REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 15 juin 2000, qui, pour blessures involontaires aggravées et mise en danger délibérée d'autrui, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-19 et 222-20 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de blessures involontaires, par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de 3 mois concernant l'une des parties civiles, et inférieure à 3 mois concernant les autres ;
" aux motifs que les expertises ont démontré que les troubles occasionnés aux patients ne peuvent pas avoir été causés par les endoscopies pratiquées par le docteur Y... ; que, selon les experts C... et R..., la pathologie identique présentée par les six patients ne peut être que le fait d'une inoculation intraveineuse d'un produit infecté ou avarié ; que le prévenu ne saurait se prévaloir des résultats de l'expertise selon laquelle le produit restant dans le flacon de Diprivan était exempt de dégradation, dès lors que le flacon remis par le docteur X... n'est manifestement pas celui qui a été utilisé pour effectuer les anesthésies du 13 février 1995 ; que le prévenu a utilisé du Diprivan, produit soumis à un risque de contamination bactériologique, en utilisant deux seringues communes pour six patients ; que le flacon de 50 ml de Diprivan utilisé pour les six patients a nécessairement été infecté par l'utilisation non conforme par le prévenu, qui n'a pas respecté les précautions d'emploi et de conservation ; qu'en outre le prévenu n'a pas effectué la surveillance continue post-interventionnelle et a, malgré les troubles présentés par les premiers patients, continué à pratiquer des sédations ; qu'ainsi, en effectuant une anesthésie en milieu non hospitalier sans respecter les caractéristiques pharmacologiques propres au Diprivan utilisé, classé dans la catégorie des médicaments à prescription restreinte par le décret du 2 décembre 1994, et en n'effectuant pas la surveillance continue post-interventionnelle rendue obligatoire par le décret du 5 décembre 1994, le prévenu a, par manquement délibéré à une obligation de prudence ou de sécurité, involontairement causé des blessures aux six patients visés à la prévention ;
" alors, d'une part, que le délit de blessures involontaires suppose un lien certain de causalité entre le fait du prévenu et les blessures de la victime ; qu'en déduisant que la cause de la pathologie présentée par les six patients ne pouvait être que le fait de l'injection du produit Diprivan infecté par une utilisation non conforme, de la seule supposition que le flacon contenant les restes de Diprivan, remis par le docteur X..., et exempt de toute dégradation, ne pouvait être celui qui avait servi aux anesthésies, la cour d'appel n'a pas caractérisé un lien certain de causalité entre le fait du prévenu et la pathologie présentée par les parties civiles ;
" alors, d'autre part, qu'il résulte de l'article 9 du décret n° 94-1030 du 2 décembre 1994 que les dispositions de l'article 5 relatives à l'insertion des articles R. 5143-5-1 à R. 5143-5-6 dans le Code de la santé publique, concernant les médicaments soumis à prescription restreinte, ne sont applicables aux médicaments autorisés à la date de publication du décret qu'à compter du premier renouvellement quinquennal de l'autorisation de mise sur le marché ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt (page 10, dernier paragraphe) que le Diprivan a été autorisé le 27 juillet 1990 ; qu'il s'ensuit que la réglementation des articles R. 5143-5-1 et suivants, résultant du décret du 2 décembre 1994, n'était pas applicable au Diprivan au moment des faits, de sorte que c'est à tort que la cour d'appel a imputé à faute au prévenu une violation délibérée de cette réglementation ;
" alors, enfin, que, même à supposer que la cause de la pathologie présentée par les patients soit l'injection, par le docteur X..., du produit Diprivan infecté, et que l'utilisation du Diprivan et l'absence de surveillance post-interventionnelle puissent être qualifiées de violation d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la réglementation, il reste que le prévenu avait, selon les énonciations de l'arrêt, déclaré ignorer la réglementation nouvelle résultant des décrets des 2 et 5 décembre 1994, de sorte que la cour d'appel n'a pas caractérisé une violation manifestement délibérée du règlement " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que six personnes ont dû être hospitalisées d'urgence à la suite d'anesthésies pratiquées par X..., médecin anesthésiste, au cours d'endoscopies effectuées dans un cabinet médical ;
Attendu que, pour déclarer X... coupable de blessures involontaires aggravées, l'arrêt attaqué énonce que, selon les experts, les pathologies présentées par les victimes proviennent de l'inoculation intraveineuse d'un produit infecté ou avarié, en milieu non hospitalier, avec utilisation du même flacon et de deux seringues communes aux six patients, sans respect des précautions d'utilisation propres au produit employé ; qu'en méconnaissance du décret du 5 décembre 1994, le prévenu n'a procédé à aucune consultation pré-anesthésique, ni examen médical le jour de l'intervention, alors que l'un des malades portait un stimulateur cardiaque ; qu'enfin, après l'intervention, il n'a assuré aucune surveillance, laissant ses clients regagner leur domicile, malgré les troubles qu'ils présentaient ;
Que les juges déduisent de ces constatations qu'en utilisant un produit dont l'emploi était réservé, dès l'origine, par l'arrêté autorisant sa mise sur le marché, aux établissements disposant d'un matériel d'assistance respiratoire et de réanimation, et en ne contrôlant pas les effets résiduels des médicaments, et leur élimination afin de faire face aux complications éventuelles, X... a, par un manquement délibéré à une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, involontairement causé des blessures aux six patients visés à la prévention ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;
Attendu que, la peine prononcée et les réparations civiles étant justifiées par la déclaration de culpabilité du chef précité, il n'y a pas lieu d'examiner le moyen qui discute le délit de mise en danger délibéré d'autrui, lequel ne peut se cumuler avec le délit de blessures involontaires aggravées commis à l'égard des mêmes personnes ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.