance attaquée en désignant, pour assister les fonctionnaires des Impôts lors des opérations qu'elle autorise, Thierry Z..., dont elle précise qu'il a la qualité d'officier de police judiciaire, qu'il est affecté à la direction centrale de la police judiciaire, et qu'il est territorialement compétent, n'encourt pas le grief allégué ;
D'où il suit que le moyen qui manque en fait, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'ordonnance attaquée est régulière en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Thin conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;