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03/05/2001 | FRANCE | N°00-85349

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 mai 2001, 00-85349


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois mai deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général FROMONT ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La SOCIETE SUISSE D'ASSURANCES GENERALES SUR LA VIE HUMAINE, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 23 juin 2000, qui, après relaxe de

Nicolas Y... et de Jean-Luc X... des chefs de faux, complicité et usage, l'a débout...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois mai deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général FROMONT ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La SOCIETE SUISSE D'ASSURANCES GENERALES SUR LA VIE HUMAINE, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 23 juin 2000, qui, après relaxe de Nicolas Y... et de Jean-Luc X... des chefs de faux, complicité et usage, l'a déboutée de sa constitution de partie civile ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 441-1 et suivants du Code pénal, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris qui avait relaxé les prévenus poursuivis pour faux, usage de faux et complicité et débouté la Société Suisse d'Assurance Générales sur la Vie Humaine de sa constitution de partie civile ;

"aux motifs qu'il ressort suffisamment de l'enquête préliminaire et de l'instruction et notamment des déclarations des deux prévenus, qu'est établi en l'espèce l'élément matériel du délit de faux lors de la conclusion des contrats ;

Que l'élément intentionnel s'entend de la conscience d'une altération de la vérité de nature à causer un préjudice ; qu'en l' espèce cette intention n'est pas démontrée, non seulement parce que Nicolas Y... a imité la signature de Jean-Luc X... avec son autorisation, mais parce que les prévenus ont tous deux déclaré avoir voulu pallier les lourdeurs de la procédure de signature conjointe imposée par la direction et ce, quand bien même tous deux n'ont pas contesté avoir connaissance des directives qu'ils ont enfreintes et n'avoir pas avisé leurs supérieurs ; qu'il ressort de l'audition de nombreux salarié que la pratique reprochée aux prévenus, si elle n'était pas généralisée dans l'entreprise, était néanmoins courante et connue de l'employeur, que d'autres salariés ont fait pour des agissements similaires, l'objet de sanctions de l'employeur, sans pour autant qu'une plainte pour faux ait été déposée contre ceux-ci ;

Que la partie civile n'apporte pas la démonstration de l'intention qu'elle prête à Nicolas Y... d'avoir voulu "réaliser des affaires sans contrôle" et "se garantir ainsi un commissionnement immédiat au mépris de la pérennité et de la régularité des opérations effectuées dans ces conditions" ;

Que manque encore l'un des éléments constitutifs de l'infraction, à savoir l'existence d'un préjudice ; que la Société Suisse fonde principalement son allégation d'un préjudice sur les conséquences des faux affectant les reçus établis en même temps que les propositions d'assurance contrefaites, dès lors que ces reçus ont pour objet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des effets juridiques ;

Qu'il a toutefois échappé à la partie civile que les prévenus, selon les termes de l'ordonnance de renvoi et des citations, sont poursuivis pour la falsification de 34 propositions d'assurance sur la vie et trois demandes d'adhésion à des conventions d'assurance de retraite et prévoyance complémentaires des non salariés, nulle mention n'étant faite des reçus joints à ces documents, ce qui limite la saisine de la Cour ;

Que la démonstration n'est pas faite de l'allégation de la partie civile selon laquelle un grand nombre des contrats conclus par Nicolas Y... auraient été annulés en raison de l'absence de la note d'information dont les reçus devaient faire la preuve de la remise au client ; que parmi les documents produits par la Société Suisse figurent de nombreuses pièces ne concernant pas les prévenus ;

Qu'au surplus le véritable motif de l'annulation de certains contrats doit être trouvé dans les conditions défavorables de ces contrats pour les clients ;

Qu'à le supposer établi en son principe, le préjudice invoqué par la demanderesse d'ordre économique et moral (atteinte portée à la réputation et à la crédibilité de l'entreprise) n'est assorti d'aucun élément chiffré et d'ordre comptable ;

"alors que, d'une part, en matière de faux et d'usage de faux, l'intention coupable de l'agent résulte quel que soit le mobile poursuivi, de la conscience de l'altération de la vérité dans un document susceptible d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait et donc de nature à avoir des conséquences juridiques ; que, dès lors, en l'espèce où la Cour a affirmé formellement l'existence de l'élément matériel des infractions poursuivies, en constatant que Y... avait imité la signature de son coprévenu sur des propositions d'assurance ou des demandes d'adhésion, à des conventions d'assurance de retraite et de prévoyance émanant des clients de la compagnie d'assurances qui les employait, les juges du fond, qui n'ont pas contesté que, comme le soutenait cette dernière constituée partie civile, ces documents étaient de nature à engager sa responsabilité, ont violé l'article 441-1 du nouveau Code pénal en admettant que l'élément intentionnel des délits de faux et usage de faux puisse n'être pas établi sous prétexte que Nicolas Y... avait été autorisé par son coprévenu à imiter sa signature, et qu'avec ce dernier, il avait voulu pallier les lourdeurs de la procédure de signature conjointe imposée par leur employeur, ces éléments n'étant pas de nature à exclure l'intention délictueuse des prévenus qui résultait du caractère délibéré de leurs agissements contraires aux exigences de leur employeur dont la responsabilité était susceptible d'être engagée par les documents sur lesquels la fausse signature avait été apposée ;

"alors que, d'autre part, en matière de faux ou d'usage de faux, la loi n'exige pas que le préjudice résultant de ces infractions soit consommé ou inévitable puisqu'il suffit d'une simple éventualité ou possibilité de préjudice, pour qu'une altération de la vérité tombe sous le coup de l'article 441-1 du Code de pénal dès lors qu'elle est commise dans un des documents visés dans ce texte et donc de nature à avoir pour effet, ou susceptible d'avoir pour effet, de constituer la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ; que, dès lors, en l'espèce où la partie civile soutenait que les propositions d'assurance sur la vie et les demandes d'adhésion à des conventions d'assurance sur lesquelles figuraient les fausses signatures, étaient de nature à engager sa responsabilité envers ses clients, les juges du fond qui n'ont pas contesté cette affirmation et se sont contentés de prétendre que la demanderesse ne démontrait pas l'importance du préjudice dont elle demandait réparation pour relaxer les prévenus, ont violé l'article 441-1 précité ;

"alors qu'enfin la Cour s'est mise en contradiction avec ses propres constatations et a méconnu l'étendue de sa saisine, en refusant de tenir compte des reçus, comportant eux aussi la fausse signature d'un des deux prévenus apposée par l'autre, sous prétexte que ces documents n'étaient pas visés par l'ordonnance de renvoi, après avoir pourtant elle-même constaté que ces reçus étaient joints aux propositions d'assurance sur la vie et aux demandes d'adhésion à des conventions d'assurance expressément visées par la prévention" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Nicolas Y..., attaché d'inspection, et Jean-Luc X..., inspecteur dont dépendait le premier, se sont entendus pour ne pas suivre complètement les directives de leur employeur, la société suisse d'assurances, qui exigeait que l'inspecteur contresigne les propositions d'assurance et participe au dernier entretien entre le client et le réalisateur, au cours duquel était signé conjointement le reçu de la somme versée ; qu'ils ont reconnu que Jean-Luc X... signait en blanc et par avance les reçus et que Nicolas Y... apposait la signature contrefaite de cet inspecteur sur les propositions d'assurance ;

Que la société suisse, informée de cette pratique, a licencié ses deux employés et a déposé contre eux une plainte avec constitution de partie civile pour faux, complicité et usage, portant sur 34 propositions d'assurance sur la vie, 3 demandes d'adhésion à des conventions de retraite complémentaire et sur les reçus de versement correspondants ;

qu'au terme de l'information judiciaire, Nicolas Y... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour faux portant sur les 34 propositions et les 3 demandes d'adhésion, les reçus n'étant pas mentionnés, Jean- Luc X... pour complicité, et tous deux pour usage de faux ;

Attendu que, pour relaxer les prévenus et débouter la partie civile de sa constitution, les juges de première instance et d'appel retiennent notamment que deux des éléments constitutifs du faux, l'intention coupable et l'existence d'un préjudice, ne sont pas établis ; que l'arrêt énonce en outre que, si les reçus engagent la société et contiennent la reconnaissance par le client de ce qu'il a bien été destinataire de la note d'information comportant les dispositions essentielles du contrat à émettre sur la base de la proposition d'assurance, la cour d'appel n'en était pas saisie selon les termes de l'ordonnance de renvoi ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et constatations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants justement critiqués à la première branche du moyen, et dès lors que l'ordonnance de renvoi détermine les faits déférés à la juridiction de jugement et fixe l'étendue de sa saisine, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction et en répondant comme elle le devait aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Martin conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : Mme Fromont ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 00-85349
Date de la décision : 03/05/2001
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, 23 juin 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 mai. 2001, pourvoi n°00-85349


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:00.85349
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