AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois octobre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BEAUDONNET, les observations de Me Le PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Denis,
- Y... Madeleine, épouse X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 9 janvier 2001, qui, pour infraction au Code de l'urbanisme, les a condamnés à 200 000 francs d'amende chacun, a ordonné des mesures de démolition, sous astreinte, de la construction irrégulièrement édifiée et de publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 421-1, L. 480-1, L. 480-4, L. 480-5, alinéas 1 et 2, et L. 480-7 du Code de l'urbanisme, R. 421-14 du même Code, 485 et 593 du Code de procédure pénale, renversement de la charge de la preuve, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné chacun des époux X... à une amende de 200 000 francs, ordonné la démolition de la construction litigieuse sous astreinte et la publication de l'arrêt ;
"aux motifs que, dans le cadre de conclusions dites "complémentaires, les prévenus soutiennent avoir, par lettre recommandée en date du 1er août 1994, adressé aux services compétents une "requête en instruction" de leur demande conformément aux dispositions de l'article R. 421-14 du Code de l'urbanisme et bénéficier ainsi en toute hypothèse, à compter de novembre 1994, d'un permis tacite faute de décision régulièrement notifiée dans le délai de 2 mois ; que si les prévenus ont joint à la procédure une lettre en date du 1er août 1994 dans laquelle il est demandé au maire de la commune d'Aix-en-Provence d'instruire une demande déposée par eux en novembre 1991, il ne résulte pas des documents soumis à l'appréciation de la Cour que ce courrier ait bien été adressé par pli recommandé au service instructeur, qu'il convient de constater que sur un avis de réception joint à la procédure, est porté le tampon des services postaux portant la date du 10 août 1995 ; qu'au surplus, le destinataire mentionné maire d'Aix-en-Provence est insuffisant pour qu'il puisse être affirmé que l'envoi concernait bien une demande d'instruction d'un permis de construire faite le 1er août 1994 pour un permis de construire déposé trois ans auparavant, le 8 novembre 1991 ;
"alors que tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la culpabilité incombe à la partie poursuivante, et que le demandeur d'un permis de construire peut se prévaloir d'une autorisation tacite lorsqu'à défaut de lettre de notification, il a adressé à l'autorité compétente une requête en instruction de la demande, telle que prévue par l'article R. 421-14 du Code de l'urbanisme, et qu'aucune décision ne lui a été notifiée dans le délai de deux mois ; qu'en l'espèce, dès lors que les époux X... avaient versé aux débats la lettre recommandée du 1er août 1994, par laquelle ils demandaient en termes exprès à la mairie d'Aix-en-Provence, l'instruction de leur demande de permis de construire déposée en novembre 1991, la cour d'appel ne pouvait nier l'existence d'un permis tacite en se bornant à relever que les époux X... n'établissaient pas que la lettre en question avait été adressée par pli recommandée au service compétent ; qu'elle a violé le principe de la présomption d'innocence et les textes visés au moyen" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 421-1, L. 480-1, L. 480-4, L. 480-5, alinéa 1 et 2, et L. 480-7 du Code de l'urbanisme, 388, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné chacun des époux X... à une amende de 200 000 francs, ordonné la démolition de la construction litigieuse sous astreinte et la publication de l'arrêt ;
"aux motifs que, il convient de constater que le permis de construire déposé en 1991 portait sur l'édification "d'un logement, de bâtiments agricoles, de boxes à chevaux et granges" ;
qu'il résulte d'une visite effectuée sur les lieux le 6 octobre 2000 par un représentant de la direction départementale de l'Equipement, que seul un bâtiment d'habitation a été construit, que les bâtiments de l'exploitation agricole pour lequel le logement était nécessaire et pouvait être autorisé, n'ont pas été édifiés, qu'il n'a été relevé aucune trace d'une réelle activité agricole, qu'ainsi surabondamment, à supposer même que les prévenus puissent se prévaloir d'un permis tacite, les constructions édifiées ne sont pas conformes à ce permis et ne régularisent pas la situation ;
"alors que les juges ne peuvent statuer sur des faits autres que ceux qui leur sont déférés et distincts de celui visé dans la prévention, à moins que le prévenu n'ait accepté formellement d'être jugé sur les faits nouveaux ; qu'en retenant la non conformité en octobre 2000 des constructions édifiées, bien que la citation délivrée à la requête de la mairie d'Aix-en-Provence aux époux X... en date du 6 juin 1995 du chef de construction sans permis se fondait sur deux constats en date des 20 et 30 août 1994, la cour d'appel a méconnu sa saisine et violé l'article 388 du Code de procédure pénale" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, par jugement du 27 juin 1997, devenu définitif, les premiers juges ont déclaré les époux X... coupables de construction sans obtention préalable d'un permis de construire, et ajourné le prononcé de la peine ; qu'ils ont statué sur la peine par jugement du 16 mars 1998 ;
Attendu que, saisie de l'appel de cette dernière décision, la juridiction du second degré prononce sur les seules peines ;
Attendu qu'en cet état, les moyens, qui ne tendent qu'à remettre en cause le principe de la culpabilité des demandeurs, définitivement acquis, sont inopérants ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Beaudonnet conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;