AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize octobre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de Me DELVOLVE, et de la société civile professionnelle GATINEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Roland
-Y... Pierre, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 15 novembre 2000, qui sur renvoi après cassation, les a déboutés de leurs demandes formées contre Thierry Z... sur le fondement de l'article 91 du Code de procédure pénale ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation présenté pour les demandeurs et pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 91, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté Roland X... et Pierre C... de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour constitution de partie civile abusive ;
" aux motifs qu'il convenait uniquement de rechercher si Thierry Z... avait commis une faute en déposant de façon téméraire sa plainte et si de ce fait les demandeurs avaient subi un dommage ; qu'en l'espèce la chronologie des actions intentées, la teneur des décisions rendues démontraient que Thierry Z... se trouvait dans une situation délicate lorsqu'il s'était vu signifier, au mois de février 1993, un commandement de saisie-vente sur la base d'un titre exécutoire frappé d'opposition ; qu'en outre le magistrat instructeur avait relevé que les éléments matériels du délit de concussion étaient constitués ; qu'il apparaissait donc que Thierry Z... avait pu légitimement craindre une action illégale à son encontre ; qu'il n'avait donc qu'usé d'une voie de droit pour se défendre ; que Thierry Z... n'avait commis aucune faute, même s'il fallait admettre que l'autorité administrative représentée par ses agents n'avait pas été de mauvaise foi et qu'il s'était agi d'un dysfonctionnement ; que, par ailleurs, ils ne rapportaient pas la preuve d'un préjudice, la mise en examen en tant que telle n'étant pas attentatoire à leur honneur dans la mesure où elle leur avait permis de se défendre et que, l'information étant couverte par le secret, ils n'avaient pas été soumis à une campagne de dénigrement ;
" alors d'une part, que commet une faute, justifiant sa condamnation pour dénonciation abusive ou téméraire au sens de l'article 91 du Code de procédure pénale, celui qui dépose une plainte avec constitution de partie civile sans disposer d'éléments sérieux confortant les accusations qu'il formule ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déduit l'absence de faute de la seule circonstance que, dans une ordonnance de non-lieu, le juge d'instruction avait relevé que les éléments matériels du délit de concussion étaient constitués, sans s'attacher au fait que l'élément intentionnel avait fait particulièrement défaut ce qui démontrait que Thierry Z..., partie civile, qui ne s'était à aucun moment assuré ou tenté de s'assurer de l'existence de l'élément intentionnel du délit de concussion qu'il avait dénoncé, se contentant de la seule existence d'indices matériels, avait ainsi agi avec témérité et légèreté ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
" alors d'autre part, qu'il appartenait aux juges du fond de s'attacher au préjudice résultant non de la mise en examen ou de la conduite de l'information mais de la plainte abusive elle-même, c'est-à-dire de l'accusation de délit de concussion ayant abouti à une ordonnance de non-lieu " ;
Attendu que le moyen revient à remettre en discussion devant la Cour de Cassation les éléments de fait sur lesquels les juges se sont fondés pour en déduire l'absence de faute de l'auteur de la plainte ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Attendu que la condamnation prévue par l'article 618-1 du Code de procédure pénale ne pouvant être prononcée que contre l'auteur de l'infraction et au profit de la partie civile, la demande faite à ce titre par Thierry Z..., défendeur à l'action fondée sur l'article 91 dudit code, contre les demandeurs n'est pas recevable ;
REJETTE les pourvois ;
DECLARE IRRECEVABLE la demande de Thierry Z... au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Mazars conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.