ANNULATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Emmanuel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, en date du 21 juin 2000, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'homicide involontaire, l'a condamné à 10 mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 francs d'amende, et a statué sur l'action civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 221-6 du Code pénal, 121-3 du même Code dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Emmanuel X... coupable d'homicide involontaire, et l'a condamné de ce chef ;
" aux motifs que l'insuffisance du balisage et l'absence totale de signalisation de l'existence d'un talweg et de rochers à proximité de la piste, susceptibles de perturber la vision de la piste et de ses dangers potentiels, sont à elles seules de nature à expliquer la chute et le dommage qui s'en est suivi ; que Emmanuel X..., maire de la Commune, a pris, le 26 décembre 1996, l'arrêté d'ouverture de la totalité de la station, sans être allé sur le terrain vérifier le respect des préconisations de son arrêté du 15 novembre 1996, et sans avoir provoqué la réunion sur le site de la commission intercommunale de sécurité ; qu'il avait reçu des mises en garde de la gendarmerie sur les insuffisances et les anomalies relatives à la sécurité des pistes ; que ces éléments démontrent une négligence caractérisée ;
" alors, d'une part, que le délit d'homicide involontaire suppose un lien certain de causalité entre le fait du prévenu et la mort de la victime ; qu'en affirmant que la cause de l'accident était le défaut de signalisation du danger, tout en constatant expressément (page 8, paragraphe 6) que le jeune garçon avait mal maîtrisé ses skis en amont de l'endroit dangereux non signalé, ce qui signifiait que, même averti du danger, il n'aurait pu l'éviter puisqu'il ne maîtrisait plus sa trajectoire, la cour d'appel n'a pas caractérisé un lien de causalité certain entre le dommage et le défaut de signalisation ;
" alors, d'autre part, et en tout état de cause, que l'article 121-3 du Code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 2000, immédiatement applicable aux instances en cours y compris devant la Cour de cassation, oblige désormais le juge à rechercher si le prévenu personne physique a, ou non, causé directement le dommage, et à rechercher, s'il ne l'a causé qu'indirectement, s'il a soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué, qui, appliquant la loi ancienne, ne s'est pas prononcé sur ces points, encourt, au regard de la loi nouvelle, l'annulation ;
" alors, de troisième part, que, même à supposer que la cause de l'accident et de ses conséquences soit l'insuffisance de balisage et l'absence de signalisation du danger résultant des rochers en contrebas, la cour d'appel n'a pas caractérisé un lien de causalité direct entre les prétendues carences du maire (défaut de vérification personnelle de l'application de son arrêté relatif à la sécurité des pistes ; défaut de réunion, préalable à l'ouverture de la station, de la commission de sécurité) et le dommage, l'insuffisance de balisage et l'absence de signalisation du danger n'étant pas directement imputables au maire dont la cour d'appel a, au contraire, constaté qu'il avait pris l'arrêté du 15 novembre 1996 rendant obligatoires ces mesures ;
" alors, de quatrième part, que, à supposer que le défaut de réunion préalable de la commission de sécurité puisse être qualifié de violation d'une obligation particulière de sécurité prévue par la loi ou le règlement, la cour d'appel n'a pas, en l'espèce, caractérisé une violation manifestement délibérée ;
" alors, de cinquième part, que le maire d'une commune, qui a pris un arrêté relatif à la sécurité des pistes d'une station de ski, n'est pas débiteur d'une obligation de vérification personnelle, sur place, de l'application de son arrêté ; qu'en imputant la faute à Emmanuel X... de ne pas être allé personnellement sur le terrain pour vérifier le respect des préconisations de son arrêté du 15 novembre 1996, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, enfin, que, en se bornant à relever que le maire avait reçu des mises en garde de la gendarmerie sur les insuffisances et les anomalies relatives à la sécurité des pistes, sans préciser en quoi le maire aurait eu conscience d'exposer la victime à un risque d'une particulière gravité, la cour d'appel n'a pas caractérisé une faute pouvant entraîner la responsabilité pénale du prévenu " ;
Vu l'article 121-3 du Code pénal, ensemble l'article 112-1 du même code ;
Attendu que les dispositions d'une loi nouvelle s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'un jeune skieur a trouvé la mort à la suite d'une sortie de piste et d'une chute sur des rochers en contrebas ;
Attendu que, pour déclarer Emmanuel X..., maire de la commune, coupable d'homicide involontaire, la cour d'appel relève qu'il a pris un arrêté d'ouverture de la station, sans vérifier sur le terrain le respect des règles de balisage des pistes et de signalisation des endroits dangereux ;
Mais attendu que, depuis la loi du 10 juillet 2000, modifiant l'article 121-3 du Code pénal, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ;
Qu'il y a lieu de procéder à un nouvel examen de l'affaire au regard de ces dispositions plus favorables ;
Attendu que la condamnation prévue par l'article 618-1 du Code de procédure pénale ne pouvant être prononcée que contre l'auteur de l'infraction et au profit de la seule partie civile, la demande faite à ce titre par les consorts Y... contre Emmanuel X..., prévenu, n'est pas recevable ;
Par ces motifs :
ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date du 21 juin 2000, en ses seules dispositions concernant Emmanuel X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi, dans les limites de l'annulation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse.