Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 122-14, L. 122-14-16, L. 412-18 du Code du travail ;
Attendu que M. Y... a été engagé le 15 septembre 1992 en qualité de boulanger par M. X... aux droits duquel vient la société Vincent ; qu'il a été nommé en qualité de conseiller du salarié par arrêté préfectoral du 1er juillet 1994, en application de l'article L. 122-14 du Code du travail ; que M. Y... a été licencié pour motif économique le 25 janvier 1995 sans qu'ait été obtenue une autorisation administrative de licenciement ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement notamment d'une somme correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection ;
Attendu que pour limiter à 20 000 francs la somme allouée à M. Y... en réparation du préjudice résultant de la violation de son statut protecteur, la cour d'appel, après avoir rappelé qu'en l'absence de texte prévoyant quelle doit être, dans une telle hypothèse, la sanction de la violation de la loi commise par l'employeur, la jurisprudence considère habituellement que le préjudice subi par le salarié doit être réparé par l'octroi d'une indemnité correspondant au montant des salaires qu'il aurait perçus jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours, a décidé que l'octroi d'une telle indemnité serait en l'espèce, disproportionné par rapport au dommage réellement subi, déjà réparé, en ce qui concerne les conséquences de la rupture, par l'octroi d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'il convient de tenir compte du fait que le licenciement n'a pas privé M. Y... de sa qualité de conseiller du salarié, celle-ci résultant de son inscription sur une liste établie par le préfet et n'étant pas conditionnée par l'exercice de fonctions salariées ;
Attendu, cependant d'abord, qu'il résulte des deux premiers textes susvisés que le licenciement d'un salarié inscrit sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département, chargé d'assister les salariés convoqués par leurs employeurs en vue d'un licenciement, est soumis à la procédure applicable aux délégués syndicaux ;
Et attendu, ensuite, que la sanction de la méconnaissance par l'employeur du statut protecteur d'un conseiller du salarié, dont le mandat n'est pas limité dans le temps, lorsque celui-ci ne demande pas sa réintégration, est, en application de l'article L. 122-14-16 du Code du travail, égale au moins à la rémunération que ce salarié aurait perçue jusqu'à la fin de la période de protection dans la limite de la durée de la protection du délégué syndical, soit douze mois de salaires à compter de son éviction de l'entreprise ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé par refus d'application les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ce qu'il a alloué une somme de 20 000 francs à M. Y... en réparation du préjudice résultant de la violation de son statut protecteur, l'arrêt rendu le 29 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.