Attendu, selon l'arrêt déféré, que le voilier " Virus " de M. X..., le long duquel s'était amarré à couple le voilier " Moheli " exploité par la société Nautiloc, a été endommagé par la chute de ce dernier lors d'une marée descendante ; qu'après avoir partiellement indemnisé M. X..., le Groupe des assurances nationales GAN (le GAN), son assureur, a assigné en paiement les sociétés Commerciale union assurances (Union assurances) et Axa assurances (Axa), assureurs de la société Nautiloc ; que la cour d'appel a partiellement accueilli ces demandes ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Attendu que M. X... et le GAN reprochent à l'arrêt d'avoir dit que la limite de responsabilité de la société Nautiloc s'élevait à 657 145 francs et d'avoir, en conséquence, limité la condamnation respective des sociétés Union assurances et Axa à la somme de 328 572,50 francs, alors, selon le moyen, que celui, qui entend bénéficier de la limitation de responsabilité prévue par les dispositions de la loi du 3 janvier 1967, a l'obligation de constituer un fonds de limitation à hauteur d'une somme correspondant aux limites de sa responsabilité ; que dès lors, en décidant que la constitution du fonds de limitation était facultative, la cour d'appel a violé l'article 62 de la loi du 3 janvier 1967, ensemble les articles 59 et suivants du décret du 27 octobre 1967 ;
Mais attendu que le bénéfice de la limitation de responsabilité prévu par l'article 58 et suivants de la loi du 3 janvier 1967 n'est pas subordonné à la constitution du fonds de limitation prévu à l'article 62 de cette même loi ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Axa reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au GAN et à M. X... la somme de 328 572,50 francs, alors, selon le moyen :
1° que la police n'avait vocation à s'appliquer que pour les sinistres survenus à l'occasion des activités professionnelles déclarées par l'assuré, lesquelles étaient le négoce ou la location de navires de plaisance ainsi que l'entretien ou la réparation de ces navires ; qu'en déclarant que le sinistre entrait bien dans le champ de la garantie au motif qu'il était survenu " au cours de navigation ou à l'occasion de celle-ci ", la cour d'appel a dénaturé la police litigieuse en violation de l'article 1134 du Code civil ;
2° qu'en énonçant encore que la police était applicable au seul motif que le sinistre était survenu " en cours de navigation ou à l'occasion de celle-ci ", et que la société Nautiloc, locataire du Moheli en vertu d'un contrat de crédit-bail, " pouvait en disposer et le sous-louait à des plaisanciers dans le cadre de ses activités commerciales ", sans constater, comme il le lui était demandé, qu'en l'espèce, le 1er juillet 1994, le sinistre était survenu dans le cadre d'une activité professionnelle déclarée à son assureur de location de navires à des plaisanciers ou dans celui des activités commerciales de l'assuré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé, par une interprétation que l'ambiguïté du contrat rendait nécessaire, que la garantie de la police était étendue aux conséquences pécuniaires de la responsabilité encourue par l'assuré en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers en cours de navigation du fait des navires confiés à l'assuré dans le cadre de ses activités lorsque ces navires sont conduits par l'assuré, l'arrêt, qui a retenu que le sinistre s'était produit au cours d'une navigation et était la conséquence d'une faute professionnelle du gérant de la société Nautiloc a, sans être tenu d'effectuer d'autres recherches, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 58, alinéa 2, et 69 de la loi du 3 janvier 1967 ;
Attendu que, pour faire application des dispositions limitatives de responsabilité, l'arrêt retient que si le gérant de la société Nautiloc a, en effectuant une manoeuvre d'amarrage qualifiée par l'expert d'imprudente et de délicate, en s'affranchissant du respect des règles de l'art, et en négligeant de surveiller le Moheli au cours de son échouage, commis plusieurs fautes, aucun élément ne démontrait pour autant que ce dernier avait conscience du caractère inéluctable du sinistre ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher si, en sa qualité de professionnel du nautisme, le capitaine du Moheli devait avoir conscience qu'un dommage résulterait probablement d'un tel comportement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen unique du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fait application des dispositions limitatives de responsabilité prévues par les articles 58 et 69 de la loi du 3 janvier 1967, l'arrêt rendu le 3 juin 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.