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03/10/2001 | FRANCE | N°99-14054

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 03 octobre 2001, 99-14054


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Béton de France, société anonyme, dont le siège est zone d'activité des Logettes, 35135 Chantepie,

en cassation d'un arrêt rendu le 4 février 1999 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), au profit :

1 / de M. Jean-Claude Y..., demeurant ...,

2 / du Bureau d'études Castel, dont le siège est ...,

3 / de M. Pierre Z..., demeurant ...,

4 / de la société civile immobilière (SCI) Nantes Cesson, don

t le siège est La Champelle, route de Vannes, ...,

5 / de la compagnie Axa, dont le siège est ...,

6 / ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Béton de France, société anonyme, dont le siège est zone d'activité des Logettes, 35135 Chantepie,

en cassation d'un arrêt rendu le 4 février 1999 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), au profit :

1 / de M. Jean-Claude Y..., demeurant ...,

2 / du Bureau d'études Castel, dont le siège est ...,

3 / de M. Pierre Z..., demeurant ...,

4 / de la société civile immobilière (SCI) Nantes Cesson, dont le siège est La Champelle, route de Vannes, ...,

5 / de la compagnie Axa, dont le siège est ...,

6 / de la société Batisol dallages, dont le siège est ... Brède,

7 / de la société Generali France, anciennement La Concorde, dont le siège est ...,

8 / de la compagnie Le Continent, dont le siège est ...,

9 / de la société Sami 35, dont le siège est ...,

10 / de Mme Isabelle X..., domiciliée ..., prise ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SNRC,

défendeurs à la cassation ;

MM. Y..., Z... et le Bureau d'études Castel ont formé, par un mémoire déposé au greffe le 4 novembre 1999, un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;

La société Batisol dallages a formé, par un mémoire déposé au greffe le 3 décembre 1999, un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;

La société Béton de France, demanderesse au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

MM. Y..., Z... et le Bureau d'études Castel, demandeurs au pourvoi provoqué, invoquent, à l'appui de leur recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La société Batisol dallages, demanderesse au pourvoi provoqué, invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 10 juillet 2001, où étaient présents : M. Beauvois, président, Mme Fossaert-Sabatier, conseiller référendaire rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Villien, Cachelot, Martin, Mme Lardet, conseillers, Mmes Masson-Daum, Boulanger, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Fossaert-Sabatier, conseiller référendaire, les observations de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de la société Béton de France, de Me Hemery, avocat de la société civile immobilière (SCI) Nantes Cesson, de la compagnie Le Continent et de la société Sami 35, de Me Blondel, avocat de Mme X..., ès qualités, de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de la société Batisol dallages, de Me Cossa, avocat de la société Generali France, de la SCP Philippe et François-Régis Boulloche, avocat de M. Y..., du Bureau d'études Castel et de M. Z..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que les résultats d'essais sur éprouvettes fournis par la société Cibemat n'étaient pas probants, que l'expert indiquait que les comparaisons sur les essais effectués par le CEBTP sur les zones avec ou sans rajout d'eau n'étaient pas significatives, que la cause de la résistance insuffisante était à rechercher dans la qualité des bétons, non imputable à la société Batisol qui avait commandé des bétons conformes aux stipulations contractuelles, et que cette non-conformité de la résistance du béton était l'une des causes des désordres affectant les dallages, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur les deuxième moyen du pourvoi principal, troisième moyen du pourvoi provoqué des architectes et du Bureau d'études Castel et premier moyen du pourvoi provoqué de la société Batisol, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 février 1999), que la société civile immobilière Nantes Cesson (la SCI) a fait réaliser, en 1991, sous la maîtrise d'oeuvre de MM. Y... et Z..., architectes, des travaux de transformation et extension de divers bâtiments à usage d'ateliers, hall d'exposition et bureaux en vue de leur exploitation par la société Sami pour un garage destiné à recevoir des véhicules poids lourds ; que la société SNCR, aujourd'hui en liquidation judiciaire avec Mme X... comme liquidateur, chargée du gros-oeuvre, a sous-traité les travaux de dallage à la société Batisol dallages (Batisol), assurée par la compagnie La Concorde, aux droits de laquelle se trouve la société Generali, et les études techniques de béton armé au Bureau d'études Castel ; que la société Béton de France, venant aux droits de la société Pinault-Cibemat, a fourni le béton prêt à l'emploi utilisé pour les travaux de dallage et la société Dataliner a fourni un banc de redressage des châssis ; qu'alléguant des désordres affectant les dallages, le maître de l'ouvrage et son assureur ont, après expertise judiciaire, assigné en réparation les architectes, la société SNCR, le Bureau d'études Castel, la société Batisol et leurs assureurs ;

Attendu que la société Béton de France, les architectes, le Bureau d'études Castel et la société Batisol font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer au maître de l'ouvrage la somme de 1 727 603 francs, alors, selon le moyen :

1 / qu'il était constant qu'aux termes du rapport d'expertise, le préjudice subi par le maître de l'ouvrage en raison des désordres affectant les dallages pouvait être réparé, soit par des travaux de démolition et de réfection dont il chiffrait le coût à la somme de 1 727 603 francs hors taxes, soit par l'allocation d'une somme de 1 200 000 francs représentant la moins-value de l'ouvrage en cause ;

que, comme le soutenait la société Béton de France et l'avaient retenu les premiers juges, en acceptant de la compagnie Le Continent, son assureur, la somme de 1 200 000 francs dont elle reconnaissait expressément qu'elle correspondait à la moins-value chiffrée par l'expert, la société Nantes Cesson avait définitivement opté pour la solution de la réparation de son préjudice au moyen d'une indemnité correspondant à la moins-value résultant des désordres et ne pouvait, dès lors, réclamer aux constructeurs le coût des travaux de reprise ; qu'en décidant le contraire, au motif erroné qu'il s'agissait d'une renonciation au droit à la réparation intégrale que les constructeurs ne pouvaient invoquer à leur profit, la cour d'appel a violé, à l'égard de la société Béton de France, l'article 1382 du Code civil ;

2 / que la réparation ne saurait excéder le montant du préjudice ; qu'en l'espèce, la société Béton de France faisait valoir que la société Nantes Cesson, indemnisée par son assureur, dès le mois de janvier 1995, de la moins-value causée par les désordres affectant les dallages, n'avait pas entrepris, depuis cette date, les travaux de reprise dont elle réclamait le coût, nul élément de preuve n'étant d'ailleurs produit à cet égard ; que, dans ces conclusions, en s'abstenant de s'interroger sur la question de savoir si le maître de l'ouvrage entendait procéder ou non à la reprise des désordres, l'allocation à celui-ci du coût des travaux de reprises aboutissant nécessairement dans la négative à son enrichissement indu, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que l'acceptation de la limitation de l'indemnité destinée à couvrir les dallages à la seule moins-value chiffrée par l'expert ne valait pas renonciation de la victime à son droit à réparation intégrale, ne concernait que les rapports entre le maître de l'ouvrage et son assureur et ne pouvait être invoquée par les constructeurs qui sont des tiers par rapport au contrat d'assurance et sont tenus de réparer intégralement le préjudice, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu, d'une part, que le premier moyen étant rejeté, le moyen tiré d'une cassation par voie de conséquence est devenu sans portée ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que la livraison effectuée par la société Pinault Cimebat pour le compte de la société Batisol n'était pas conforme aux stipulations contractuelles et que la société Batisol était en droit d'opposer à la société Béton de France une exception d'inexécution et de refuser le paiement des factures, la cour d'appel a pu en déduire que la société Béton de France devait être déboutée de sa demande en paiement dirigée contre la société Batisol ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi provoqué des architectes et du Bureau d'études Castel :

Attendu que MM. Y... et Z... et le Bureau d'études Castel font grief à l'arrêt de mettre hors de cause la société Batisol, alors, selon le moyen :

1 / que le juge doit, en toutes circonstances, respecter le principe de la contradiction ; qu'à l'appui de sa décision mettant hors de cause la société Batisol, la cour d'appel a notamment retenu que "la mention contenue dans la commande de la société SNCR selon laquelle "les documents contractuels qui nous lient au maître de l'ouvrage sont réputés connus de vous et vous sont applicables" ne saurait être opposable à la société Batisol puisque cette commande date du 18 septembre 1991, date à laquelle cette dernière avait déjà commencé ses travaux" ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Batisol n'a pas soutenu que cette mention ne lui serait pas opposable au motif que la commande datait du 18 septembre 1991 et qu'à cette date, elle avait déjà commencé les travaux ; que dès lors, en relevant ce moyen d'office, sans avoir ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur son bien-fondé, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que l'entreprise qui exécute des travaux en vertu d'un contrat sans formuler de réserves sur ses stipulations les a, par là-même, acceptées ; qu'il n'est pas contesté qu'en réponse à la proposition de prix adressée par la société Batisol à la société SNCR le 10 septembre 1991, cette dernière a commandé les travaux le 18 septembre 1991 en précisant que "les documents contractuels qui nous lient au maître de l'ouvrage sont réputés connus de vous et vous sont applicables" ; que, postérieurement à la réception de cette commande, la société Batisol a poursuivi l'exécution de ses obligations contractuelles sans formuler la moindre réserve sur cette clause ; que les documents visés par ladite clause étaient donc réputés connus et acceptés par la société Batisol ;

qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

3 / qu'enfin, toute faute engage la responsabilité de son auteur dès lors qu'elle a contribué, fût-ce pour une part peu importante, à la réalisation du dommage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a admis que la société Batisol avait commis une faute, le dallage réalisé par cette société ayant présenté des défectuosités, notamment en raison du défaut d'adhérence de cette dalle au massif en béton réalisé par la société SNCR, mais n'a pas retenu la responsabilité de cette société, en considérant que cette erreur ne justifiait qu'une reprise partielle du dallage supérieur ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que la présomption de connaissance des documents liant SNCR au maître de l'ouvrage ne pouvait être opposée à Batisol dans la mesure où elle figurait dans la commande du 18 septembre 1991, date à laquelle celle-ci avait commencé ses travaux et où elle n'avait pas été expressément acceptée par le sous-traitant, qu'il n'était pas établi que Batisol ait eu connaissance de l'ensemble des spécifications techniques prévues dans la notice descriptive des architectes ou contenues dans le courrier de préconisation de Dataliner, d'autre part, que les fautes commises par la société Batisol ne présentaient pas un lien de causalité direct avec le préjudice subi par le maître de l'ouvrage et ne pouvaient pas davantage être considérées comme étant à l'origine d'une aggravation des désordres puisque même si le dallage supérieur avait été exempt de tout vice, il eût fallu le démolir pour entreprendre la réfection complète du banc, la cour d'appel, sans violer le principe de la contradiction, en a exactement déduit que la responsabilité délictuelle de la société Batisol ne pouvait être retenue de ce chef ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur les deuxième moyen du pourvoi provoqué des architectes et du Bureau d'études Castel et le second moyen du pourvoi provoqué de Batisol, réunis, qui sont recevables :

Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 113-1 du Code des assurances ;

Attendu que pour mettre hors de cause la compagnie Generali, assureur de la société Batisol, l'arrêt retient, en se référant à l'article 4, chapitre II, des conditions générales de la police, que les désordres affectant les ouvrages exécutés par la société Batisol ne sauraient être couverts, que ce soit au titre des travaux de reprise des dommages matériels ou au titre des dommages immatériels, le paragraphe 2 de l'article 4 excluant de la garantie tous les cas où la responsabilité de l'assuré est recherchée pour des dommages immatériels non consécutifs à un dommage matériel ou corporel garanti ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, comme l'avait retenu le jugement dont la confirmation était demandée de ce chef, l'exclusion de garantie n'était pas de nature à priver le contrat d'une partie essentielle de son objet même, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a mis hors de cause la compagnie Generali France et a débouté la société Batisol dallages, l'arrêt rendu le 4 février 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la société Béton de France aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Béton de France à payer à la société civile immobilière (SCI) Nantes Cesson, à la compagnie Le Continent et à la société Sami 35, ensemble, la somme de 12 000 francs ou 1 829,39 euros ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de MM. Y... et A..., du Bureau d'études Castel et de la société Generali France ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du trois octobre deux mille un par Mlle Fossereau, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 99-14054
Date de la décision : 03/10/2001
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

(Sur le 2e moyen du pourvoi provoqué) ASSURANCE (règles générales) - Garantie - Exclusion - Exclusion formelle et limitée - Clause de nature à priver le contrat d'une partie essentielle de son objet - Recherche nécessaire.


Références :

Code des assurances L113-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes (4e chambre), 04 février 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 03 oct. 2001, pourvoi n°99-14054


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEAUVOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:99.14054
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