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27/02/2001 | FRANCE | N°99-18646

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 février 2001, 99-18646


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mai 1999), que la société Lagardère SCA (la société Lagardère), à l'occasion d'une offre publique d'échange sur les actions et les obligations convertibles de sa filiale Matra Hachette réalisée au début de l'année 1994, a émis, pour rémunérer les titres apportés à cette offre, des actions et obligations convertibles nouvelles auxquelles était attaché un bon de souscription d'actions, donnant la faculté de souscrire deux actions Lagardère pour cinq bons de souscription ; que la société ABC Arbitrage, faisant valoir qu'elle avait

exercé un certain nombre de bons de souscription entre le 31 janvier et...

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mai 1999), que la société Lagardère SCA (la société Lagardère), à l'occasion d'une offre publique d'échange sur les actions et les obligations convertibles de sa filiale Matra Hachette réalisée au début de l'année 1994, a émis, pour rémunérer les titres apportés à cette offre, des actions et obligations convertibles nouvelles auxquelles était attaché un bon de souscription d'actions, donnant la faculté de souscrire deux actions Lagardère pour cinq bons de souscription ; que la société ABC Arbitrage, faisant valoir qu'elle avait exercé un certain nombre de bons de souscription entre le 31 janvier et le 30 juin 1997, sans que des distributions de dividendes imputés sur le compte primes d'apport, décidées par la société Lagardère pour les exercices 1993 et 1994 n'aient donné lieu à un ajustement des droits de souscription d'actions attachés aux bons, l'a assignée pour obtenir l'attribution d'un nombre d'actions supplémentaires correspondant à l'ajustement auquel il aurait dû, selon elle, être procédé ; que la société Lagardère ayant contesté la recevabilité de cette action, le Tribunal, par un premier jugement du 4 mars 1998, a dit l'action recevable et par un second jugement du 10 juin 1998 a dit la société ABC Arbitrage, recevable mais mal fondée ; que la cour d'appel a confirmé ce dernier jugement sur la recevabilité et, réformant au fond, a fait droit partiellement aux demandes de la société ABC Arbitrage ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Lagardère reproche à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action de la société ABC Arbitrage alors, selon le moyen :

1° que la société Lagardère, qui selon les constatations mêmes de l'arrêt, ne pouvait faire appel immédiat du jugement du 4 mars 1998 qui statuant sur une fin de recevoir ne mettait pas fin à l'instance, et qui ne pouvait, faute d'intérêt, faire appel du jugement du 10 juin 1998, pouvait, après appel principal du jugement du 10 juin 1998 par la société ABC Arbitrage, faire appel du jugement du 4 mars 1998 sur la recevabilité à agir de l'adversaire, en la forme de son appel incident sur l'appel principal, si bien qu'en décidant que le dispositif du jugement du 4 mars 1998 sur la recevabilité à agir de la société ABC Arbitrage n'aurait pas été déféré à la cour d'appel, l'arrêt a violé les articles 543, 545, 546 et 551 du nouveau Code de procédure civile ;

2° que seul le possesseur des bons au moment de la distribution des dividendes souffre le préjudice en raison de la diminution de valeur de négociation ou d'exercice des bons et est donc recevable à agir en réparation de ce préjudice si bien qu'en jugeant qu'il importait peu que l'acquisition des bons en cause ait été postérieure aux distributions de dividendes au titre desquelles il lui était fait grief de ne pas avoir procédé à l'ajustement des conditions de souscription des actions, la cour d'appel a privé sa décision de fondement légal au regard des articles 31 et 32 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que bien qu'ayant déclaré qu'elle n'était pas saisie de l'appel de la disposition du jugement du 4 mars 1998 ayant déclarée recevable l'action de la société ABC Arbitrage et que cette question ne pouvait être remise en discussion, la cour d'appel ne l'en a pas moins examinée de la même manière qu'elle l'eût fait si elle s'en était jugé saisie ; que dès lors, la société Lagardère est sans intérêt à contester les motifs par lesquels la cour d'appel a dit que le jugement du 4 mars 1998 ne lui était pas déféré en tant qu'il a déclaré recevable l'action de la société ;

Attendu, en second lieu, que pour apprécier l'intérêt à agir de la société ABC Arbitrage, la cour d'appel a retenu qu'ayant acquis régulièrement la qualité de porteur de bons de souscription d'actions émis par la société Lagardère, la société ABC Arbitrage poursuivait la réparation du dommage personnellement et directement subi lors de l'exercice desdits bons, en raison de la délivrance par la société émettrice d'un nombre d'actions inférieur à celui qu'elle prétendait lui être dû ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé en la seconde ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Lagardère reproche à l'arrêt d'avoir jugé qu'elle avait engagé sa responsabilité contractuelle envers la société ABC Arbitrage et de l'avoir condamnée à lui verser diverses indemnités alors, selon le moyen :

1° qu'il résulte des termes mêmes de l'article 194-5 de la loi du 24 juillet 1966 que la distribution de primes d'apport, qui sont liées au capital, doit être distinguée de la distribution de réserves, qui sont des sommes prélevées sur les bénéfices, si bien que la cour d'appel, qui, au mépris de l'application stricte de ce texte qu'imposaient ses sanctions pénales, a donné aux primes d'apport le caractère de réserves et a jugé que la distribution des primes d'apport imposait la réservation de droits des porteurs de bons ou l'ajustement des conditions de souscription, a violé les dispositions de l'article 194-5 de la loi du 24 juillet 1966 ;

2° qu'elle avait montré que dans l'esprit du texte, la réservation des droits des porteurs de bons ou l'ajustement des conditions de souscription ne se justifiait que dans l'hypothèse d'un appauvrissement de la société émettrice et d'une perte de substance des titres autre que celle résultant de la distribution du dividende annuel ; qu'elle avait fait valoir que s'agissant d'une distribution de dividendes d'une pure société holding, qui ne distribuait conformément aux usages de la place que 30 % à 40 % du montant du résultat consolidé du groupe, on ne pouvait parler d'appauvrissement du groupe et donc de perte de valeur du titre ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui, sans réfuter le fait que les sommes mises en distribution étaient très inférieures aux résultats consolidés, et que la société émettrice n'avait subi aucun appauvrissement, a pourtant jugé qu'il y avait lieu à ajustement des conditions de souscription fixées à l'origine a faussement appliqué les dispositions de l'article 194-5 de la loi du 24 juillet 1966 et, sans caractériser le préjudice subi par les porteurs des bons de sousctiption du fait de la distribution par la société émettrice du dividende de l'exercice imputé sur les primes d'apport, n'a pas légalement caractérisé la réunion des conditions de sa responsabilité contractuelle et partant n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est à bon droit que l'arrêt retient que les dispositions de l'article 194-5 de la loi du 24 juillet 1966 devenu l'article L. 225-154 du Code de commerce, destinées à préserver les intérêts des titulaires de valeurs mobilières donnant droit à l'attribution d'actions s'appliquent à toute opération affectant les fonds propres susceptible d'entraîner pour la société émettrice une perte de substance impliquant une baisse de la valeur des actions et en particulier à la mise en distribution d'un dividende prélevé, non sur les bénéfices, mais sur les primes liées au capital ;

Attendu, en second lieu, que c'est souverainement et par une décision motivée que la cour d'appel a retenu l'existence du préjudice subi par la société ABC Arbitrage ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Lagardère reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer diverses indemnités à la société ABC Arbitrage alors, selon le moyen, qu'en se bornant à évaluer le montant du préjudice, sans justifier, en réfutation de ses conclusions faisant valoir que seul le possesseur des bons de souscription au moment de la distribution des dividendes souffre le préjudice en raison de la diminution de valeur de négociation ou d'exercice des bons, de ce que la société ABC Arbitrage, qui n'avait jamais établi être possesseur des bons de souscription antérieurement à la distribution des dividendes, avait personnellement subi l'entier préjudice, c'est-à-dire avait acquis les bons à une valeur qui n'était pas celle de ces mêmes bons lors de l'exercice de ceux-ci et de la délivrance d'actions correspondantes, la cour d'appel a privé sa décision de fondement légal au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que le préjudice consiste pour le titulaire de bons de souscription dans l'obtention lors de l'exercice du droit de souscription, d'un nombre d'actions inférieur à celui auquel il pouvait prétendre en vertu du contrat d'émission, si les ajustements nécessaires au maintien des droits des titulaires de bons avaient été effectués ; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 99-18646
Date de la décision : 27/02/2001
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° ACTION EN JUSTICE - Intérêt - Société - Société anonyme - Augmentation de capital - Bon de souscription - Action introduite par un porteur.

1° Justifie légalement sa décision l'arrêt qui, pour apprécier l'intérêt à agir d'une société ayant exercé des bons de souscription d'actions, attachés aux actions et obligations convertibles nouvelles émises par une société mère pour rémunérer les titres apportés à l'occasion d'une offre publique d'échange sur les actions et obligations convertibles de sa filiale et donnant la faculté de souscrire deux actions de la société mère pour cinq bons de souscription, retient que cette société a acquis régulièrement la qualité de porteur de bons de souscription d'actions émis par la société mère et qu'elle poursuit la réparation du dommage personnellement et directement subi lors de l'exercice desdits bons, en raison de la délivrance par la société émettrice d'un nombre d'actions inférieur à celui qu'elle prétendait lui être dû.

2° SOCIETE ANONYME - Augmentation de capital - Bon de souscription - Protection du titulaire - Champ d'application - Opération affectant les fonds propres.

2° SOCIETE ANONYME - Augmentation de capital - Bon de souscription - Protection du titulaire - Champ d'application - Dividende prélevé sur les primes liées au capital 2° SOCIETE ANONYME - Augmentation de capital - Bon de souscription - Dividende prélevé sur des primes d'apport - Réservation des droits ou ajustement - Nécessité.

2° Les dispositions de l'article 194-5 de la loi du 24 juillet 1966 devenu l'article L. 225-154 du Code de commerce, destinées à préserver les intérêts des titulaires de valeurs mobilières donnant droit à l'attribution d'actions, s'appliquent à toute opération affectant les fonds propres susceptible d'entraîner pour la société émettrice une perte de substance impliquant une baisse de la valeur des actions et en particulier à la mise en distribution d'un dividende prélevé non sur les bénéfices mais sur les primes liées au capital. Dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a jugé que la distribution de dividendes prélevés sur des primes d'apport imposait la réservation des droits des porteurs de bons ou l'ajustement des conditions de souscription.

3° SOCIETE ANONYME - Augmentation de capital - Bon de souscription - Dividende prélevé sur des primes d'apport - Ajustement non effectué - Préjudice - Infériorité du nombre d'actions.

3° L'arrêt qui, pour prononcer des condamnations en paiement d'indemnités au profit de la société porteur de bons, retient que le préjudice consiste pour le titulaire de bons de souscription, dans l'obtention d'un nombre d'actions inférieur à celui auquel il pouvait prétendre en vertu du contrat d'émission, si les ajustements nécessaires au maintien des droits des titulaires de bons avaient été effectués, est légalement justifié.


Références :

2° :
2° :
Code de commerce L225-154
Loi 66-537 du 24 juillet 1966 Art. 194-5

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 mai 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 27 fév. 2001, pourvoi n°99-18646, Bull. civ. 2001 IV N° 45 p. 41
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2001 IV N° 45 p. 41

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Dumas .
Avocat général : Avocat général : M. Viricelle.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Métivet.
Avocat(s) : Avocats : M. Choucroy, Mme Thouin-Palat.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:99.18646
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