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03/05/2001 | FRANCE | N°99-17750

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 03 mai 2001, 99-17750


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 juin 1999), que la société Ciments Lafarge (la société), exploitant une carrière et invoquant la progression de l'exploitation de celle-ci, a assigné l'établissement public Electricité de France (EDF) devant le juge civil de droit commun en déplacement d'un pylône électrique installé sur un terrain lui appartenant en vertu d'une servitude conventionnelle régie par la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ; que ce juge n'a pas retenu sa compétence ; qu'avec l'accord d'EDF, la société a fait dÃ

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Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 juin 1999), que la société Ciments Lafarge (la société), exploitant une carrière et invoquant la progression de l'exploitation de celle-ci, a assigné l'établissement public Electricité de France (EDF) devant le juge civil de droit commun en déplacement d'un pylône électrique installé sur un terrain lui appartenant en vertu d'une servitude conventionnelle régie par la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ; que ce juge n'a pas retenu sa compétence ; qu'avec l'accord d'EDF, la société a fait déplacer le pylône à ses frais avancés, dans l'attente de l'issue de la procédure sur la question de la prise en charge définitive desdits frais ; que le juge administratif, saisi par la société de la demande en remboursement, s'est déclaré incompétent et a renvoyé devant le Tribunal des conflits qui a retenu la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; que le juge civil de doit commun, à nouveau saisi par la société, sur exception d'EDF, s'est déclaré incompétent au profit du juge de l'expropriation ; que la société a formé contredit ;

Attendu qu'EDF fait grief à l'arrêt de déclarer le contredit bien fondé, alors, selon le moyen :

1° qu'il résulte de l'antépénultième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 que les indemnités qui pourraient être dues à raison des servitudes d'appui et de passage prévues aux alinéas 1°, 2°, 3° et 4° (établissement de supports pour conducteurs aériens) ci-dessus, sont réglées en premier ressort par le juge de l'expropriation (décret du 6 octobre 1967) ; que le Tribunal des conflits ayant jugé en l'espèce, dans son arrêt du 29 septembre 1997, que le litige qui oppose la société Ciments Lafarge à EDF : " sur l'indemnisation " du dommage " occasionné par le déplacement du pylône de ligne électrique, en raison du plan d'exploitation de la carrière ", ressortait à la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire, en application des dispositions de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906, en vertu desquelles les juridictions judiciaires sont seules compétentes pour connaître des dommages qui sont la conséquence certaine, directe et immédiate des servitudes instituées par ladite loi au profit des concessionnaires de distribution d'énergie, tels ... " les troubles de jouissance et d'exploitation ", il en résulte nécessairement que le litige entre exactement dans la sphère de compétence du juge de l'expropriation, conformément aux dispositions précitées de l'article 12 ; qu'en déclarant qu'il " est manifeste que la demande de la société Ciments Lafarge ne tend pas à voir fixer une indemnité qui serait due en raison de l'existence de la servitude instituée au profit d'EDF... mais seulement à déterminer qui, de la société Ciments Lafarge ou d'EDF doit supporter la charge générée par le déplacement de l'ouvrage ", alors que, comme l'a clairement énoncé le Tribunal des conflits, le litige porte sur l'indemnisation du dommage né des frais de déplacement de la servitude, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions susvisées de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 ;

2° qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906, 5e alinéa, l'exécution des travaux prévus aux alinéas 1°, 2°, 3° et 4° ci-dessus : " n'entraîne aucune dépossession ; la pose des canalisations ou supports dans un terrain ouvert et non bâti ne fait pas non plus obstacle aux droits du propriétaire de se clore ou de bâtir " ; que, contrairement à l'opinion de la cour d'appel, la question posée en l'espèce, de savoir qui de la société Ciments Lafarge ou d'EDF doit supporter le coût du déplacement du pylône installé en application de l'article 12-3°, en raison du plan d'exploitation de carrière, est totalement étrangère au champ d'application limité des dispositions précitées concernant le " droit du propriétaire de se clore ou de bâtir " ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, ces dispositions en estimant que la contestation avait " pour fondement une éventuelle dépossession ", et en déclarant que : " de surcroît, la question du financement ainsi soumise aux juges du fond devra s'analyser au regard du principe de la non-dépossession figurant à l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 ;

Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, que la compétence attribuée au juge de l'expropriation, en vertu de l'article 2 du décret du 6 octobre 1967, portant règlement d'administration publique de la loi du 15 juin 1906, est limitée à la fixation des indemnités et que les contestations relatives à l'exercice par le propriétaire des droits qui lui sont reconnus par cette loi, ayant pour fondement une éventuelle dépossession, relève de la compétence du juge civil de droit commun, la cour d'appel, qui, ayant relevé que la demande de la société ne tendait pas à faire fixer une indemnité due en raison de l'existence de la servitude instituée au profit d'EDF mais à déterminer qui des deux parties devait supporter la charge entraînée par le déplacement du pylône, demande qui devait s'analyser au regard du principe de non-dépossession figurant à l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 et nécessitait un débat sur le point de savoir si l'institution de la servitude maintenait ou non au propriétaire l'exercice de toutes les prérogatives fondamentales du droit de propriété, a retenu qu'un tel débat relevait du juge civil de droit commun, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 99-17750
Date de la décision : 03/05/2001
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

COMPETENCE - Compétence matérielle - Tribunal de grande instance - Servitude EDF - Droits du propriétaire du fonds servant - Déplacement d'un pylône - Action en remboursement des frais .

SERVITUDE - Servitudes légales - Servitude EDF - Ligne électrique - Frais de déplacement - Action en remboursement contre le concessionnaire - Compétence du juge de l'expropriation (non)

SERVITUDE - Servitudes légales - Servitude EDF - Ligne électrique - Frais de déplacement - Action en remboursement contre le concessionnaire - Compétence judiciaire

ELECTRICITE - Ligne électrique - Déplacement d'un pylône - Servitude EDF - Litige portant sur les droits du propriétaire du fonds servant - Compétence du juge civil

Justifie légalement sa décision la cour d'appel qui retient que l'action en remboursement des frais de déplacement d'un pylône électrique, autorisé par le bénéficiaire d'une servitude instituée en application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie aux frais avancés du propriétaire du terrain grevé par la servitude, devant s'analyser au regard du principe de non-dépossession figurant à l'article 12 de cette loi et nécessitant un débat sur le point de savoir si l'institution de la servitude maintient ou non au propriétaire l'exercice de toutes les prérogatives du droit de propriété, relève non de la compétence du juge de l'expropriation qui fixe les indemnités dues à raison de la servitude mais de celle du juge civil de droit commun.


Références :

Loi du 15 juin 1906 art. 12

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 juin 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 03 mai. 2001, pourvoi n°99-17750, Bull. civ. 2001 III N° 54 p. 43
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2001 III N° 54 p. 43

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Beauvois .
Avocat général : Avocat général : M. Weber.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Boulanger.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Coutard et Mayer, M. Choucroy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:99.17750
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