AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf octobre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Martine, épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 19 octobre 2000, qui, pour construction sans permis, l'a condamnée à 20 000 francs d'amende, a ordonné, sous astreinte, la démolition de la construction irrégulière, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-4 du Code de l'urbanisme, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Martine Y... coupable de construction sans permis de construire, l'a condamnée à une amende de 20 000 francs ainsi qu'à la remise en état des lieux ;
" alors, d'une part, que la juridiction de jugement ne peut légalement statuer que sur les faits visés par l'ordonnance de renvoi ou la citation qui l'a saisie ; qu'en l'espèce, Martine Y... a été citée pour avoir entrepris ou implanté une construction immobilière sans permis de construire ; qu'en retenant Martine Y... dans les liens de la prévention pour avoir bénéficié des travaux litigieux, la cour d'appel a méconnu le principe susénoncé ;
" alors, d'autre part, que ne saurait être déclarée bénéficiaire des travaux, au sens de l'article L. 480-4, alinéa 2, du Code de l'urbanisme, la concubine du gérant de la SCI propriétaire de la parcelle sur laquelle la construction litigieuse a été édifiée ;
que le seul fait que la concubine ait été domiciliée sur cette parcelle, sans que soit caractérisé le bénéfice qu'elle en retirait, ne peut lui conférer la qualité de bénéficiaire des travaux ou d'utilisateur du sol " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-4, L. 480-5 et L. 480-7 du Code de l'urbanisme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné sous astreinte Martine Y... à procéder à la démolition de la construction litigieuse et à la remise en état des lieux ;
" alors, d'une part, que la démolition des ouvrages et la remise en état des lieux ne peut incomber qu'au bénéficiaire des travaux ou utilisateur irrégulier du sol ; que, dès lors, cette mesure ne pouvait être ordonnée à l'encontre de Martine Y..., qui ne pouvait être qualifiée de bénéficiaire des travaux du seul fait qu'elle était la concubine du gérant de la SCI propriétaire du terrain, en sa seule qualité d'entrepreneur de fait des travaux litigieux ;
" alors, d'autre part, que la démolition des ouvrages et la remise en état des lieux incombe au bénéficiaire des travaux ou de l'utilisation irrégulière du sol à la date des faits ; que, faute d'avoir constaté que Martine Y... avait l'une ou l'autre de ces qualités à la date des faits, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que Martine X... est poursuivie pour avoir édifié, sans permis de construire, un chalet sur un terrain situé en zone agricole non constructible ;
Attendu que, pour la déclarer coupable de cette infraction, ordonner la démolition de la construction irrégulière et pour écarter l'argumentation de la prévenue, qui soutenait que, n'étant pas propriétaire du terrain, elle n'était pas bénéficiaire des travaux, les juges du second degré énoncent qu'elle est domiciliée sur les parcelles visées à la prévention et qu'elle s'est toujours présentée comme étant l'entrepreneur des travaux réalisés ; que les juges ajoutent qu'elle a effectué plusieurs démarches auprès du maire et a été destinataire de l'arrêté portant interruption des travaux en sa qualité de bénéficiaire des travaux ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des textes visés aux moyens ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-7 du Code de l'urbanisme, 569, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la démolition de la construction litigieuse et la remise des lieux en leur état naturel " dans le délai de trois mois à compter du présent arrêt et ensuite sous astreinte de 500 francs par jour de retard " ;
" alors que la démolition constitue une peine qui ne peut donc être exécutée pendant le délai de pourvoi et, en cas de pourvoi, jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de Cassation ; qu'en ordonnant la démolition et en fixant le point de départ de l'astreinte sans tenir compte de l'éventualité d'un pourvoi, et par conséquent sans impartir un délai pour l'exécution de l'ordre de démolition et de mise en conformité, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé " ;
Attendu que le délai de trois mois à compter de l'arrêt attaqué, imparti à la prévenue pour démolir la construction irrégulièrement édifiée, court nécessairement à compter du jour où cette décision sera passée en force de chose jugée, par application des articles 569 et 708 du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Gailly conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;