AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze juin deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Z... Michel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 17 octobre 2000, qui, pour pollution de cours d'eau, l'a condamné à 8000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 232-2, L. 232-4, L. 231-3, L. 231-6, L. 231-7 et L. 238-7 du Code rural, désormais codifiés aux articles L. 432-2, L. 432-4, L. 431-3, L. 431-6, L. 431-7 et L. 437-20 du Code de l'environnement, L. 121-3 et L. 122-4 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement entrepris, a déclaré Michel Z... coupable d'avoir, en octobre 1996, jeté, déversé ou laissé écouler dans le ruisseau " Le Verbotet " et la rivière " La Savoureuse ", directement ou indirectement des substances dont l'action ou les réactions ont détruit le poisson ou nui à sa nutrition, à sa reproduction ou à sa valeur alimentaire ;
" aux motifs que la pollution dans Le Verbotet et La Savoureuse a été constatée par de nombreux techniciens en la matière pour être constituée de matières en suspension en quantité très importante entraînant le colmatage des fonds ; que le dysfonctionnement du décanteur a formellement été constaté par M. X..., technicien du Conseil Supérieur de la Pêche, qui notait que le 24 octobre 1996 il avait eu la surprise de remarquer celui-ci grand ouvert et qu'ultérieurement la Fédération de Pêche en cause tentait d'ajouter des planches devant servir à fermer le décanteur et le tuyau de vidange de fond, et qu'il avait dû attendre la fin de cette opération, pour effectuer son prélèvement, les deux autres prélèvements avaient été faits par lui en aval du décanteur qui, alors, fonctionnait ; qu'il résulte ainsi des déclarations de M. X... que l'eau de l'étang s'est déversée anormalement, un temps certain, directement dans le fossé d'évacuation pour rejoindre ensuite Le Verbotet puis La Savoureuse, puis que les derniers prélèvements d'échantillon d'eaux ont été effectués régulièrement en aval du décanteur, alors que celui-ci était alors en état de marche ;
que M. Y..., garde assermenté du Conseil Supérieur de la Pêche, a également constaté en mêmes termes l'ouverture anormale du décanteur, et la charge importante, après remise en fonctionnement, de matières en suspension ; que le CEMAGREF adressé un constat relevant indiscutablement la réalité de la pollution par charge trop importante de matières en suspension et de boues avec sels ammoniacaux en quantité notable ; pollution mécanique nuisible à la faune et à la flore des cours d'eau et rivière concernés ; que les divers courriers de la préfecture quant aux modalités expresses imposées pour la vidange de l'étang n'ont pas été respectés, malgré les mise en garde répétées suite à un incident similaire en 1995 n'ayant pas entraîné de sanction du fait que la Fédération de Pêche s'était alors engagée à prendre les précautions nécessaires pour l'avenir ; que la direction de l'Agriculture a relevé que le décanteur réalisé en 1996 n'avait été rendu opérationnel qu'en fin de vidange alors que les eaux boueuses s'étaient déjà écoulées dans le milieu aval ; que le dysfonctionnement avait été constaté par procès-verbaux des deux gardes-pêche commissaires du Conseil Supérieur de la Pêche ; que les eaux de l'étang ont transité sur une faible longueur dans le fossé d'écoulement pour atteindre dans leur quasi-totalité Le Verbotet puis La Savoureuse pour s'y colmater qu'ainsi la discussion sur la qualification de cours d'eau du " ruisseau de Malsaucy " est sans emport ; que les constatations et analyses régulièrement effectuées ont établi la réalité de la pollution par charges anormales de matières en suspension et de sels ammoniacaux ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments la réalité de la pollution mécanique, le fait que Michel Z..., précédemment averti, n'a pas mis en oeuvre les moyens dont il disposait en raison de ses pouvoirs et compétence, pour y remédier ;
" alors, dune part, que les dispositions relatives au délit de pollution ne s'appliquent qu'aux cours d'eau, canaux, ruisseaux et plans d'eau avec lesquels ils communiquent de manière directe et continue, ce qui exclut les eaux d'un canal de vidange, faute d'être en communication permanente, naturelle et directe avec une rivière et un étang, auxquels elles ne sont reliées qu'occasionnellement ;
que dès lors en se fondant pour statuer comme elle l'a fait, sur le rapport d'analyse d'eaux du CEMAGREF faisant état de prélèvements opérés soit dans le bassin de décantation, activé seulement en période de vidange, soit en aval immédiat de ce bassin, dans le fossé d'écoulement à environ 500 mètres des ruisseaux Verbotet et Savoureuse, ce qui excluait que les rejets et déversements incriminés et prélèvements eussent été effectués dans un cours d'eau, la cour d'appel a procédé d'une violation des textes ci-dessus visés ;
" alors, d'autre part, qu'en statuant encore comme elle l'a fait sans s'expliquer sur les conditions dans lesquelles il avait été porté atteinte à la faune piscicole dans les eaux du Verbotet et de la Savoureuse, la cour d'appel n'a pas davantage légalement justifié sa décision ;
" alors, au surplus, qu'en statuant encore comme elle l'a fait sans caractériser la teneur toxique des matières en suspension constatées dans les prélèvements opérés et sans s'expliquer ni sur les normes au dessus desquelles le délit de pollution pouvait être établi, ni sur les substances incriminées et leurs caractéristiques au regard de ces normes, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, encore, qu'en statuant de la sorte sans rechercher si l'opération de vidange avait correspondu au rejet, au déversement ou à l'écoulement d'un corps étranger dans le cours des eaux du Verbotet ou de La Savoureuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors, en outre, qu'il n'y a point de délit sans intention de le commettre ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans rechercher si Michel Z..., en sa qualité de président de la fédération gestionnaire de l'étang de Malsaucy, dont la vidange était incriminée, n'avait pas accompli, dans cette opération, des diligences normales, et n'avait pas en particulier accompli celles que la situation lui permettait d'envisager et de mettre en oeuvre, pour prévenir le dommage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors, enfin, que n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte autorisé ou commandé par l'autorité légitime ; que dès lors en se bornant à constater que les divers courriers de la préfecture quant aux modalités expresses imposées pour la vidange de l'étang n'avaient pas été respectés, sans s'expliquer sur les modalités et sur les prescriptions administratives prétendument méconnues, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes ci-dessus " ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble les articles 121-3 du Code pénal et L. 232-2 du Code rural devenu l'article L. 432-2 du Code de l'environnement ;
Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ;
Attendu qu'il résulte du jugement et de l'arrêt confirmatif attaqué qu'au cours d'une opération de vidange d'un étang dont la gestion piscicole est confiée à la Fédération départementale pour la pêche et la protection du milieu aquatique du Territoire de Belfort, des eaux, chargées de boues, se sont écoulées dans des cours d'eau situés en aval ;
Attendu que Michel Z..., président de cette Fédération, poursuivi pour avoir effectué des rejets nuisibles à la vie piscicole, a fait valoir que l'élément légal de l'infraction n'était pas constitué et qu'il avait mis en oeuvre, en fonction des pouvoirs, des compétences et des moyens dont il disposait, toutes les mesures appropriées ;
Attendu que, pour écarter son argumentation et le déclarer coupable des faits reprochés, l'arrêt attaqué se prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser en tous ses éléments le délit reproché à la charge du prévenu et sans rechercher s'il a commis une faute personnelle au sens de l'article 121-3 du Code pénal, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Besançon, en date du 17 octobre 2000, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Colmar, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Besançon, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, MM. Roman, Mistral, Blondet conseillers de la chambre, Mmes Ferrari, Agostini, Beaudonnet, Gailly conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Chemithe ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;