AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jacques E..., demeurant ...,
en cassation d'un jugement rendu le 28 janvier 2000 par le tribunal d'instance du neuvième arrondissement de Paris, au profit :
1 / de la société Abeille Vie, société anonyme, dont le siège est ...,
2 / de la Fédération des employés, cadres, techniciens et agents de maîtrise, Fectam CFTC, Maison des syndicats, Fectam CFTC, dont le siège est ...,
3 / de M. Jean-François Z..., demeurant ...,
4 / de M. Olivier Y..., demeurant ...,
5 / de M. Christian B..., demeurant ...,
6 / de M. Jean-François D..., demeurant ...,
7 / de M. Marc A..., demeurant chez Mme X..., ... le Sec,
8 / de M. Jacques F..., demeurant ...,
9 / de M. Denis C..., demeurant ...,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 avril 2001, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Bouret, conseiller rapporteur, MM. Boubli, Lanquetin, Coeuret, conseillers, Mme Andrich, conseiller référendaire, M. Duplat, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bouret, conseiller, les observations de la SCP Ghestin, avocat de M. E..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Abeille Vie, les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. E..., employé de la société Abeille, a été convoqué à un entretien préalable au licenciement le 3 décembre 1999 ;
que le 22 décembre 1999, le FECTAM CFTC a désigné M. E... en qualité de délégué syndical ;
Attendu qu'il est fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance du neuvième arrondissement de Paris, 28 janvier 2000) d'avoir annulé la désignation de M. E... en qualité de délégué syndical de la FECTAM-CFTC, reçue le 29 décembre 1999 par la société Abeille Vie, alors, selon le moyen :
1 / que toute décision doit viser et analyser au moins succinctement les pièces sur lesquelles elle est fondée ; qu'en énonçant qu'il n'apparaissait pas des pièces versées aux débats que l'employeur ait connu l'intention de la FECTAM-CFTC de désigner M. E... en qualité de délégué syndical avant de le convoquer à un entretien préalable à son licenciement dans le but de faire échec à cette désignation, sans viser ni analyser les pièces sur lesquelles il se fondait, le Tribunal a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que n'est pas frauduleuse la désignation d'un salarié comme délégué syndical dès lors qu'elle n'est pas faite dans le seul but d'assurer la protection personnelle du salarié contre une mesure de licenciement ; qu'en décidant néanmoins que la désignation de M. E... comme délégué syndical était frauduleuse, même s'il n'avait pas demandé lors de son licenciement à profiter d'une protection exorbitante de droit commun offerte aux représentants du personnel contre toute mesure de licenciement, le Tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant les articles L. 412-15 et L. 412-18 du Code du travail ;
3 / que l'absence d'activité syndicale antérieure ne suffit pas à établir le caractère frauduleux de la désignation d'un délégué syndical ;
qu'en se fondant sur l'absence d'activité représentative du personnel de M. E... avant sa désignation comme délégué syndical, pour en déduire que celle-ci avait été faite dans son intérêt personnel et qu'elle était dès lors frauduleuse, le Tribunal a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 412-15 et L. 412-18 du Code du travail ;
Mais attendu que le tribunal d'instance ayant constaté que la convocation à l'entretien préalable au licenciement était antérieure à la désignation litigieuse, la décision se trouve légalement justifiée par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille un.