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13/02/2001 | FRANCE | N°98-23501

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 février 2001, 98-23501


Sur le moyen unique :

Vu l'article 234 du traité instituant la Communauté européenne ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 octobre 1998), que la société Borie Manoux a introduit un recours contre la décision du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle, en date du 8 juillet 1997, ayant rejeté la demande d'enregistrement de la marque " Les Cadets d'Aquitaine " pour des vins du Bergeracois, décision fondée sur les dispositions du règlement CEE n° 2392/89 du Conseil, du 24 juillet 1989, établissant des règles générales pour la désigna

tion et la présentation des vins et des moûts de raisin ;

Attendu que la socié...

Sur le moyen unique :

Vu l'article 234 du traité instituant la Communauté européenne ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 octobre 1998), que la société Borie Manoux a introduit un recours contre la décision du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle, en date du 8 juillet 1997, ayant rejeté la demande d'enregistrement de la marque " Les Cadets d'Aquitaine " pour des vins du Bergeracois, décision fondée sur les dispositions du règlement CEE n° 2392/89 du Conseil, du 24 juillet 1989, établissant des règles générales pour la désignation et la présentation des vins et des moûts de raisin ;

Attendu que la société Borie Manoux fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 40 du règlement communautaire n° 2392/89 du 24 juillet 1989, que le dépôt à titre de marque d'un nom géographique pour des vins et des moûts de raisins reste libre sous réserve de ne pas tomber dans l'une des interdictions visées par ce texte qui sont destinées à éviter, d'une part, toute tromperie sur l'origine, la qualité ou la nature du produit et, d'autre part, tout risque de confusion avec une désignation réglée par des dispositions communautaires ; que l'article 11 du même règlement prévoit quant à lui simplement la possibilité (sans en faire une obligation), pour un vin de qualité produit dans une région déterminée (VQPRD), de compléter la désignation sur l'étiquetage par le nom d'une unité géographique plus restreinte déterminée dans certaines conditions ; qu'en retenant en l'espèce par principe que pour les VQPRD la mention de cette région ne pouvait être complétée que par l'indication du nom d'une unité géographique plus restreinte ayant fait l'objet d'une délimitation positive en vertu d'une disposition nationale et qu'en conséquence était illicite la mention Aquitaine dans la marque les " Cadets d'Aquitaine " dès lors que cette mention ne constituait pas une référence géographique dont l'usage est prévu par une loi nationale ou un texte communautaire, sans même rechercher ou préciser en quoi la mention du terme Aquitaine, dans la marque " Les Cadets d'Aquitaine " déposée pour désigner " des vins d'appellation d'origine en provenance de la région d'Aquitaine ", était de nature à créer une tromperie sur l'origine, la qualité ou la nature du produit ou un risque de confusion avec une désignation communautaire ou nationale, la cour d'appel a violé ensemble les articles 11, 40 du règlement n° 2392/89 du 24 juillet 1989, L. 711-3 et L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'article 11 du règlement précité, dans son paragraphe 1, fixe des règles selon lesquelles les indications obligatoires doivent figurer au titre de la désignation sur l'étiquetage ; que ces indications obligatoires comprennent le nom de la région déterminée dont provient le vin ; que, selon l'article 11, paragraphe 2, la désignation sur l'étiquetage peut être complétée par l'indication de certaines informations, notamment d'une marque, dans les conditions prévues à l'article 40 ; que, selon l'article 40, paragraphe 2, lorsque la désignation, la présentation et la publicité se référant aux produits visés par le règlement sont complétées par des marques, celles-ci ne peuvent pas contenir de mots, parties de mots, signes ou illustrations qui soient de nature à créer des confusions ou à induire en erreur les personnes auxquelles elles s'adressent, au sens du paragraphe 1, c'est-à-dire, en ce qui concerne les indications prévues notamment à l'article 11 et les propriétés des produits, telles que, notamment, la nature, l'origine ou la provenance ; qu'enfin, selon l'article 12, paragraphe 1, du même règlement, les indications visées à l'article 11 sont les seules admises pour la désignation d'un vin de qualité produit dans une région déterminée sur l'étiquetage ; que la Cour d'appel constate que la marque dont l'enregistrement était demandé, pour des vins de la région de l'Aquitaine, comporte le nom géographique Aquitaine, mention dont l'usage n'est pas prévu en application des dispositions de l'article 11 du règlement précité ;

Attendu que, dans un arrêt du 25 février 1981 (W...), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit, s'agissant des dispositions similaires des articles 8, 18 et 43 du règlement n° 355/79 du Conseil du 5 février 1979, établissant les règles générales pour la désignation et la présentation des vins et des moûts de raisins, que les termes " indications susceptibles de créer des confusions ", " confusion " et " opinion erronée " devaient être entendus comme visant des désignations susceptibles d'être confondues avec des indications relatives à un lieu-dit déterminé, mais encore toutes désignations susceptibles de faire croire au public qu'il s'agit du nom, ou de la partie du nom d'une localité viticole en réalité inexistante, ou de la désignation d'un lieu-dit en réalité inexistant ; que le présent litige pose la question de savoir si l'article 40 du règlement n° 2392/89 doit être interprété en ce sens qu'est interdit le dépôt à titre de marque pour les produits visés au règlement d'une mention géographique dont l'usage n'est pas prévu par l'article 11, même lorsque l'enregistrement d'une telle marque n'est pas de nature à tromper le consommateur sur la provenance du vin et ne suscite aucune confusion avec une dénomination géographique enregistrée, dans la mesure où un tel enregistrement pouvait laisser supposer que la mention géographique en cause, relative à la région où ce vin est effectivement produit mais qui recouvre d'autres appellations d'origine, fait l'objet d'une protection ; qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur ce point jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée ;

PAR CES MOTIFS :

RENVOIE à la Cour de justice des Communautés européennes aux fins de dire si l'article 40 du règlement n° 2392/89 doit être interprété en ce sens qu'est interdit le dépôt à titre de marque pour les produits visés au règlement d'une mention géographique dont l'usage n'est pas prévu par l'article 11, même lorsque l'enregistrement d'une telle marque n'est pas de nature à tromper le consommateur sur la provenance du vin et ne suscite aucune confusion avec une dénomination géographique enregistrée, dans la mesure où un tel enregistrement pouvait laisser supposer que la mention géographique en cause, relative à la région où ce vin est effectivement produit mais qui recouvre d'autres appellations d'origine, fait l'objet d'une protection ;

SURSOIT à STATUER sur le pourvoi jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 98-23501
Date de la décision : 13/02/2001
Sens de l'arrêt : Sursis à statuer et renvoi devant la cour de justice des communautés européennes
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Marque - Vin - Dépôt d'une mention géographique - Conditions - Article 40 du règlement n° 2392/89 - Interprétation - Renvoi devant la Cour de justice des Communautés européennes .

MARQUE DE FABRIQUE - Dépôt - Vin - Dépôt d'une mention géographique - Conditions - Article 40 du règlement n° 2392/89 - Interprétation - Renvoi devant la Cour de justice des Communautés européennes

CASSATION - Arrêt - Arrêt de sursis à statuer - Renvoi préjudiciel devant la Cour de justice des Communautés européennes - Règlement n° 2392/89 du 24 juillet 1989

VINS - Marque - Nom géographique - Dépôt - Conditions - Article 40 du règlement n° 2392/89 - Interprétation - Renvoi devant la Cour de justice des Communautés européennes

Dès lors que, dans un arrêt du 25 février 1981 (W...), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit, s'agissant des dispositions des articles 8, 18 et 43 du règlement n° 355/79 du Conseil du 5 février 1979, établissant les règles générales pour la désignation et la présentation des vins et des moûts de raisins, que les termes " indications susceptibles de creér des confusions ", " confusion " et " opinion erronée " devaient être entendus comme visant des désignations susceptibles d'être confondues avec des indications relatives à un lieu-dit déterminé, mais encore toutes désignations susceptibles de faire croire au public qu'il s'agit du nom, ou de la partie du nom d'une localité viticole en réalité inexistante, ou de la désignation d'un lieu-dit en réalité inexistant, se pose la question de savoir si l'article 40 du règlement n° 2392/89 du Conseil, du 24 juillet 1989, établissant des règles générales pour la désignation et la présentation des vins et des moûts de raisin, dont les dispositions sont similaires, doit être interprété en ce sens qu'est interdit le dépôt à titre de marque pour les produits visés au règlement d'une mention géographique dont l'usage n'est pas prévu par l'article 11, même lorsque l'enregistrement d'une telle marque n'est pas de nature à tromper le consommateur sur la provenance du vin et ne suscite aucune confusion avec une dénomination géographique enregistrée, dans la mesure où un tel enregistrement laisse supposer que la mention géographique en cause, relative à la région où ce vin est effectivement produit mais qui recouvre d'autres appellations d'origine, fait l'objet d'une protection. Il y a lieu, en conséquence, de renvoyer cette question à la Cour de justice des Communautés européennes et de surseoir à statuer sur ce point jusqu'à ce que cette Cour se soit prononcée.


Références :

Règlement 2392-89 du 24 juillet 1989 art. 40

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 26 octobre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 fév. 2001, pourvoi n°98-23501, Bull. civ. 2001 IV N° 35 p. 33
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2001 IV N° 35 p. 33

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Dumas .
Avocat général : Avocat général : M. Feuillard.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Huglo.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Thomas-Raquin et Benabent, M. Bertrand.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:98.23501
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