AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix octobre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller THIN, les observations de Me CHOUCROY, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- LA SOCIETE DL DISTRIBUTION,
- LA SOCIETE MC DIFFUSION,
- LA SOCIETE ALINEA,
- LA SOCIETE NUMBER ONE,
- LA SOCIETE TAKANO YURI INTERNATIONAL,
- LA SOCIETE DL FINANCE,
contre l'ordonnance du tribunal de grande instance de PARIS, en date du 24 septembre 1999, qui a autorisé l'administration des Impôts à effectuer des opérations de visite et de saisie de documents, en vue de rechercher la preuve d'une fraude fiscale ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;
"en ce sens que l'ordonnance attaquée a autorisé l'exercice du droit de visite et de saisie dans des locaux situés à Paris sur la requête d'un fonctionnaire en résidence auprès d'un service de contrôle à Pantin sans avoir vérifié et formellement indiqué la compétence territoriale dudit agent pour former une telle requête ;
"alors que l'ordonnance doit faire la preuve par elle-même de sa régularité ; qu'elle doit précisément indiquer la qualité du fonctionnaire qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite ; qu'il appartient, par conséquent, au juge de préciser la compétence territoriale de l'intéressé, particulièrement lorsqu'il est établi dans un ressort territorial autre que celui des lieux à visiter ; qu'en méconnaissant cette exigence, l'ordonnance attaquée est entachée d'une violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales" ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'ordonnance attaquée selon lesquelles la requête a été présentée par "Germaine Tazartes, inspecteur des Impôts, en résidence à la direction nationale des enquêtes fiscales, brigade d'intervention de Paris-Nord", que cet agent avait compétence pour opérer sur l'ensemble du territoire national ;
Que le moyen n'est en conséquence pas fondé ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;
"en ce sens que l'ordonnance attaquée a autorisé des visites et saisies ;
"aux motifs notamment, d'une part, que la SARL Number One dont le siège est situé ... et qui est dirigée par Louis X..., lequel en raison de la similitude de nom avec l'ex-épouse de Daniel Y... est, pour ces motifs, le dirigeant d'une société présumée faire partie de la même sphère que les sociétés dirigées par Daniel Y..., d'autre part, que, selon les services des Douanes, la SARL Alinéa a importé des marchandises de la Principauté d'Andorre en 1997 et que, par lesdits approvisionnements, la SARL Alinéa est susceptible, en amont, de transférer des fonds à l'étranger par majoration des achats ;
"alors que le juge qui autorise, en application de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, des visites et saisies à la requête de l'administration fiscale doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; qu'il doit, en conséquence, motiver l'ordonnance en se référant aux éléments d'information dont il tire précisément les faits fondant son appréciation ; qu'il ne saurait, en revanche, justifier sa décision par des présomptions aucunement fondées en fait et résultant de motifs purement hypothétiques ; que l'ordonnance attaquée encourt la critique à cet égard ; que, en l'absence de tout élément de fait, la seule similitude patronymique de Louis X... et de l'ex-épouse de Daniel Y... ne saurait suffisamment fonder la présomption que la SARL Number One ferait partie de la même sphère que les sociétés dirigées par Daniel Y... ; que, de la même façon, la circonstance que la SARL Alinéa a importé des marchandises de la Principauté d'Andorre en 1997 ne saurait suffisamment fonder l'affirmation selon laquelle par lesdits approvisionnements la SARL Alinéa est susceptible, en amont, de transférer des fonds à l'étranger par majoration des achats ; qu'en délivrant de la sorte l'ordonnance attaquée, le juge a retenu des motifs purement hypothétiques sans avoir vérifié de façon concrète le bien-fondé de la requête à partir des éléments de fait fournis par son auteur ; que l'ordonnance est entachée, de ce chef, d'une violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales" ;
Attendu que le juge s'étant référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'Administration, a souverainement apprécié l'existence des présomptions d'agissements justifiant la mesure autorisée ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'ordonnance attaquée est régulière en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Thin conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;