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31/05/2001 | FRANCE | N°98-22510

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mai 2001, 98-22510


Attendu qu'en vertu d'un accord collectif du 9 mai 1947, constituant l'annexe IV de la convention collective de travail du personnel des banques, les salariés des établissements bancaires étaient affiliés, par l'intermédiaire des différentes Caisses créées au sein de chaque établissement ou groupe d'établissements, à un régime de retraite complémentaire, financé par des cotisations patronales et salariales, leur assurant une pension, dite " pension bancaire globale ", proportionnelle au nombre des annuités acquises, par versement d'une " pension complémentaire " s'ajoutant à l

a retraite de la sécurité sociale ; que le 13 septembre 1993, l'...

Attendu qu'en vertu d'un accord collectif du 9 mai 1947, constituant l'annexe IV de la convention collective de travail du personnel des banques, les salariés des établissements bancaires étaient affiliés, par l'intermédiaire des différentes Caisses créées au sein de chaque établissement ou groupe d'établissements, à un régime de retraite complémentaire, financé par des cotisations patronales et salariales, leur assurant une pension, dite " pension bancaire globale ", proportionnelle au nombre des annuités acquises, par versement d'une " pension complémentaire " s'ajoutant à la retraite de la sécurité sociale ; que le 13 septembre 1993, l'Association française des banques (AFB) a signé avec trois syndicats un accord, dit " accord d'étape ", se substituant à l'annexe IV à compter du 1er janvier 1994 et transférant le régime de retraite des salariés des établissements bancaires vers le régime de l'Association générale de retraite complémentaire des cadres (AGIRC) et de l'Association des régimes de retraites complémentaires (ARRCO) ; que, dans son préambule, l'accord précise qu'il est conclu " afin de garantir un niveau élevé des pensions, de respecter l'équité entre les retraités actuels et les retraités futurs, et d'assurer durablement un équilibre financier menacé par l'évolution de leur démographie " ; qu'il prévoit l'adhésion des banques aux régimes AGIRC et ARRCO aux taux maximum prévus par ces organismes, avec reconstitution des droits, le maintien des Caisses de retraite bancaire, financées, en l'absence de cotisations salariales, par leurs réserves et par un versement patronal, en vue du paiement, notamment, d'un complément de retraite aux retraités à la date du 31 décembre 1993 ; que de ce chef, l'article 5 énonce : " les retraités au 31 décembre 1993 continueront de bénéficier au titre de leur activité bancaire d'un total de pensions annuelles qui sera au moins égal au total constaté au 31 décembre 1993, de leurs retraites annuelles afférentes à leur carrière bancaire. Pour ce faire, à compter du 1er janvier 1994, ils recevront s'il y a lieu de leur caisse bancaire un complément de pension égal à la différence, lorsqu'elle sera positive, entre :

a) leur pension bancaire globale au 31 décembre 1993, revalorisée chaque année de la moyenne des taux d'évolution de l'année précédente des pensions de vieillesse de la sécurité sociale, du point de la caisse ARRCO et du point AGIRC dans la mesure où cette évolution dépasse 1,9 % et à due concurrence de ce dépassement ;

b) la somme des pensions servies chaque année, pour la part afférente à leur carrière bancaire, par l'ARRCO et l'AGIRC, y compris la compensation des abattements prévus en 3° b) et de la pension sécurité sociale imputée en 1993, revalorisée en fonction des coefficients d'actualisation des avantages vieillesse de sécurité sociale.

Au cas où la pension bancaire globale viendrait à être inférieure à 80 % de sa valeur au 31 décembre 1993 revalorisée chaque année de la moyenne des taux d'évolution de l'année précédente des pensions de vieillesse de la sécurité sociale, du point de la Caisse ARRCO et du point AGIRC, la règle d'évolution définie au paragraphe 5° a) s'appliquerait avec un seuil amené de 1,9 % à 1 % " ; que divers bénéficiaires d'une pension de retraite servie par l'une des Caisses du secteur bancaire, ainsi que des associations de retraités, estimant que l'accord portait illicitement atteinte à des droits acquis par les retraités dont la pension avait été liquidée avant son entrée en vigueur, ont assigné les signataires de l'accord, ainsi que dix caisses de retraite, afin que celles-ci soient condamnées à verser les arrérages échus et à échoir des pensions calculées selon les bases en vigueur au jour de la liquidation, et que leur soit donnée injonction de verser aux conjoints survivants les pensions de réversion auxquelles ils auront droit calculées sur ces mêmes bases ; que la Fédération nationale CGT des personnels des secteurs financiers s'est jointe à l'action ; que l'arrêt attaqué (Paris, 16 septembre 1998) a rejeté toutes les demandes ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les retraités et les associations font grief à la cour d'appel d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen :

1° qu'en estimant que les syndicats de salariés signataires de l'accord d'étape du 13 septembre 1993 avaient représenté lors de cette négociation les retraités dont la pension avait été antérieurement liquidée, et qu'ils avaient pu valablement consentir en leur nom à une modification, défavorable aux intéressés, des modalités de calcul des pensions liquidées, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1, L. 411-2, L. 131-1, L. 132-1, L. 132-7, L. 411-7 du Code du travail et L. 731-1, alors en vigueur, du Code de la sécurité sociale ;

2° subsidiairement, qu'en s'abstenant de répondre au moyen des conclusions des retraités et des associations soutenant devant la cour d'appel que les associations de retraités auraient dû être invitées à la négociation, et qu'à défaut, l'accord était entaché de nullité ou, à tout le moins, inopposable aux intéressés, à qui il portait préjudice, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que seules les organisations syndicales représentatives sont légalement appelées à la négociation collective ; que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à un moyen inopérant ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant exactement rappelé que selon l'article L. 411-7 du Code du travail, les personnes qui ont cessé l'exercice de leurs fonctions peuvent adhérer à un syndicat professionnel, et retenu, à bon droit, d'une part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 131-2 et L. 132-1 du même Code, la convention collective a vocation à traiter de l'ensemble des conditions d'emploi et de travail des salariés et de leurs garanties sociales, ce qui inclut leurs retraites, d'autre part, qu'en application de l'article L. 731-1 du Code de la sécurité sociale, alors applicable, les régimes complémentaires de retraite ou de prévoyance sont créés et modifiés par voie d'accord collectif interprofessionnel, professionnel ou d'entreprise, la cour d'appel en a justement déduit que les syndicats professionnels, qui ont qualité pour représenter les retraités, ont, dans la limite des pouvoirs qu'ils tiennent des textes précités, valablement conclu l'accord litigieux ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen :

1° que la liquidation de la retraite fixe les droits des intéressés ; qu'il en résulte que, si le montant des pensions est susceptible d'être ultérieurement modifié par application d'une même règle à l'ensemble des retraités, toute modification du mode de calcul des pensions postérieure à la date à laquelle la pension a été liquidée ou toute suppression d'un droit reconnu à cette même date est inopposable aux intéressés ; qu'en estimant que l'accord d'étape du 13 septembre 1993 avait pu modifier les conditions de calcul des retraites perçues par les retraités des banques visées par le " complément bancaire " prévu par l'article 5 de l'accord, ainsi que les conditions de versement des pensions de réversion au conjoint survivant, la cour d'appel a violé les articles 2 du Code civil, L. 132-7 et L. 132-10 du Code du travail, le principe d'intangibilité des pensions liquidées, l'article R. 351-10 du Code de la sécurité sociale, et l'article 31 de l'annexe IV de la Convention collective nationale de travail du personnel des banques ;

2° que l'article 31 de l'annexe IV de la Convention collective des banques prévoyait que dans le cas où les cotisations prévues par le régime de retraite dudit personnel ne permettraient pas d'assurer le service des prestations tel que défini au présent règlement, les compléments de pension définis aux articles 18 et 21 et les allocations définies à l'article 26 seraient réduits proportionnellement dans la mesure nécessaire ; qu'en estimant que les allocations versées aux retraités pouvaient faire l'objet d'une modification des règles de calcul ne répondant pas à la règle de proportionnalité ainsi édictée, la cour d'appel a violé les dispositions précitées ;

3° que l'article 5 de l'accord d'étape du 13 septembre 1993 prévoit que la pension bancaire globale des retraités au 31 décembre 1993 sera revalorisée chaque année de la moyenne des taux de l'évolution de l'année précédente des pensions de vieillesse de la sécurité sociale, du point ARRCO et du point AGIRC dans la mesure où cette évolution dépasse 1,9 % et à due concurrence de ce dépassement ; qu'en énonçant, pour dire que l'accord ne portait pas atteinte aux principes de solidarité, d'égalité et d'uniformité dont se prévalaient les retraités et les associations de retraités, que l'accord prévoyait le paiement d'une pension d'un montant annuel égal au montant annuel revalorisé de la pension perçue par les retraités au 31 décembre 1993, alors qu'il résulte des termes précédemment cités que selon les paramètres visés seraient soit inférieurs ou égaux à 1,9 %, soit supérieurs à ce pourcentage, les pensions des retraités visés par le complément bancaire, ou bien ne seraient pas revalorisées, ou bien ne le seraient que partiellement, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 5 dudit accord d'étape du 13 septembre 1993 ;

4° que, sous réserve de l'exercice du droit d'opposition, l'accord de révision d'une convention ou d'un accord collectif se substitue de plein droit aux stipulations de la convention ou de l'accord qu'il modifie et est opposable à l'ensemble des employeurs et des salariés liés par la convention ou l'accord collectif de travail ; qu'en faisant application de la révision résultant de l'accord d'étape du 13 septembre 1993 aux retraités qui, à cette date, n'avaient plus la qualité de salariés, la cour d'appel a violé l'article L. 132-7 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que c'est à bon droit, et en application des dispositions de l'article L. 132-7 du Code du travail, que la cour d'appel a déclaré applicable, et opposable en particulier aux retraités, l'accord collectif de révision signé le 13 septembre 1993, à défaut d'exercice du droit d'opposition prévu par le paragraphe II de l'article L. 132-7 précité ;

Attendu, ensuite, qu'il incombe aux partenaires sociaux, chargés de la gestion des institutions de retraite complémentaire, d'assurer en permanence l'équilibre financier des régimes de retraite complémentaire en adoptant les mesures qui assurent la sauvegarde des droits de leurs adhérents ; qu'il en résulte qu'après avoir écarté à juste titre toute notion d'intangibilité des prestations, la cour d'appel a exactement décidé que les mesures prises, qui garantissent les principes de solidarité, d'égalité et de proportionnalité, étaient conformes aux règles légales ;

D'où il suit que le moyen, dont aucun des griefs n'est fondé, ne peut qu'être rejeté ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 98-22510
Date de la décision : 31/05/2001
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONVENTIONS COLLECTIVES - Dispositions générales - Négociation - Participants - Détermination.

1° SYNDICAT PROFESSIONNEL - Organisations syndicales représentatives - Convention collective - Négociation - Participation - Exclusivité légale.

1° Seules les organisations syndicales représentatives sont légalement appelées à la négociation collective.

2° SECURITE SOCIALE - REGIMES COMPLEMENTAIRES - Vieillesse - Régime supplémentaire - Modification - Modalités - Modification par voie d'accord collectif - Conclusion par les syndicats professionnels - Portée.

2° SECURITE SOCIALE - REGIMES COMPLEMENTAIRES - Vieillesse - Régime supplémentaire - Mode de création - Accord collectif - Possibilité 2° CONVENTIONS COLLECTIVES - Dispositions générales - Application - Domaine d'application - Retraités 2° SYNDICAT PROFESSIONNEL - Membres - Retraités - Possibilité.

2° Dès lors que, selon l'article L. 411-7 du Code du travail, les personnes qui ont cessé l'exercice de leurs fonctions peuvent adhérer à un syndicat professionnel, qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 131-2 et L. 132-1 du même Code, la convention collective a vocation à traiter l'ensemble des conditions d'emploi et de travail des salariés et de leurs garanties sociales, ce qui inclut leurs retraites, et qu'en application de l'article L. 731-1 du Code de la sécurité sociale alors applicable, les régimes complémentaires de retraite ou de prévoyance sont créés et modifiés par voie d'accord collectif interprofessionnel, professionnel ou d'entreprise, les syndicats professionnels, qui ont qualité pour représenter les retraités, ont, dans la limite des pouvoirs qu'ils tiennent des textes précités, valablement conclu l'accord transférant à l'AGIRC et à l'ARRCO le régime complémentaire de retraite des salariés des établissements bancaires.

3° CONVENTIONS COLLECTIVES - Dispositions générales - Accord collectif - Accord modifiant partiellement une convention collective - Application - Calcul de la pension - Conséquence.

3° SECURITE SOCIALE - REGIMES COMPLEMENTAIRES - Vieillesse - Pension - Calcul - 3° CONVENTIONS COLLECTIVES - Dispositions générales - Accord de révision - Opposabilité - Condition.

3° En application de l'article L. 132-7 du Code du travail, l'accord collectif de révision signé le 13 septembre 1993 est applicable, et opposable en particulier aux retraités, à défaut d'exercice du droit d'opposition prévu par le paragraphe II du même texte.

4° SECURITE SOCIALE - REGIMES COMPLEMENTAIRES - Vieillesse - Régime supplémentaire - Equilibre du régime - Maintien - Caractère obligatoire - Portée.

4° SECURITE SOCIALE - REGIMES COMPLEMENTAIRES - Institution de prévoyance - Caisse de retraite complémentaire - Obligations - Sauvegarde des droits des adhérents et permanence de l'équilibre financier - Conséquence 4° SECURITE SOCIALE - REGIMES COMPLEMENTAIRES - Vieillesse - Régime supplémentaire - Equilibre du régime - Portée 4° SECURITE SOCIALE - REGIMES COMPLEMENTAIRES - Vieillesse - Régime supplémentaire - Accord de révision - Retraite liquidée antérieurement - Prestations - Modification - Condition.

4° Il incombe aux partenaires sociaux, chargés de la gestion des institutions de retraite complémentaire, d'assurer en permanence l'équilibre financier des régimes de retraite complémentaire en adoptant les mesures qui assurent la sauvegarde des droits de leurs adhérents. Il en résulte qu'après avoir écarté à juste titre toute notion d'intangibilité des prestations, la cour d'appel a exactement décidé que les mesures prises, qui garantissent les principes de solidarité, d'égalité et de proportionnalité, étaient conformes aux règles légales.


Références :

2° :
3° :
3° :
Accord collectif de révision du 13 septembre 1993 Convention collective nationale de travail du personnel des banques
Code du travail L131-2, L132-1, L411-7, L731-1
Code du travail L132-7

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 septembre 1998

A RAPPROCHER : Sur les n°s 1, 2 et 3 : Chambre sociale, 1999-11-23, Bulletin 1999, V, n° 453 (1), p. 333 (cassation partielle sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 mai. 2001, pourvoi n°98-22510, Bull. civ. 2001 V N° 200 p. 156
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2001 V N° 200 p. 156

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet, conseiller le plus ancien faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : M. Duplat.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Ollier.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Defrénois et Levis, M. Foussard, la SCP Gatineau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:98.22510
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