AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix octobre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de Me HEMERY et de la société civile professionnelle MONOD et COLIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Jacques,
- Y... Jean,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 14 septembre 2000, qui les a condamnés, le premier, pour corruption passive et recel d'abus de biens sociaux, à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 francs d'amende, le second, pour corruption active, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d'amende ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Jacques X..., pris de la violation des articles 6. 3 b) de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 114, 459, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de corruption passive et de recel d'abus de biens sociaux ;
" aux motifs que Jacques X... a fait savoir, à l'audience du 19 mai 2000, que son avocat ayant refusé de l'assister devant la Cour en raison d'un désaccord les opposant sur les modalités de sa défense, il sollicitait le renvoi de l'affaire ; qu'un défenseur lui a été désigné d'office, et l'a assisté au cours des débats ; que la Cour a renvoyé l'affaire en continuation au 22 juin 2000 afin de permettre à cet avocat de préparer utilement sa plaidoirie ; que le prévenu a alors fait savoir qu'il entendait choisir un avocat pour cette audience de renvoi ; que le 22 juin, le conseil désigné par Jacques X... a déposé des conclusions tendant à un nouveau renvoi de l'affaire et à la réouverture des débats, en raison " de l'impossibilité dans laquelle Jacques X... a été d'assurer ses droits de la défense à l'audience à laquelle a été évoquée l'intégralité de l'affaire, le 19 mai 2000 " ; que le prévenu n'est pas recevable à invoquer une violation des droits de la défense, lesquels ont été assurés par la désignation d'un avocat d'office pour l'assister lors des débats et l'octroi d'un délai significatif pour préparer sa défense ; que la difficulté invoquée par le conseil désigné par le prévenu résultant du fait que lui-même n'avait pas assisté aux débats n'est imputable qu'aux choix successifs de Jacques X... quant aux modalités de sa défense ;
que sa demande de réouverture des débats n'est en conséquence pas justifiée, et doit être rejetée ;
" alors que tout accusé a le droit de disposer des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; que, par lettre du 19 mai 2000, l'avocat de Jacques X... a informé la Cour d'un " désaccord important quant aux moyens à mettre en oeuvre pour sa défense " ; que, ce même jour, un avocat à été désigné d'office à Jacques X... ; que, cependant, la présence du conseil du prévenu à l'audience n'implique pas qu'il ait été en mesure de prendre pleine connaissance du dossier ; que, dans ces conditions, le prévenu a fait valoir dans ses conclusions d'appel que la réouverture des débats s'imposait dès lors que les droits de la défense au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales avaient été méconnus ; qu'en énonçant que la demande de réouverture des débats ainsi formulée n'était pas justifiée sans même répondre aux conclusions motivées du demandeur relatives à la méconnaissance de l'article susvisé, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motif " ;
Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu, la cour d'appel, par les motifs repris au moyen, a répondu aux conclusions du demandeur qui sollicitait la réouverture des débats en invoquant la violation des droits de la défense ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Jean Y..., pris de la violation des articles 433-1 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jean Y... à six mois de prison avec sursis et à 20 000 francs d'amende ;
" aux motifs que les premiers juges ont exactement caractérisé la responsabilité de Jean Y..., en relevant que, par son acceptation du principe d'une surfacturation, non justifiée, il avait scellé le pacte de corruption, dont les modalités ont été définies ultérieurement ; que, de même, ils ont à juste titre relevé que le dernier acte d'exécution de ce pacte étant postérieur au 12 février 1994, date à partir de laquelle les faits ne sont pas atteints par la prescription, celle-ci n'était pas acquise en sa faveur ;
" alors que le délit de corruption n'est caractérisé que si l'offre coupable est antérieure au don illicite ; qu'en ne recherchant pas si Jean Y... n'avait pas légitimement cru que la demande d'augmentation du montant des devis n'avait pas pour objet de couvrir des travaux supplémentaires futurs et si Jacques X... n'avait pas dévoilé ses intentions coupables (l'offre) postérieurement au paiement reçu par Jean Y... (le don illicite), la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Challe conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;