AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq avril deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de Me THOUIN-PALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... René, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 19 décembre 2000 qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée du chef de faux en écriture privée et usage, a annulé des actes de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 26 février 2001, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 1, du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 441-4 du Code pénal, 6. 1 du Code de procédure pénale, 6 1 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné l'annulation des pièces cotées D 31 à D 44, et a par là même refusé d'instruire sur les faits de faux reprochés par André X..., partie civile, au magistrat instructeur saisi de la procédure suivie à son encontre ;
" aux motifs que " dans tous les cas où elle est saisie de l'entier dossier de la procédure, la chambre d'accusation a le droit et le devoir d'examiner la régularité de la procédure qui lui est soumise, et de constater même d'office, les nullités des actes d'instruction entachés de vice ; qu'il en est ainsi en l'espèce, cette chambre étant saisie d'un appel sur une ordonnance de non-lieu ; que André X... a déposé plainte pour faux en écriture publique le 10 mars 2000 en soutenant que l'écriture et la signature d'une autorisation de prolongation de garde à vue n'émanaient pas du magistrat instructeur saisi ; qu'il a déposé deux expertises graphologiques qu'il avait demandées allant en ce sens ; que dans le cadre de l'autre instance où André X... était mis en examen, son conseil a déposé une requête en annulation fondée sur divers moyens, dont l'irrégularité de la prolongation de la garde à vue ; qu'aux termes de l'article 6. 1 du Code de procédure pénale, lorsqu'un crime ou un délit commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire impliquerait la violation d'une disposition de procédure pénale, l'action publique ne peut être exercée que si le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli a été constaté par une décision définitive de la juridiction répressive saisie ; qu'en l'espèce, la plainte déposée sur la base de l'article 441-4 du Code pénal, vise ceux qui auraient commis les faux, et notamment les autorités saisies de la procédure suivie contre André X... mis en examen de corruption passive par personne exerçant une fonction publique, trafic d'influence, faux, complicité, recel, atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité dans les marchés publics ; que ces irrégularités ont été soulevées dans le cadre d'une requête en annulation, requête rejetée par arrêt du
19 mai 2000, non définitif, car frappé de pourvoi ; que les faits allégués dans la plainte avec constitution de la partie civile impliquent la violation d'une disposition de procédure pénale, et que cette violation n'a pas été constatée par une décision définitive ; que dès lors, c'est en méconnaissance de la règle prévue par l'article 6. 1 du Code de procédure pénale que l'action publique a été exercée ; que cette méconnaissance affecte la validité de tous les actes d'exercice de l'action publique, donc de l'information ; qu'il y a donc lieu de prononcer la nullité de la procédure à compter du réquisitoire introductif (D31) jusqu'à l'ordonnance de non-lieu (cote D44) ;
" alors que les dispositions de l'article 6. 1 du Code de procédure pénale, qui interdisent à la partie civile victime d'un crime ou d'un délit susceptibles d'avoir été commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire, d'exercer l'action publique tant que le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli à cette occasion n'a pas été constaté par une décision définitive de la juridiction répressive saisie, sont incompatibles avec les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que René X... a été mis en examen des chefs notamment, de corruption passive par personne exerçant une fonction publique, trafic d'influence et atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité dans les marchés publics ;
Attendu que dans le cadre de ce dossier, il a été placé en garde à vue le 10 février 1998 à 8 heures ; que cette mesure a été prolongée le même jour par Mme Y..., juge d'instruction ;
Attendu que, selon l'intéressé qui a produit deux analyses graphologiques réalisées à sa demande, l'écriture et la signature figurant sur la prolongation de sa garde à vue n'émaneraient pas du magistrat instructeur ; qu'en conséquence, René X... a, le 10 mars 2000, déposé plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction de Versailles, contre personne non dénommée, du chef de faux et usage de faux en écriture publique ; qu'une information a été ouverte ;
Attendu qu'après audition de Mme Y..., qui a reconnu son écriture sur le document incriminé, et après rejet d'une demande d'expertise de la pièce arguée de faux, une ordonnance de non-lieu a été rendue, le 5 juillet 2000 ; que, sur appel de la partie civile, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles a considéré que l'action publique avait été exercée en méconnaissance de l'article 6. 1 du Code de procédure pénale et a prononcé la nullité de la procédure à compter du réquisitoire introductif et jusqu'à l'ordonnance de non-lieu, par arrêt du 19 décembre 2000 ;
En cet état :
Attendu que, pour annuler " tous les actes d'exercice de l'action publique " accomplis dans le dossier précité, la chambre d'accusation énonce que, conformément à l'article 6. 1 du Code de procédure pénale, lorsqu'un crime ou un délit commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire impliquerait la violation d'une disposition de procédure pénale, l'action publique ne peut être exercée que si le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli a été constaté par une décision définitive de la juridiction répressive saisie ; que les juges constatent que tel n'est pas le cas en l'espèce ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs invoqués ;
Qu'en effet, l'article 6. 1 du Code de procédure pénale n'est pas incompatible avec les dispositions des articles 6. 1 et 13 de la Convention européenne, dès lors que la personne concernée dispose d'un recours judiciaire préalable en annulation des actes argués d'illégalité ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Sassoust conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;