AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Médirest, société anonyme, dont le siège social est ..., agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège,
en cassation d'un jugement rendu le 19 janvier 2000 par le tribunal d'instance de Paris 17ème, au profit :
1 / de la Fédération des Services CFDT, ayant son siège social ..., prise en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège,
2 / de M. Jean-Marc Z..., domicilié à la Fédération des Services CFDT, ...,
3 / du syndicat FGTA-FO, ayant son siège social ..., prise en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège,
4 / de M. Mamadou Y..., demeurant 40, rue du ...,
5 / du syndicat CFE-CGC, ayant son siège social ..., prise en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège,
6 / de Mme Evelyne X..., domiciliée à la CFE-CGC au ...,
7 / du syndicat CGT, ayant son siège social ..., prise en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège,
8 / de M. Aït B..., domicilié ...,
9 / du syndicat CFTC, ayant son siège social ..., prise en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège,
10 / de M. Pascal A..., demeurant C/o société Medirest, Parc d'Activité Kennedy, avenue Henri Becquerel, 33700 Mérignac,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 avril 2001, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen, faisant fonctions de président, M. Coeuret, conseiller rapporteur, MM. Boubli, Bouret, Lanquetin, conseillers, Mme Andrich, conseiller référendaire, M. Duplat, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Coeuret, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Médirest, les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que la Fédération des Services CFDT prise en la personne de M. Z..., a saisi le tribunal d'instance d'une contestation relative aux conditions d'organisation au sein de la Société Médirest, d'un réferendum relatif aux projets d'accord d'entreprise portant sur l'harmonisation, la rédaction, et l'aménagement du temps de travail ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Médirest fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris 17ème, 19 janvier 2000 d'avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité tenant au défaut d'habilitation du représentant du syndicat CFDT à engager l'action au nom de cette organisation alors, selon le moyen :
1 ) que la saisine du tribunal d'instance (opérée en matière électorale par voie de simple déclaration au greffe) doit, lorsqu'elle émane d'une personne morale, être effectuée par un représentant de celle-ci régulièrement habilité à agir à cette fin ; qu'en l'espèce, la Société Médirest invoquait l'absence de versement aux débats du mandat exprès donné par l'organisation syndicale CFDT à M. Z..., auteur de la requête en date du 12 juillet 2000 ; qu'en s'abstenant de vérifier si le représentant du syndicat CFDT était régulièrement investi du pouvoir d'engager la présente contestation devant le juge d'instance au nom de ce syndicat, le Tribunal n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article R. 423-3 du Code du travail ;
2 ) que si l'avocat d'une partie est, en cette qualité investi du pouvoir de représenter son client devant le juge d'instance sans avoir à justifier de la délivrance d'un mandat spécial, l'organisation syndicale requérante n'en reste pas moins tenue de justifier son mandat donné par elle à l'un de ses adhérents aux fins d'introduire la contestation devant le juge de l'élection ; qu'en dispensant cependant le syndicat CFDT de fournir la preuve de l'habilitation à engager l'action donnée par lui à M. Z..., auteur de la requête initiale, du seul fait que la représentation de l'organisation syndicale en justice avait été confiée à Me C..., avocat au barreau de Paris, le jugement a violé les articles R. 423-3 du Code électoral ;
Mais attendu que le tribunal d'instance a exactement décidé que la Fédération CFDT des services qui était représentée par un avocat, était recevable en sa contestation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième moyens réunis :
Attendu que la société Médirest fait aussi grief au jugement d'avoir ordonné la suspension de la consultation du personnel organisée par un protocole d'accord en date du 5 janvier 2000 sur le projet d'accord d'entreprise relatif à la réduction du temps de travail et d'avoir arrêté de nouvelles modalités de déroulement de la consultation, alors, selon le moyen :
1 / que la régularité d'un acte doit être appréciée au regard de la loi en vigueur au jour de cet acte ; qu'en l'espèce, comme l'indiquait la Société Médirest dans ses conclusions, la décision de consulter à titre complémentaire l'ensemble des salariés sur le contenu d'un accord de réduction du temps de travail négocié avec les organisations syndicales après information des instances représentatives relevait des pouvoirs propres de l'employeur ; qu'ainsi il n'appartenait pas au juge de l'élection d'exercer son contrôle sur les modalités d'organisation de la consultation du personnel ; qu'en se fondant pour décider le contraire, sur les dispositions à venir de la loi Aubry II, susceptibles, selon le Tribunal, de donner effet à l'accord proposé par la Société Médirest, notamment au regard de l'allègement des charges sociales dès lors qu'il aura été approuvé par une majorité de salariés, quand il résulte de ses propres constatations que les dispositions légales n'étaient pas encore entrées en vigueur lors de la conclusion du protocole d'accord préélectoral, le Tribunal qui a appliqué par anticipation les dispositions de la loi Aubry II, a violé les articles 2 et 1134 du Code civil ;
2 / qu'aucune disposition légale ni aucun principe général du droit électoral n'impose à l'employeur qui organise une consultation écrite de ses salariés sur le contenu d'un accord d'entreprise, de procéder à l'envoi de documents de propagande syndicale lors de l'expédition du matériel de vote par correspondance à chacun des électeurs ; qu'en suspendant l'organisation du scrutin et en imposant à la société d'adresser une circulaire de propagande de chaque organisation syndicale représentative avec le matériel de vote expédié à chaque électeur le jugement a fait peser sur l'employeur une obligation qui ne lui incombait pas et a violé l'article R 34 du Code électoral ;
3 / que l'article 6 du protocole d'accord préélectoral, prévoyait que chaque salarié devait se voir adresser outre le matériel de vote proprement dit, une notice d'information sur l'opération de référendum mise en oeuvre ainsi que le projet d'accord de réduction du temps de travail en fonction du collège d'appartenance ; qu'en considérant qu'un tel envoi aurait contrevenu à la règle selon laquelle chaque électeur doit disposer des mêmes éléments d'information, sans préciser en quoi le principe d'égalité aurait été méconnu en l'espèce, le Tribunal n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article R 34 du Code électoral ;
4 / que l'information des salariés sur l'enjeu du scrutin pouvait être réalisée par les organisations syndicales représentatives dès l'annonce de l'organisation d'un référendum par la société Médirest (et au plus tard à compter de la signature du protocole préélectoral intervenue le 5 janvier 2000) ; qu'en estimant trop bref le temps laissé aux syndicats pour procéder à une véritable information des salariés sans préciser le point de départ du délai à compter duquel l'information du personnel sur l'objet de la consultation avait pu être réalisée, le jugement a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et R 34 du Code électoral ;
Mais attendu d'abord que le tribunal d'instance, qui ne s'est pas fondé sur les dispositions d'une loi non promulguée, s'est prononcé sur les modalités d'une consultation du personnel organisée en application d'un accord collectif signé par l'employeur et contesté par un syndicat non signataire ;
Attendu ensuite qu'il résulte de l'article R 34 du Code électoral que chaque électeur doit disposer des mêmes éléments d'information ; qu'en décidant que le matériel de vote envoyé aux électeurs par la société Médirest devait comprendre une circulaire de propagande de chaque organisation syndicale représentative au sein de l'entreprise ainsi que la copie intégrale du projet d'accord de réduction du temps de travail soumis à consultation, le Tribunal a fait une exacte application du texte susvisé ;
Attendu enfin que le Tribunal a apprécié souverainement le délai nécessaire avant que le vote des salariés n'intervienne ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille un.