Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Sopra, filiale de la société de droit anglais Zeneca, a commercialisé en France à partir d'octobre 1986 un produit " Karate ", insecticide polyvalent destiné à l'agriculture et dont le principe actif est la lambdacyhalotrine, sous le numéro d'homologation 85 00 564, numéro qui a été retiré par le ministère de l'Agriculture le 8 juillet 1994 à la demande de la société Sopra qui avait décidé de ne plus vendre que le produit " Karate vert " ; que s'étant aperçue, fin 1994, qu'un produit Lambda-C était commercialisé en France par les sociétés Bruyagri et Landgold Co Ltd (Landgold) avec une étiquette mentionnant son homologation sous le numéro 85 00 564, la société Sopra, après avoir obtenu une expertise, les a assignées en concurrence déloyale ; que les sociétés Bruyagri et Landgold ont objecté que le Lambda-C était issu du reconditionnement de produits provenant de la société Zeneca et bénéficiant d'une homologation en Grande-Bretagne et soutenu qu'il constituait donc une importation parallèle du " Karate " et pouvait prétendre au numéro d'homologation délivré à ce dernier ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que les sociétés Bruyagri et Landgold font grief à l'arrêt d'avoir refusé d'annuler le jugement entrepris et ordonné la suppression de certains passages des conclusions d'appel des Sociétés Landgold et Bruyagri alors, selon le moyen :
1° que prive sa décision de toute base légale au regard des articles 342 et 430 du nouveau Code de procédure civile la cour d'appel qui ne recherche pas si les sociétés Landgold et Bruyagri étaient ou non en mesure de connaître la composition du tribunal avant la clôture des débats ;
2° que le principe d'impartialité posé par l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui joue à toutes les étapes de la procédure, impose d'annuler un jugement rendu par une formation où siégeait l'administrateur d'une société concurrente de l'une des parties au litige et entretenant de surcroît des liens d'affaires avec son adversaire ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé ce texte ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni des conclusions déposées par les sociétés Landgold et Bruyagri en cause d'appel que celles-ci aient demandé l'annulation du jugement ; que le moyen est inopérant en chacune de ses deux branches ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 1351 du Code civil et 4 du Code de procédure pénale ;
Attendu que l'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef du dispositif prononçant la relaxe ;
Attendu que pour écarter la fin de non-recevoir tirée par la sociétés Bruyagri et Landgold d'une décision de relaxe rendue par le tribunal correctionnel de Blois le 14 octobre 1997 au profit des dirigeants de la société Surcouf, importatrice du produit litigieux, poursuivis par la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes pour mise en vente du produit Lambda-C sans homologation, la cour d'appel énonce que l'action publique ainsi jugée ne repose pas sur les mêmes faits que l'action civile dont elle-même est saisie ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la décision du tribunal de commerce qui lui était déférée avait retenu à la charge des sociétés Bruyagri et Landgold, notamment, des faits de commercialisation du produit Lambda-C sans autorisation administrative, et, que le jugement de relaxe invoqué énonçait que l'administration ne pouvait " se prévaloir de l'absence d'homologation des produits phytopharmaceutiques introduits par les prévenus sur le marché français, dans la mesure où son refus d'homologation constitue une mesure d'effet équivalent portant une atteinte injustifiée au principe de libre concurrence et de libre circulation des marchandises, " la cour d'appel, en s'abstenant de rechercher si cette décision avait une influence sur le fond du litige, n'a pas donné de base légale à son arrêt ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 30 et 36, devenus 28 et 30, du Traité instituant la Communauté européenne ;
Attendu que pour imputer aux sociétés Bruyagri et Landgold des agissements constitutifs de concurrence déloyale, la cour d'appel retient qu'elles ne pouvaient, sans entraîner une confusion dans l'esprit de la clientèle, utiliser un numéro d'homologation afférent à un produit dont les caractéristiques ne sont pas identiques à celui mis sur le marché et dont le nom commercial est différent et qu'elles ne sauraient invoquer le principe de libre circulation des marchandises énoncé à l'article 30 du Traité pour justifier une telle appropriation du numéro d'homologation ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit, dans un arrêt du 11 mars 1999 (n° C-100/96, British Agrochemicals Association Ltd) que lorsqu'un produit phytopharmaceutique importé d'un Etat membre dans lequel il bénéficie déjà d'une autorisation de mise sur le marché conformément à la directive, sans être en tous points identique à un produit déjà autorisé sur le territoire de l'Etat membre d'importation, à tout le moins, a une origine commune avec ce produit en ce sens qu'il a été fabriqué par la même société ou par une entreprise liée ou travaillant sous licence suivant la même formule, a été fabriqué en utilisant la même substance active et a en outre les mêmes effets compte tenu des différences qui peuvent exister au niveau des conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales, notamment climatiques, intéressant l'utilisation du produit, ce produit doit, à moins que des considérations tirées de la protection de la santé humaine et animale ainsi que de l'environnement ne s'y opposent, pouvoir bénéficier de l'autorisation de mise sur le marché déjà accordée dans l'Etat membre d'importation, la cour d'appel, qui a refusé de rechercher si le produit Lambda-C ne constituait pas une importation parallèle du produit Karate au sens de l'arrêt susvisé, au motif inopérant qu'il ne présentait pas des caractéristiques identiques à celui bénéficiant de l'homologation, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 mai 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.