REJET des pourvois formés par :
- X...,
1° contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 13 mai 1994, qui, dans l'information suivie contre lui pour fausses déclarations d'origine à l'importation, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;
2° contre l'arrêt de la même cour d'appel, 13e chambre, en date du 31 janvier 2000, qui, pour infraction douanière, l'a condamné à une amende fiscale de 7 000 000 francs.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I. Sur le pourvoi contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris du 13 mai 1994 :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 57 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative aux établissements bancaires, 65 et 455 du Code des douanes, 226-13 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué en date du 13 mai 1994 a rejeté la requête en annulation des procès-verbaux de demande de communication et de saisies des documents bancaires de X... ;
" aux motifs que l'Administration est en droit d'exiger des banques qui entrent dans la catégorie des personnes morales visées à l'article 65-1-i, la communication des relevés de comptes et des chèques, de nature à faciliter l'accomplissement de leur mission ; que, tel est le cas en l'espèce, s'agissant de documents réclamés dans le cadre d'une enquête portant sur l'importation de produits prohibés par la réglementation ; que les dispositions de l'article 65 situé dans le titre II du Code des douanes, intitulé "organisation et fonctionnement du service des Douanes" sont applicables à l'ensemble des opérations relevant de la compétence de cette Administration, et ne sauraient comme le soutiennent les requérants, être limitées au seul contentieux des relations financières avec l'étranger qui sont régies par les articles 451 et suivants du Code des douanes, que les époux X... ne sont pas fondés, pour les besoins de leur argumentation, à se prévaloir des termes de l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 13 mars 1992, s'agissant d'une décision rendue en matière de voie d'exécution ;
" alors que, d'une part, le droit de communication de l'administration des Douanes ne peut s'exercer que dans le respect du secret professionnel, lorsque, comme en l'espèce, l'administration douanière agit non pas dans le cadre de l'application de la législation et de la réglementation sur les relations financières avec l'étranger, mais dans celui d'un contrôle d'importation de marchandises prohibées ; qu'en se bornant à faire application des dispositions de l'article 65 du Code des douanes, sans rechercher si les dispositions de l'article 57 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, relatives au secret bancaire et aux conditions de son opposabilité étaient applicables, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris a violé les textes susvisés ;
" alors que, d'autre part, selon l'article 57 de la loi bancaire du 24 janvier 1984, outre les cas où la loi le prévoit, le secret professionnel ne peut être opposé ni à la commission bancaire, ni à la Banque de France, ni à l'autorité judiciaire agissant dans le cadre d'une procédure pénale ; qu'en ne recherchant pas si, en l'espèce, l'administration des Douanes, qui au moment de sa demande de communication et la saisie des documents n'avait pas encore déposé d'acte introductif d'instance ni notifié d'infraction douanière, agissait dans le cadre d'une procédure pénale au sens de l'article 57 de la loi du 24 janvier 1984, et si en conséquence, les documents sollicités et saisis n'étaient pas couverts par le secret bancaire, la cour d'appel de Paris a privé sa décision de base légale ;
" alors qu'enfin il résulte d'un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation en date du 29 mars 1994, que X... n'avait pas le 5 décembre 1990, soit après la communication et la saisie des documents bancaires, la qualité de prévenu au sens de l'article 387 du Code des douanes, n'ayant fait l'objet d'aucune poursuite au sens des articles 342 à 349 du Code des douanes ; que l'arrêt attaqué, qui ne s'est pas davantage expliqué sur ce point, est privé de base légale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'un contrôle des importations par la société Y... de ris de jeunes bovins déclarés d'origine yougoslave, les agents des Douanes, exerçant leur droit de communication prévu à l'article 65 du Code des douanes, se sont fait présenter par des établissements bancaires divers documents, notamment des relevés de comptes au nom de X..., qu'ils ont saisis ;
Attendu que, pour rejeter la requête en annulation des procès-verbaux de demande de communication et de saisie des documents bancaires, présentée par l'avocat de X..., les juges énoncent que l'administration des Douanes est en droit d'exiger des banques qui entrent dans la catégorie des personnes morales visées à l'article 65-1-i, du Code des douanes, la communication des relevés de comptes et de chèques propres à faciliter l'accomplissement de sa mission ; qu'ils ajoutent que les dispositions du texte précité sont applicables à l'ensemble des opérations relevant de la compétence de l'administration des Douanes et ne sauraient être limitées au seul contentieux des relations financières avec l'étranger ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que le secret professionnel prévu par l'article 57 de la loi du 24 janvier 1984 ne peut être opposé aux agents des Douanes exerçant leur droit de communication en application de l'article 65 du Code des douanes, la chambre d'accusation a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
II. Sur le pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 janvier 2000 :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 55 de la Constitution, 111-5 et 112-1 du Code pénal, 399, 426, 414, 410 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 31 janvier 2000 a rejeté l'exception d'illégalité des décisions communautaires 89-15 et 89-356 des 15 décembre 1988 et 29 mai 1989 et des avis ministériels des 25 janvier et 2 juin 1989, pris en application des directives du Conseil de la CEE 88-146 et 88-299 des 7 mars et 17 mai 1988 au regard de l'accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires, intégrées aux dispositions du traité instituant l'OMC, dit accord SPS, et déclaré X... coupable du délit de participation comme intéressé aux importations sans déclaration de marchandises prohibées et l'a condamné à une amende de 7 000 000 francs ;
" aux motifs que les dispositions de l'accord SPS, négocié directement par la CEE, n'étant pas directement applicables dans les ordres juridiques internes des Etats membres, l'exception de nullité visant les décisions communautaires 89-95 et 89-356 du 15 décembre 1988 et 29 mai 1989, tirée de la violation desdites dispositions, doit en conséquence être rejetée ; que les avis ministériels aux importateurs ont été régulièrement pris les 25 janvier et 2 juin 1989 en application des décisions de la commission de la CEE ci-avant mentionnées dès lors que ces décisions n'ont été ni rapportées par la Commission ni invalidées par la Cour de Justice des Communautés européennes, qu'il y a lieu de se situer à la date des faits pour apprécier la légalité des décisions ; que, pour l'ensemble de ces raisons, il n'échet pas non plus de faire application du principe de la rétroactivité in mitius, puisque les accords du GATT n'ont pas d'effet dans les Etats membres et qu'à la date des faits la décision CEE n'avait été ni rapportée par la commission ni invalidée par la Cour de Justice des Communautés européennes ;
" alors que, d'une part, une disposition d'un accord international, fût-il négocié directement par la CEE, doit être considérée comme d'application directe dans l'ordre juridique interne des Etats membres et dans celui de la Communauté européenne, lorsque, eu égard à ses termes, ainsi qu'à l'objet et à la nature de l'accord, elle comporte une obligation claire et précise qui n'est subordonnée dans son exécution à l'intervention d'aucun acte extérieur ; qu'en se bornant à se fonder sur le fait que l'accord SPS avait été directement négocié par la CEE pour lui dénier toute applicabilité directe dans l'ordre juridique interne des Etats membres, sans rechercher si les articles 3 et 5 de cet accord dont la violation était invoquée, remplissaient les conditions précitées, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors que, d'autre part, en ne recherchant pas si la décision de l'Organisation des règlements des différends, organe de l'Organisation Mondiale du Commerce, à laquelle l'Union européenne et ses Etats membres appartiennent, en date du 16 janvier 1998, qui a déclaré les directives du Conseil de la CEE en date du 7 mars et 17 mai 1988 et les décisions communautaires des 15 décembre 1988 et 29 mai 1989 contraires aux dispositions de l'article 5-1 de l'accord SPS, qui a recommandé à la Communauté européenne de mettre sa législation en conformité dans un délai de 15 mois à compter de sa décision, obligation que la Communauté européenne n'a pas encore respecté, n'avaient pas eu pour effet d'invalider la législation communautaire et de faire perdre aux marchandises importées leur caractère prohibé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme qu'à la suite d'un contrôle douanier de sept importations effectuées par la société Y..., du 7 novembre 1989 au 27 février 1990, de ris de jeunes bovins en provenance de Yougoslavie, les agents des Douanes ont constaté que ceux-ci avaient été commandés à une société américaine pour le compte de la société italienne Z..., dont X... détenait 20 % des parts sociales ; qu'après avoir été expédiées en Yougoslavie, où elles ont fait l'objet d'un reconditionnement et d'un nouvel étiquetage, les marchandises ont été vendues par la société Z... à la société A..., ayant son siège sur l'île de Man, puis revendues à la société Y... qui a déclaré en douane ces marchandises sous une fausse origine, pour éluder les mesures de prohibition à l'importation des viandes bovines originaires des Etats-Unis prises par une décision de la Commission de Bruxelles, en date du 15 décembre 1988, en raison d'un risque de présence de substances à effet hormonal ;
Attendu que l'enquête douanière a établi que le montant total des achats effectués par la société Y..., soit 9 090 213 francs, avait été versé sur un compte ouvert au crédit foncier de Monaco au nom de B... ; qu'une première partie de cette somme avait été virée au compte dont X... était titulaire à la même banque, une deuxième partie, au compte que l'épouse de ce dernier détenait à la BNP, agence du Louvre, à Paris, et une troisième partie au compte de la société Z..., ouvert à la " banca agricole " de Gorizza, en Italie ;
Attendu que X... est poursuivi pour fausses déclarations dans l'origine des marchandises ayant pour but ou pour effet d'éluder l'application de mesures de prohibition à l'importation ;
Attendu que le prévenu a saisi la juridiction correctionnelle d'une exception d'illégalité des décisions 89-15-CEE du 15 décembre 1988, suspendant, à compter du 1er janvier 1989, les importations de viandes bovines originaires des Etats-Unis et 89-356-CEE du 29 mai 1989, limitant ces mêmes importations aux viandes obtenues à partir d'animaux provenant d'exploitations d'élevage agréées par la Commission, prises en application des directives 88-146-CEE et 88-299-CEE des 7 mars et 17 mai 1988, ainsi que des avis aux importateurs des 25 janvier et 2 juin 1989, au motif que ces décisions étaient contraires aux articles 3 et 5 de l'accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires, dit " accord SPS ", régularisé dans le cadre du GATT ;
Attendu que, pour rejeter cette exception, les juges relèvent que les dispositions de l'accord SPS, directement négocié par la Communauté européenne, n'avaient pas d'effet direct dans l'ordre juridique interne des Etats membres ; qu'ils ajoutent que les avis aux importateurs des 25 janvier et 2 juin 1989 ont été régulièrement pris en application des décisions 89-15-CEE du 15 décembre 1988 et 89-356-CEE du 29 mai 1989 qui, à la date des faits, n'avaient été, ni rapportées par la Commission, ni invalidées par la Cour de justice des Communautés européennes ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations et dès lors que les décisions dont la validité est contestée ne renvoient pas à des dispositions précises de l'accord SPS et que celui-ci n'est pas, par lui-même, immédiatement applicable dans les ordres juridiques internes des parties contractantes, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 399, 410, 414, 426 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 31 janvier 2000 a déclaré X... coupable du délit de participation comme intéressé aux importations sans déclaration de marchandises prohibées et l'a condamné à une amende de 7 000 000 francs ;
" aux motifs que, en revanche, l'examen des flux financiers à l'issue des importations a révélé que X... avait été le principal bénéficiaire du produit de celles-ci, directement pour un montant de 3 145 452 francs porté au crédit de son compte ainsi que pour un montant de 715 000 francs retirés du compte de son épouse, et indirectement, par l'intermédiaire de la société Z... qui a perçu 3 922 050 francs et dans laquelle il est associé ; ayant eu un intérêt direct à la fraude le prévenu a participé comme intéressé au délit d'importation sans déclaration ;
" alors que l'auteur d'une déclaration d'origine inexacte encourt, non les peines prévues par l'article 414 du Code des douanes pour le délit d'importation sans déclaration, mais les seules peines prévues à l'article 410 du même Code, lorsqu'il a ignoré l'origine réelle des marchandises ou qu'il n'a pu raisonnablement la connaître ; qu'il résulte des propres mentions de l'arrêt attaqué que M. C..., auteur des déclarations d'importation litigieuses, ignorait la véritable provenance des marchandises, de sorte qu'il n'encourait que les peines prévues par les dispositions de l'article 410 du Code des douanes ; qu'en condamnant X..., reconnu coupable d'intéressé à la fraude, et qui à ce titre encourait les mêmes peines que l'auteur principal de la fraude, à des peines délictuelles prévues par l'article 414 du même Code, la cour d'appel de Paris a violé le principe susvisé, ensemble les textes précités " ;
Attendu que, pour déclarer X... coupable, après requalification des faits, de participation comme intéressé à un délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées et le condamner aux peines délictuelles prévues par l'article 414 du Code des douanes, les juges, par motifs adoptés, relèvent que " bien que n'apparaissant pas directement dans les échanges commerciaux qui ont conduit au mécanisme de fraude, le prévenu avait connaissance de la position venderesse de ris de jeunes bovins de la société Z... et de la demande de ce même produit des sociétés A... et Y... ; que son rôle consistait à trouver des clients pour la société Z... et qu'il n'ignorait pas l'origine des fonds importants portés au crédit de son compte bancaire " ; que les juges ajoutent qu'il a été le principal bénéficiaire du produit des importations et qu'il a eu un intérêt direct à la fraude ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que les arrêts sont réguliers en la forme ;
REJETTE les pourvois.