AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Henri X..., demeurant à Violesi, 13320 Bouc-Bel-Air,
en cassation d'un arrêt rendu le 5 mai 1999 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre), au profit de la société Cabinet Cauvin Angleys Saint-Pierre, société anonyme dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 juillet 2001, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Lemoine Jeanjean, conseiller rapporteur, M. Texier, conseiller, Mme Maunand, M. Soury, conseillers référendaires, M. Benmakhlouf, premier avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Lemoine Jeanjean, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Cabinet Cauvin Angleys Saint-Pierre, les conclusions de M. Benmakhlouf, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X... est entré au service de la société Cabinet Cauvin Angleys Saint-Pierre, le 1er avril 1957, en qualité d'expert-comptable ; qu'il avait, en outre, la qualité d'associé ; que, par lettre du 15 juin 1994, la société lui a notifié sa mise à la retraite à compter du 31 décembre 1994, étant observé qu'il atteindrait l'âge de 65 ans le 25 décembre 1994 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... reproche à la cour d'appel d'avoir statué sans respecter le principe de la contradiction, les conclusions et pièces adverses ayant été communiquées à la veille de l'audience ;
Mais attendu que la procédure en matière prud'homale étant orale, les pièces et documents visés dans l'arrêt sont présumés, sauf preuve contraire non rapportée en l'espèce, avoir été contradictoirement discutés devant les juges du fond ; que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... reproche à la cour d'appel d'avoir rejeté sa demande tendant au paiement d'une somme à titre de prime d'ancienneté en opérant une confusion entre la régularisation de cette prime et l'augmentation annuelle de salaire ;
Mais attendu que le moyen, qui n'invoque la violation d'aucune règle de droit et ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de Cassation les éléments de fait et de preuve souverainement appréciés par les juges du fond, ne saurait être accueilli ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 6.2.4.2 de la Convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables ;
Attendu qu'aux termes de ce texte :
"En cas de mise à la retraite à partir de l'âge normal de la retraite, le salarié perçoit :
- l'indemnité prévue au deuxième alinéa de l'article L. 122-14-13 du Code du travail, si la rupture intervient à partir de l'âge de 65 ans ;
- une indemnité calculée à partir de l'indemnité légale majorée de : 10 % lorsque la rupture intervient à partir de 64 ans ; 20 % lorsqu'elle intervient à partir de 63 ans ; 30 % lorsqu'elle intervient à partir de 62 ans ; 40 % lorsqu'elle intervient à partir de 61 ans ; 50 % lorsqu'elle intervient à partir de 60 ans.
Pour l'application de cette règle, l'âge s'apprécie au premier jour du mois de la date anniversaire..." ;
Attendu que pour rejeter la demande d'indemnité calculée à partir de l'indemnité légale majorée de 10 %, la cour d'appel a énoncé que si la disposition conventionnelle précise que "pour l'application de cette règle, l'âge s'apprécie au premier jour du mois de la date anniversaire", l'emploi du singulier ("cette règle") traduit sans ambiguïté que les rédacteurs de ce texte ne visaient, pour l'appréciation de l'âge, que l'indemnité légale majorée ; qu'en effet, s'ils avaient entendu se référer également à l'indemnité instituée par l'article L. 122-14-13 du Code du travail, ils auraient dans ce texte parlé de "ces règles" ; que, dès lors, la règle suivant laquelle l'âge s'apprécie au premier jour du mois de la date anniversaire ne s'appliquait pas à M. X..., qui avait 65 ans révolus au moment de la rupture et pouvait bénéficier de l'indemnité légale prévue par l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
Attendu, cependant, que l'article 6.2.4.2. de la Convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables ne distingue pas, pour l'application de la disposition suivant laquelle l'âge du salarié lors de la rupture s'apprécie au premier jour du mois de la date anniversaire, selon que la rupture intervient à partir de l'âge de 65 ans et ouvre droit au bénéfice de l'indemnité légale, ou avant cet âge et ouvre droit à l'indemnité légale majorée ; que M. X..., né le 25 décembre 1929 et mis à la retraite le 31 décembre 1994, n'avait pas 65 ans au 1er décembre 1994, jour auquel son âge devait être apprécié pour déterminer le montant de l'indemnité de départ en retraite qui lui était due ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le salarié, mis à la retraite à partir de 64 ans, devait percevoir une indemnité calculée à partir de l'indemnité légale majorée de 10 %, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition rejetant la demande de majoration conventionnelle de l'indemnité de départ en retraite, l'arrêt rendu le 5 mai 1999, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Cabinet Cauvin Angleys Saint-Pierre ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille un.