REJET des pourvois formés par :
- X... Jacques, Y... Michel, Z... François, A... Denis,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 30 juin 2000, qui a condamné : Jacques X..., pour abus de confiance, complicité et recel d'abus de biens sociaux, complicité et usage de faux, fausses déclarations en vue de l'obtention d'allocations de chômage indues, à 4 ans d'emprisonnement avec mandat d'arrêt et 2 500 000 francs d'amende, Michel Y..., pour complicité d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux et recel d'abus de biens sociaux, à 2 ans d'emprisonnement et 1 500 000 francs d'amende, François Z..., pour abus de biens sociaux, recel de ce délit, complicité et recel d'abus de confiance, à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et 500 000 francs d'amende, Denis A..., pour abus de biens sociaux, recel de ce délit, complicité d'abus de confiance et faux, à 2 ans d'emprisonnement et 2 500 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires ampliatifs, complémentaires et en défense produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Jacques X..., fondateur et président jusqu'en 1996 de l'Association pour la recherche sur le cancer (ARC), a détourné une grande partie des fonds de cette association, qui provenaient essentiellement des dons collectés auprès du public, en règlant indûment les prestations largement surfacturées du groupe à qui était confiée l'exclusivité de la communication et de l'édition des revues publiées par l'ARC ; que ce groupe, dirigé par Michel B..., ami de Jacques X..., et par Pascal C..., décédé en juillet 1995, spécialisé dans les secteurs du jouet et de la communication, comprenait plusieurs sociétés filiales, dont trois adressaient directement leurs factures à l'ARC : International Development (ID), qui était chargée de la conception et de la réalisation des campagnes de collectes de fonds et de l'édition des revues de l'association, Publicadvise, présidée jusqu'en juillet 1992 par François Z..., qui assurait la maîtrise d'ouvrage des constructions ainsi que la tenue des expositions et des stands, enfin SQ 2 qui gérait le fichier et les systèmes informatiques ;
Attendu que, par ces diverses missions, dont le coût représentait la moitié du budget de l'ARC, le groupe dirigé par Michel B... et Pascal C... a réalisé d'importants profits, dont ont bénéficié ces derniers, les dirigeants des sociétés satellites et le président de l'ARC, celui-ci sous forme d'honoraires, d'espèces retirées sur des comptes ouverts à l'étranger, de travaux réalisés dans ses résidences et de la rémunération de ses proches et de personnels de maison payés par diverses sociétés du groupe, de voyages et autres avantages ;
Que le groupe a imposé des intermédiaires sans utilité économique dans ses relations avec les fournisseurs de papier, en dernier lieu Torras Papiers, telle la société SOTAFI, dirigée par Denis A..., qui répercutait ses commissions exorbitantes et injustifiées sur la société ID, laquelle les incluait dans ses factures adressées à l'ARC ; que, de même, la société Graphing Grafossart, dirigée par Michel Y..., qui assurait l'impression des revues de l'association, surfacturait ses prestations à la société ID, surcoût répercuté ensuite sur l'ARC ; que l'information judiciaire, ouverte à la suite des constatations de la Cour des comptes, a révélé que des sociétés écrans ayant leur siège à Jersey ou aux Etats-Unis avaient été destinataires de fonds importants, déposés sur des comptes ouverts en Suisse et au Luxembourg et dont avaient bénéficié Michel B..., Pascal C... et Jacques X... ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour François Z... :
(Publication sans intérêt) ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Jacques X... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Jacques X..., pris de la violation des articles 5, 6. 1 et 6. 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la Résolution 75 (11) du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que Jacques X... a été jugé par la cour d'appel en son absence par arrêt contradictoire à signifier sans que ses avocats aient eu la possibilité de plaider ;
" alors qu'il se déduit des dispositions combinées de l'article 6. 1 et 6. 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la Résolution 75 (11) du Comité des ministres du Conseil de l'Europe que, lors même que l'excuse d'un prévenu non comparant n'a pas été reconnue valable par la juridiction de jugement, celui-ci n'en perd pas pour autant le droit d'être défendu par un avocat, ce qui implique, lorsque celui-ci est présent à l'audience, que la parole lui soit donnée pour plaider et qu'en refusant dès lors aux avocats de Jacques X..., prévenu non comparant dont elle n'avait pas reconnu l'excuse valable, le droit de plaider, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;
" alors que, dès lors que le prévenu non comparant jugé par arrêt contradictoire à signifier n'est pas recevable à faire opposition contre l'arrêt à intervenir, le refus qui lui est opposé d'entendre ses avocats en leurs plaidoiries constitue une atteinte disproportionnée au droit qui est le sien d'avoir un procès équitable ;
" alors que cette atteinte revêt un caractère particulièrement grave lorsque, comme en l'espèce, la cour d'appel décide, sans avoir donné la parole à la défense, de décerner mandat d'arrêt contre le prévenu " ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt qu'à la première audience des débats les avocats de Jacques X... ont déposé des conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de pièces de la procédure, d'autre part, à l'audition de deux experts en qualité de témoins ; que la cour d'appel, après avoir entendu les avocats des parties en leur plaidoirie respective, a joint les incidents au fond et a ordonné la continuation des débats ;
Attendu qu'en cet état, Jacques X... ne saurait reprocher à la juridiction de jugement du second degré de ne pas avoir donné à ses avocats la possibilité de plaider, en méconnaissance des dispositions de l'article 6. 1 et 6. 3 c de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors que la cour d'appel a entendu les avocats du prévenu défaillant sur les demandes qu'ils lui ont présentées et qu'elle y a répondu de façon motivée ;
Qu'en outre, il ne résulte d'aucune mention de l'arrêt, ni d'aucune pièce de procédure que les avocats de l'intéressé aient été présents lors des audiences qui ont suivi celle du 15 mai 2000, qu'ils aient demandé à plaider au nom de leur client et aient justifié d'un mandat exprès à cette fin, ou même encore qu'ils aient déposé des conclusions pour la défense au fond de Jacques X... ;
Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Jacques X..., pris de la violation des articles 152, 171, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les actes d'information diligentés par le magistrat instructeur helvétique Esposito postérieurement à la clôture de l'information ;
" aux motifs que la validité des actes accomplis par une autorité judiciaire étrangère ne peut être contestée que devant les juridictions de l'Etat d'exécution, dans les formes et délais de la procédure de celui-ci ; qu'en l'occurrence, leur régularité n'a été suspectée par quiconque devant les tribunaux de la République et canton de Genève ;
" alors que la nullité des actes accomplis par une autorité judiciaire étrangère agissant sur délégation d'un magistrat instructeur français peut être contestée devant le juge français dès lors que ces actes sont produits devant lui et que la cause de nullité réside dans la méconnaissance par le magistrat instructeur délégataire, non des règles du droit étranger, mais des règles de procédure pénale de droit interne ; que tel est le cas en l'espèce, le juge helvétique ayant d'une part, ainsi que l'a constaté la cour d'appel, continué à instruire après que le juge mandant a cessé d'avoir compétence pour instruire, étant dessaisi par l'ordonnance de renvoi, et ayant d'autre part, ainsi que Jacques X... le faisait valoir dans ses conclusions de ce chef délaissées, en réalisant des investigations auprès de la banque Pasche à Genève, outrepassé les pouvoirs résultant pour lui des termes de la commission rogatoire du 7 mars 1997 et de son additif du 27 mai 1997 " ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour Jacques X..., pris de la violation des articles 171, 175, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler l'ordonnance de renvoi ;
" aux motifs que les actes diligentés par le juge d'instruction genevois Esposito argués de nullité par la défense ne peuvent avoir le caractère d'actes d'instruction dès lors qu'ils ont été effectués après la clôture de l'information et qu'ils ne sont pas susceptibles d'entacher la régularité de l'ordonnance de renvoi puisque, précisément, ils y sont postérieurs ;
" alors que la juridiction de jugement a l'obligation d'annuler l'ordonnance de renvoi dès lors que des pièces versées au cours des débats par le ministère public révèlent que le magistrat instructeur a accompli, avant la clôture de l'information, des actes dont le dossier de la procédure ne laissait entrevoir aucune trace à la date où la défense s'était vu notifier le délai prévu à l'article 175 du Code de procédure pénale ; que, dans ses conclusions régulièrement déposées, Jacques X... faisait valoir que, selon le dossier de la procédure, les autorités judiciaires suisses n'avaient été destinataires que de deux demandes d'entraide judiciaire, l'une de mars 1997 et son additif de mai 1997 ; qu'il résultait du courrier adressé par le juge helvétique au magistrat instructeur français le 24 juillet 1998 que celui-ci clôturait définitivement la procédure d'entraide et archivait le dossier estimant avoir dûment accompli les missions imparties par les commissions rogatoires du juge français ; que, cependant, dans son courrier de juin 1999, le même magistrat helvétique faisait référence à des " compléments " à lui adressés par le juge français à sa demande d'entraide du 7 mars 1997 ; que cela pouvait signifier qu'il existait au moins un second additif à la commission rogatoire du 7 mars 1997 et que, cet additif étant inconnu de la défense à la date où il lui avait été notifié le délai prévu à l'article 175 du Code de procédure pénale, l'ordonnance de renvoi devait être annulée et qu'en omettant d'examiner ce chef de conclusions qui était péremptoire, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé " ;
Sur le cinquième moyen de cassation proposé pour Jacques X..., pris de la violation des articles 171, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler le soit-transmis du 21 juin 1999 et les pièces qui y étaient jointes ;
" aux motifs que l'information a été clôturée par ordonnance de renvoi du 5 février 1999 ; que, le 21 juin 1999, se référant à la demande d'entraide du 7 mars 1997, le juge helvétique Esposito a transmis au jugement dans le courrier qui lui avait été adressé le 25 mai 1999 par la société de banque Pasche SA à Genève en réponse à sa demande du 6 mai 1999 et auquel étaient annexés un certain nombre de documents bancaires ; que, par soit-transmis du 28 juin 1999, le juge d'instruction a adressé les pièces qui lui avaient été transmises par le juge d'instruction du canton de Genève au Parquet de Paris qui les a transmises le lendemain au président de la juridiction saisie et puis les a communiquées aux parties à l'audience du 1er juillet 1999 et que la juridiction de jugement ne saurait prononcer sur la validité de pièces dénommées " soit-transmis " relevant de mesures de simple administration judiciaire, postérieures à l'acte la saisissant ;
" alors que le juge d'instruction, dessaisi par l'ordonnance de renvoi, ne peut, sans méconnaître ses pouvoirs, transmettre au Parquet des pièces constituant des éléments de preuve irrégulièrement recueillis en violation des dispositions de l'article 152 du Code de procédure pénale postérieurement à son dessaisissement ;
" alors, en tout état de cause, que les pièces parvenues au juge d'instruction postérieurement à son dessaisissement doivent être adressées à la juridiction saisie qui en est le seul destinataire et non au ministère public qui ne saurait avoir le droit d'en prendre connaissance avant les autres parties au procès " ;
Sur le sixième moyen de cassation proposé pour Jacques X..., pris de la violation des articles 170 et 427 du Code de procédure pénale, 6. 1 et 6. 3 a et b de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense et du principe de la loyauté des preuves :
" en ce que l'arrêt attaqué a partiellement fondé sa conviction sur des pièces versées aux débats par le ministère public et communiquées à la défense le 1er juillet 1999 ;
" alors que constitue un procédé déloyal la production par le ministère public devant une juridiction de jugement de pièces demandées et obtenues par un juge d'instruction postérieurement à l'ordonnance de renvoi en exécution prétendue d'une commission rogatoire ;
" alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 6. 1 et 6. 3 a et b de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la défense a le droit de connaître, dès le début des débats devant les premiers juges, l'ensemble des pièces sur lesquelles se fonde l'accusation ; qu'il résulte des décisions des juges du fond que l'accusation a versé aux débats des pièces à charge contre Jacques X... irrégulièrement obtenues par le ministère public plus d'un mois après le début des débats devant les premiers juges et que, dès lors, en fondant partiellement sa décision sur ces pièces, la cour d'appel a privé Jacques X... du procès équitable auquel il avait droit " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, selon l'arrêt, le juge d'instruction suisse, qui avait exécuté des commissions rogatoires délivrées par le magistrat instructeur, a, alors que l'information judiciaire était terminée depuis le 5 février 1999 et qu'il avait lui-même clôturé la procédure d'entraide internationale, adressé le 6 mai 1999 une demande, se référant à la commission rogatoire internationale initiale, à une banque de Genève aux fins d'obtenir les relevés d'un compte numéroté ouvert par Jacques X... ; que le juge suisse a adressé les pièces au juge d'instruction le 21 juin 1999, lequel, dessaisi, les a transmises au procureur de la République ; que ce dernier les a remises au tribunal correctionnel saisi, devant lequel les débats étaient ouverts, en les communiquant à toutes les parties ; que la juridiction du premier degré, saisie d'une demande de nullité, les a écartées ;
Que, pour rejeter les exceptions de nullité présentées à nouveau en cause d'appel, accueillir les pièces litigieuses comme éléments de preuve et en tenir compte pour étayer la déclaration de culpabilité de Jacques X..., l'arrêt relève, notamment, que les actes faits après clôture de l'information ne peuvent avoir le caractère d'actes d'instruction et ne sauraient entacher la régularité de l'ordonnance de renvoi qui leur est antérieure, que les pièces ont été obtenues sans fraude ni stratagème ou déloyauté, qu'elles ont été soumises à la libre discussion des parties et que le procureur de la République, qui en était devenu le destinataire, ne pouvait les retenir sans préjudicier aux droits des autres parties ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que les pièces litigieuses obtenues après clôture de l'information judiciaire par un juge incompétent agissant de sa propre initiative, étaient extérieures à cette procédure et ont été soumises au débat contradictoire, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a, sans méconnaître les principes du procès équitable, justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;
Sur le huitième moyen de cassation proposé pour Jacques X... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le septième moyen de cassation proposé pour Jacques X... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Denis A... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Denis A... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour Denis A... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le cinquième moyen de cassation proposé pour Denis A... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le sixième moyen de cassation proposé pour Denis A... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le septième moyen de cassation proposé pour Denis A... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le premier moyen proposé pour Michel Y... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Michel Y... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le neuvième moyen de cassation proposé pour Jacques X... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Michel Y... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Denis A... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le quatrième moyen proposé pour Michel Y... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le dixième moyen de cassation proposé pour Jacques X... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le huitième moyen proposé pour Denis A... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le neuvième moyen de cassation proposé pour Denis A... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour François Z... : (Publication sans intérêt) ;
Sur le moyen complémentaire de cassation proposé pour François Z... : (Publication sans intérêt) ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.