Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 2 avril 1998), que l'Agence de l'eau Adour-Garonne (l'agence), qui n'avait pas déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire de la société Usine de Longchamp (la société) et dont la demande en relevé de forclusion a été rejetée, a assigné la société (bénéficiaire d'un plan de continuation) à laquelle elle imputait à faute l'omission de la mentionner sur la liste de ses créanciers, en réparation du préjudice occasionné par cette faute ;
Attendu que l'agence fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé, par substitution de motifs, le jugement en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il l'avait déboutée de sa demande tendant à la condamnation de la société à lui verser, à titre de dommages-intérêts, la somme de 1 789 653,09 francs, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, alors, selon le moyen :
1° que la demande tendant à l'allocation, sur un fondement délictuel, de dommages-intérêts compensant la perte d'une créance contractuelle et la demande en paiement de cette créance contractuelle n'ont ni même objet, ni même cause ; d'où il suit qu'en opposant à l'action en dommages-intérêts de l'agence, dirigée contre le débiteur soumis à une procédure collective, l'autorité de la chose jugée de la décision du tribunal de commerce de Castres ayant infirmé la décision du juge-commissaire qui avait accueilli sa requête en relevé de forclusion relative à sa créance contractuelle, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;
2° que l'existence d'une procédure collective ne fait pas obstacle aux actions tendant à la condamnation du débiteur au paiement de dommages-intérêts pour une cause postérieure à l'ouverture de la procédure collective ; que la faute commise par le débiteur qui omet de mentionner un créancier sur la liste certifiée de ses créanciers et du montant de ses dettes est à la source du préjudice subi par le créancier omis qui, en conséquence, à défaut d'obtenir un relevé de forclusion, peut agir en dommages-intérêts contre ledit débiteur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
3° que le fait ou la faute de la victime n'exonèrent totalement le défendeur de sa responsabilité que s'ils ont été imprévisibles et insurmontables pour lui, c'est-à-dire s'ils apparaissent comme la cause exclusive du dommage ; d'où il suit qu'en se fondant sur le seul fait de l'agence pour exonérer totalement la société de sa responsabilité, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
4° qu'en retenant que la lettre adressée le 9 avril 1993 par la société à l'agence prend soin de " confirmer " le dépôt de bilan, " ce qui peut, peut-être, donner à penser que ce dépôt avait déjà été annoncé ", la cour d'appel a statué par un motif dubitatif, méconnaissant ainsi les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt n'ayant pas constaté une fraude commise par le débiteur, l'agence n'était pas recevable à agir en réparation, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, du préjudice lié à l'extinction de sa créance ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux de la cour d'appel, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.