LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept octobre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN, les observations de Me VUITTON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Daniel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 20 novembre 2000, qui, pour abus de biens sociaux, faux, complicité de destruction volontaire d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'un incendie, escroquerie et tentative, l'a condamné à 3 ans d'emprisonnement avec sursis et 30 000 francs d'amende, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 520 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"en ce que l'arrêt a confirmé le jugement entrepris sur les déclarations de culpabilité de Daniel X... ;
"alors que doit être annulé d'office le jugement qui ne contient aucune motivation ; qu'en l'espèce, le jugement rendu le 2 mars 2000, prononçant la culpabilité du demandeur, ne contenait aucune motivation, de sorte qu'il appartenait à la cour d'appel de l'annuler d'office et d'évoquer ; qu'à défaut elle a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu que le demandeur est sans intérêt à faire grief à l'arrêt de n'avoir pas annulé le jugement, dès lors qu'en cas d'annulation la cour d'appel aurait dû évoquer et statuer au fond ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 388 et 512 du Code de procédure civile, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel statuant sur l'appel interjeté par le ministère public et la partie civile a requalifié l'infraction de tentative d'escroquerie en délit d'escroquerie à concurrence de la somme de 80 000 francs, a déclaré Daniel X... coupable de l'infraction ainsi requalifiée et a statué sur l'action civile ;
"aux motifs qu'une procédure d'expertise amiable a eu lieu, et le 20 février 1995, la Compagnie a versé une provision de 80 000 francs ; que la société Faber, en la personne de Daniel X..., a fait assigner la compagnie AMF en paiement d'une indemnité de sinistre de 998 445 francs en principal ; qu'en employant des manoeuvres frauduleuses destinées à déterminer une remise de fonds, en l'espèce en déclarant comme accidentel un incendie dont il connaissait le caractère volontaire et dont il s'était rendu complice, obtenant le paiement d'une provision de 80 000 francs et sollicitant ensuite de manière amiable, puis judiciaire, le remboursement du sinistre ainsi frauduleusement déclaré, le prévenu s'est rendu coupable, à concurrence de 80 000 francs d'une escroquerie, pour le surplus, du commencement d'exécution, caractérisant la tentative d'escroquerie, lequel n'a manqué son effet que par suite de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, à savoir l'enquête diligentée par la compagnie d'assurances ; que l'infraction étant établie, Daniel X... sera déclaré coupable de tentative d'escroquerie, étant précisé que les faits objet de la poursuite seront requalifiés en délit d'escroquerie pour la somme de 80 000 francs, qu'il en sera de même déclaré coupable ;
"alors que, s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition de ne rien y ajouter sauf acceptation expresse par le prévenu d'être jugé sur des faits ou circonstances aggravantes non compris dans la poursuite ; qu'en requalifiant pour partie le délit de tentative d'escroquerie en escroquerie, sans que, au préalable, le prévenu ait expressément accepté d'être jugé de ce chef complémentaire, l'arrêt a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir constaté que le prévenu poursuivi du seul chef de tentative d'escroquerie, avait obtenu en employant des manoeuvres frauduleuses, le versement d'une provision de 80 000 francs, l'a déclaré coupable d'escroquerie pour ce montant et de tentative de la même escroquerie pour les sommes vainement réclamées, en usant des mêmes manoeuvres ;
Attendu qu'en cet état, dès lors que la cour d'appel n'a pas modifié les seuls termes de la prévention, le grief allégué n'est pas encouru ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-6, 121-7, 322-6 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Daniel X... coupable de complicité du délit de destruction volontaire des locaux de la société Faber par l'effet d'un incendie et a statué sur la peine ;
"aux motifs qu'il est ainsi démontré que l'incendie volontaire, allumé par une personne possédant la clé des lieux était destiné à profiter au prévenu et à lui seul puisqu'entraînant la disparition des documents probants, il mettait prématurément fin au contrôle fiscal exposant la société à un péril vital, et qu'il permettait concomitamment une indemnisation chiffrée par Daniel X... dès sa première audition à environ 1 000 000 francs, ensuite à 800 000 francs, en ce compris le remboursement des meubles appartenant à des tiers, également détruits, le prévenu ayant par ailleurs démontré et reconnu son aptitude à détruire des documents comptables, sur support papier ou informatique ; qu'il résulte de ces éléments que Daniel X... s'est rendu coupable de complicité de destruction volontaire par incendie en remettant ou faisant remettre en connaissance de cause à l'auteur principal demeuré inconnu les clés du local, et en donnant des instructions de mise à feu à proximité de l'ordinateur de gestion des stocks ;
"alors que la complicité par promesses, dons ou instructions requiert que soit constatée l'antériorité ou la concomitance des promesses, dons ou instructions à la réalisation du fait principal ; qu'en l'espèce, la Cour, qui n'a pas caractérisé que les dons, promesses ou instructions avaient été antérieurs ou concomitants à la commission de l'infraction principale, n'a pas légalement justifié son arrêt" ;
Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, la cour d'appel, en relevant que le prévenu "s'était rendu coupable de complicité de destruction volontaire par incendie en remettant ou faisant remettre en connaissance de cause à l'auteur principal demeuré inconnu les clés du local, et en donnant des instructions de mise à feu à proximité de l'ordinateur de gestion de stocks", a constaté et par là même caractérisé l'antériorité des actes de complicité par rapport au fait principal ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a condamné Daniel X... au paiement d'une somme de 80 000 francs à la partie civile, sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
"alors que la Cour ne pouvait suppléer la carence de la partie civile dans son obligation de déclarer à la procédure collective sa créance à hauteur de 80 000 francs en lui allouant une telle somme sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale" ;
Attendu que la cour d'appel a souverainement évalué à 80 000 francs l'indemnisation allouée à la partie civile sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué n'encourt pas le grief allégué ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Koering-Joulin conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Farge, Pelletier, Mme Ponroy, MM. Arnould, Corneloup, Pometan, Rognon, Chanut conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Chemithe ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.