AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean-Pierre X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 décembre 1998 par la cour d'appel de Dijon (Chambre sociale), au profit :
1 / de la Fédération enfance inadaptée, dont le siège est ... de Lattre, 52015 Chaumont Cedex,
2 / du préfet de région, Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) de Châlon-en-Champagne, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 décembre 2000, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Soury, conseiller référendaire rapporteur, M. Texier, Mme Quenson, conseillers, Mme Maunand, conseiller référendaire, M. Kehrig, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Soury, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X..., de Me Foussard, avocat de la Fédération enfance inadaptée, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 212-4 du Code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur ;
Attendu que M. X..., directeur-adjoint de l'Institut médico-éducatif de Chaumont-Brottes, a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement d'un rappel de salaire au titre des permanences effectuées par lui entre novembre 1992 et avril 1997 ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande, l'arrêt attaqué énonce qu'il est constant qu'en sa qualité de directeur-adjoint, ce dernier devait assumer une permanence de responsabilité générale de l'établissement organisée entre les cadres ; qu'il ressort d'une note de service du 25 octobre 1989 que cette permanence s'analysait en une astreinte à domicile, en dehors des heures de service ; que les charges consistaient "en une réponse et prise de décision par rapport à des événements nécessitant l'intervention d'un cadre" ; que le salarié ne conteste pas qu'il bénéficiait d'un logement au sein de l'institut ; qu'en 1992, il a pris la décision de déménager pour habiter dans une commune distante de 55 km de l'institut ; qu'il est constant que le salarié a transféré son domicile alors qu'il n'ignorait pas les contraintes de service pesant sur lui ; qu'il ne peut sérieusement soutenir qu'il pouvait assurer sa permanence de responsabilité avec un tel éloignement ; qu'en conséquence, la note du directeur en date du 5 novembre 1992 indiquant "qu'après étude des astreintes assurées par l'équipe des cadres de l'Institut médico-éducatif de Chaumont-Brottes, il en ressort que celles-ci s'effectueront sur le site de l'établissement du lundi 7 heures au vendredi 20 heures" n'a pas modifié la situation contractuelle antérieure ; que la mise à disposition d'un studio servant de local de permanence a seulement permis au salarié d'assurer les conditions d'exercice de l'astreinte qui pesait antérieurement sur lui ; qu'en sa qualité de directeur-adjoint, il était statutairement tenu, en vertu de l'article 23 du décret du 1er octobre 1980, de résider dans l'établissement, obligation qui a été respectée jusqu'en 1992 ; que pendant les astreintes, le salarié pouvait librement vaquer à des occupations personnelles ; qu'il était seulement tenu à des interventions ponctuelles ; qu'ayant délégation pour assumer la responsabilité pesant sur l'employeur lors de ces astreintes, il lui suffisait de pouvoir être joint afin de donner toutes instructions ou décider de se déplacer ; que ces astreintes ne peuvent donc être assimilées à un temps de travail effectif au sens de l'article L. 212-4, alinéa 1er, du Code du travail ;
Attendu, cependant, que les périodes d'astreinte sont les périodes pendant lesquelles le salarié, tenu de rester à son domicile ou à proximité, doit se tenir prêt à répondre à un éventuel appel de son employeur pour effectuer un travail au service de l'entreprise ; que le salarié, tenu d'intervenir dans l'entreprise quand les circonstances l'exigent, et qui ne peut, de ce fait, vaquer librement à ses occupations personnelles, n'est pas d'astreinte, mais en période de travail effectif ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que le salarié accomplissait sa permanence de responsabilité non pas à son domicile, mais au sein de l'établissement dans un local spécialement affecté à cet usage, ce dont il résultait qu'il ne pouvait librement vaquer à ses occupations personnelles, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la Fédération enfance inadapté et le préfet de Région - DRASS de Châlon-en-Champagne aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Fédération enfance inadaptée ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille un.