CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Daniel,
contre l'arrêt n° 371 de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 11 mai 2000, qui, pour mise en danger délibérée d'autrui et utilisation illicite d'engin motorisé conçu pour la progression sur neige, l'a condamné à 1 mois d'emprisonnement avec sursis et à deux amendes de 10 000 et 5 000 francs.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Daniel X... exploite, au col du Mont-Cenis, un hôtel-restaurant qui n'est accessible, en période hivernale, par aucune voie routière ouverte à la circulation ;
Qu'ayant été verbalisé, le 30 janvier 1999, à 14 heures, alors qu'il circulait avec une dameuse aménagée en moto-neige sur les pistes de ski de la station de Val-Cenis, pendant les heures d'ouverture de celles-ci, il est poursuivi pour avoir utilisé à des fins de loisirs un engin motorisé conçu pour la progression sur neige et avoir exposé directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce un arrêté municipal du 20 octobre 1988 ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 3 de la loi du 3 janvier 1991, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Daniel X... coupable d'avoir utilisé un engin motorisé conçu pour la progression sur neige, le 18 mars 1999, à des fins de loisirs ;
" au motif que l'article 3 de la loi du 3 janvier 1991 interdit l'utilisation, à des fins de loisirs, des engins conçus pour la progression sur neige ; que la loi ne formule aucune distinction selon la situation personnelle de l'utilisateur des motos-neige et édicte une interdiction générale, étant relevé que, par fins de loisirs, il faut nécessairement entendre l'activité consistant au ravitaillement d'un établissement destiné à nourrir et héberger les touristes ; que les époux X... disposent d'une résidence secondaire à Lanslebourg, de sorte qu'il leur est possible, pour une période limitée, de résider ailleurs qu'au col du Mont-Cenis et qu'il leur est loisible d'emprunter les remontées mécaniques, dont l'une se termine à un kilomètre de leur établissement, de sorte que le fonctionnement de leur établissement ne nécessite pas obligatoirement le recours à leurs engins ;
" alors qu'il résulte des propres constatations des juges du fond que les époux X... exploitent un hôtel-restaurant et commerce divers au col du Mont-Cenis sur la RN 6, lequel constitue leur résidence principale, que la route est fermée l'hiver, que ne peut être considérée comme un accès normal à l'établissement l'existence d'un téléski qui n'est ouvert qu'à certaines heures, dont l'arrivée se trouve à un kilomètre, qui, de toute façon, n'est d'aucune utilité pour la descente, que la présence des exploitants d'un hôtel-restaurant en altitude ne peut être que constante, qu'ainsi la desserte de l'établissement afin de le ravitailler et de le faire fonctionner est nécessaire et ne peut être effectuée que par des engins motorisés ; que l'activité de l'établissement n'est donc pas une activité de loisirs pour ses exploitants, qui ne contreviennent donc pas à l'interdiction posée par l'article 3 de la loi du 3 janvier 1991, qui ne vise que l'utilisation des engins à des fins de loisirs " ;
Vu les articles 3 de la loi du 3 janvier 1991 et 1er du décret du 20 mars 1992 ;
Attendu que, selon ces textes, l'utilisation d'engins motorisés conçus pour la progression sur neige n'est interdite que si elle a lieu à des fins de loisirs ;
Attendu que, pour déclarer Daniel X... coupable d'avoir utilisé, à des fins de loisirs, un engin motorisé conçu pour la progression sur neige, contravention prévue et réprimée par l'article 3 de la loi du 3 janvier 1991 et l'article 1er du décret du 20 mars 1992, et écarter son argumentation selon laquelle il effectuait des transports nécessaires à son exploitation commerciale, l'arrêt, après avoir relevé qu'il appartenait au prévenu d'utiliser les remontées mécaniques de la station, énonce que, " par fins de loisirs, au sens de l'article 3 de la loi du 3 janvier 1991, il faut nécessairement entendre l'activité consistant au ravitaillement d'un établissement destiné à nourrir et héberger les touristes " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que cette activité présente, à l'égard de l'exploitant d'un hôtel-restaurant d'altitude, un caractère professionnel, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 223-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a retenu la prévention de mise en danger d'autrui pour violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence, le 30 janvier 1999, en circulant avec une dameuse aménagée sur les pistes de ski de la station Val-Cenis pendant les heures d'ouverture de celle-ci ;
" au motif qu'il a été constaté par les verbalisateurs que, pour rejoindre Lanslebourg, le prévenu a créé une situation dangereuse pour les skieurs, dans la mesure où il a emprunté deux pistes de ski, dont l'une, de couleur verte, est fréquentée par des débutants qui ont des difficultés pour s'arrêter et éviter les obstacles, et ce, alors que son engin ne dispose d'aucun dispositif de signalisation lumineuse et sonore pour se faire entendre des usagers des pistes ;
" alors que le simple fait d'emprunter une piste de ski hors des heures prévues par arrêté municipal avec une chenillette dameuse n'est pas, à lui seul, susceptible d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité et de prudence imposée par la loi ou le règlement ; qu'il appartenait donc aux juges du fond de caractériser ce manquement par l'énonciation de circonstances de fait, de nature à constituer l'infraction ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué manque de base légale " ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 223-1 du Code pénal ;
Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ;
Attendu que, pour déclarer Daniel X... coupable du délit de mise en danger délibérée d'autrui, les juges, après avoir rappelé qu'un arrêté du maire interdit l'utilisation d'engins à moteur sur les pistes du domaine skiable pendant les heures d'ouverture, énoncent que le prévenu a créé une situation dangereuse pour les skieurs en empruntant deux pistes de ski, dont l'une est fréquentée par des débutants ayant des difficultés pour s'arrêter et éviter les obstacles, alors que son engin ne dispose d'aucun dispositif de signalisation lumineuse et sonore pour les avertir de son approche ;
Qu'ils ajoutent que le comportement du prévenu, qui a été vu à maintes reprises circulant sur les pistes dans les mêmes conditions, constitue une violation manifestement délibérée des obligations particulières imposées par l'arrêté municipal pour la sécurité des usagers des pistes et qu'ainsi le prévenu a exposé directement autrui à un risque de mort ou de blessures, au sens de l'article 223-1 du Code pénal ;
Mais attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, sans préciser les circonstances de fait, tirées de la configuration des lieux, de la manière de conduire du prévenu, de la vitesse de l'engin, de l'encombrement des pistes, des évolutions des skieurs ou de toute autre particularité de l'espèce, caractérisant le risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente auquel le prévenu, par la violation de l'arrêté municipal constatée au procès-verbal, a exposé directement autrui, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est de nouveau encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 11 mai 2000, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble.