AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept octobre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Omar,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 16 juillet 2001, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et recels aggravés, a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire rendue par le juge des libertés et de la détention ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 194, 197, 198, 801 et 802 du Code de procédure pénale, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"en ce que l'arrêt attaqué du 16 juillet 2001 a confirmé l'ordonnance de mise en détention d'Omar X... ;
"aux motifs que le procureur général a notifié la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience à Omar X... et à son avocat, par lettre recommandée, le 16 juillet 2001, et a déposé le dossier au greffe de la chambre d'accusation et ses réquisitions écrites en date du 16 juillet 2001 pour être tenu à la disposition de l'avocat d'Omar X... (arrêt page 2) ; que si par application de l'article 198 du Code de procédure pénale, les parties sont admises, jusqu'à la veille de l'audience, heure de fermeture du greffe, à produire des mémoires, ce délai est prorogé jusqu'à la lecture de son rapport par le conseiller rapporteur, en cas de circonstances, telles qu'en l'espèce, rendant impossible l'exercice de ce droit, à l'intérieur du délai déterminé par l'article susvisé ; que le demandeur, dont l'avocat a été régulièrement convoqué, dans le délai de l'article 197 du Code de procédure pénale, a pu consulter le dossier avant l'audience et n'a pas usé de la faculté de déposer un mémoire sur le fond de la procédure ; qu'il n'a, dès lors, subi aucun grief ; que les prescriptions de l'article 197 du Code de procédure pénale ne s'appliquent pas à l'appelant d'une ordonnance de placement en détention provisoire qui n'a pas demandé à comparaître, mais seulement à son avocat ;
"alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 194 du Code de procédure pénale, la chambre de l'instruction doit se prononcer dans les dix jours de l'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire, faute de quoi la personne est mise d'office en liberté ; que l'article 197 du même Code prescrit, en matière de détention provisoire, un délai minimum de 48 heures entre la date d'envoi de la lettre recommandée avisant l'avocat de l'audience et celle de l'audience, délai durant lequel le dossier doit être déposé au greffe et mis à la disposition des avocats ; qu'en l'espèce, il résulte des propres mentions de l'arrêt attaqué, ainsi que des pièces de la procédure, que la lettre d'avis d'audience n'a été envoyée que le jour même de l'audience à l'avocat, et que les réquisitions écrites du procureur général et le dossier n'ont été déposés au greffe qu'à cette même date ; que, dès lors, la chambre de l'instruction ne pouvait que constater l'impossibilité de statuer sur un appel que l'intéressé, lui-même non avisé personnellement de la date d'audience, n'avait pas été en mesure de soutenir ni de faire soutenir, ainsi que celle, compte-tenu de l'expiration du délai de l'article 194, de renvoyer à une date ultérieure ; qu'elle se devait, en conséquence, de prononcer la mise en liberté d'office ;
"alors, d'autre part, que l'arrêt attaqué, qui constate que la lettre recommandée avisant l'avocat de la date d'audience a été envoyée le 16 septembre, jour même de l'audience, ne pouvait, sans violer l'article 197 du Code de procédure pénale, affirmer que l'avocat avait été régulièrement convoqué dans le délai prescrit par ce texte ;
"alors, encore, que l'émission d'un fax à l'avocat, le vendredi 13 juillet à 19 heures 12, pour l'aviser d'une audience le lundi 16 juillet à 17 heures, ne peut faire courir le délai de 48 heures dont l'article 197 du Code de procédure pénale fixe le point de départ à la date d'émission de la lettre recommandée ; que, de même, la mise à disposition du dossier avec les réquisitions écrites le jour même de l'audience ne satisfait pas aux prescriptions de l'article 197 qui prévoient que cette mise à disposition doit être effectuée durant tout le délai de 48 heures ; que, dès lors, non seulement la procédure a été irrégulière au regard des prescriptions posées par l'article 197, mais elle n'a pas permis l'exercice effectif des droits de la défense ;
"alors, en outre, qu'en se bornant à indiquer que le dossier et les réquisitions du procureur général ont été déposés au greffe le 16 juillet, jour même de l'audience, sans indiquer et sans préciser l'heure, l'arrêt attaqué ne permet pas de s'assurer, comme il l'affirme, que la défense aurait pu avoir accès au dossier et aux réquisitions écrites du procureur général avant l'audience et être en mesure de déposer un mémoire au fond avant l'audience ;
"alors, enfin, qu'aucune circonstance imprévisible ou insurmontable ne résulte ni des constatations de l'arrêt attaqué, ni des pièces du dossier, permettant de justifier que les délais des articles 194 et 197 n'aient pas été respectés ; qu'en conséquence, la chambre de l'instruction ne pouvait affirmer que de telles circonstances auraient permis à l'avocat de déroger au délai de dépôt du mémoire et devait prononcer la mise en liberté d'office de l'intéressé" ;
Vu l'article 197 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ce texte, le procureur général notifie par lettre recommandée à chacune des parties et à son avocat la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience ; qu'en matière de détention provisoire, un délai minimum de quarante-huit heures doit être observé entre la date d'envoi de la lettre recommandée et celle de l'audience ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que le procureur général a notifié la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience au mis en examen et à son avocat par lettre recommandée le 16 juillet 2001 ;
Qu'ainsi les dispositions du texte susvisé ont été méconnues et qu'il a été porté atteinte aux intérêts du demandeur ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 16 juillet 2001, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Chemithe ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;