AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Martinique automobiles, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 26 mars 1999 par la cour d'appel de Paris (1e chambre civile - section B), au profit de M. le directeur général des Douanes et droits indirects, domicilié ...Université, 75007 Paris,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 25 avril 2001, où étaient présents : M. Leclercq, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Huglo, conseiller référendaire rapporteur, M. Métivet, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Huglo, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard et Mandelkern, avocat de la société Martinique automobiles, de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat du directeur général des Douanes et droits indirects, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mars 1999, n° 97/27354), que la société Martinique automobiles a importé en 1992 diverses marchandises dans un département d'outre-mer et a acquitté à ce titre l'octroi de mer ; que cette taxe a été déclarée incompatible par arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 16 juillet 1992 (Legros) ; que l'importateur a alors assigné le directeur général des Douanes et des droits indirects devant le tribunal d'instance de Paris en restitution de l'octroi de mer acquitté du 17 juillet au 31 décembre 1992 ; que le tribunal d'instance a posé une question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés européennes portant sur l'exception de répercussion de la taxe, question à laquelle la Cour de justice a répondu par un arrêt du 14 janvier 1997 (Comateb et autres) ;
que le Tribunal a rejeté la demande de l'importateur ; que celui-ci a interjeté appel ;
Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :
Attendu que le directeur général des douanes soulève l'irrecevabilité du pourvoi, sur le fondement de l'article 150 du nouveau Code de procédure civile, en ce qu'il serait dirigé contre un arrêt dont le dispositif se borne à ordonner une expertise ;
Mais attendu que, dans le dispositif de l'arrêt attaqué, la cour d'appel réforme le jugement déféré, en ce qu'il a dit que la répercussion effective sur les consommateurs ou sur un autre opérateur économique des taxes d'octroi de mer n'est pas établie, et dit que la question de la répercussion ou de la non-répercussion dans chaque cas de la taxe indue constitue une question de fait relevant de la compétence du juge national qui est libre dans l'appréciation des preuves ; qu'il en résulte que la cour d'appel a nécessairement jugé que l'article 352 bis du code des douanes était applicable à l'action en restitution de l'importateur ; que le pourvoi est donc recevable ;
Sur les premier et quatrième moyens, pris en ses deux branches, réunis :
Attendu que ces moyens sont dirigés contre le chef du dispositif de l'arrêt attaqué qui a ordonné une expertise ; qu'en application de l'article 150 du nouveau Code de procédure civile, ces moyens sont irrecevables ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l'importateur fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que les dispositions de l'article 352 bis du code des douanes sont applicables au litige et d'avoir ordonné une expertise alors, selon le moyen, que l'article 36 du Code des douanes communautaires, issu des dispositions du règlement CEE n° 1430/79 du 2 juillet 1979 détermine de façon générale les conditions auxquelles les autorités compétentes accordent le remboursement ou la remise des droits à l'importation ou à l'exportation;
que ces dispositions doivent donc prévaloir sur celles de l'article 352 bis du Code des douanes ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le règlement CEE du 2 juillet 1979 ;
Mais attendu que, dans son arrêt Comateb, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que le règlement du Conseil du 2 juillet 1979 ne s'applique, aux termes de son article 1er, paragraphe 2, qu'aux droits, taxes, prélèvements et impositions établis par diverses réglementations communautaires et perçus par les Etats membres pour le compte de la Communauté et que ce règlement n'est donc pas applicable aux droits, impôts et taxes nationaux, même s'ils sont perçus en violation du droit communautaire ; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a ainsi statué ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l'importateur fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le moyen, que les modalités de remboursement des taxes perçues en violation du droit communautaire ne doivent pas être aménagées de façon à rendre pratiquement impossible ou extrêmement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire ; que ces dispositions de l'article 352 bis du Code des douanes, combinées avec les dispositions faisant obligation d'incorporer la taxe dans le prix de revient de la marchandise vendue, ont ainsi pour effet de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile le remboursement des taxes indûment perçues; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a donc méconnu le principe dénoncé ci-dessus ;
Mais attendu que, dans son arrêt Comateb précité, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit qu'un Etat membre ne peut s'opposer au remboursement à l'opérateur d'une taxe perçue en violation du droit communautaire que lorsqu'il est établi que la totalité de la charge de la taxe a été supportée par une autre personne et que le remboursement dudit opérateur entraînerait, pour lui, un enrichissement sans cause, qu'il incombe aux juridictions nationales d'apprécier, à la lumière des circonstances de chaque espèce, si ces conditions sont remplies, que si seule une partie de la charge de la taxe a été répercutée, il incombe aux autorités nationales de rembourser à l'opérateur le montant non répercuté et que l'existence d'une éventuelle obligation légale d'incorporer la taxe dans le prix de revient ne permet pas de présumer que la totalité de la charge de la taxe a été répercutée, même dans le cas où la violation d'une telle obligation entraînerait une sanction ; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel, qui a retenu que la charge de la preuve de la répercussion pesait sur l'administration des douanes, a jugé que l'article 352 bis du Code des douanes était compatible avec l'ordre juridique communautaire en ce qu'il n'avait pas pour effet de rendre impossible ou excessivement difficile l'action en répétition de l'indu ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Martinique automobiles aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Martinique automobiles à payer la somme de 10 000 francs ou 1 524,49 euros au directeur général des Douanes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en son audience publique du six juin deux mille un.