AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. Philippe X..., demeurant ... Lotissement Bernut, 98810 Mont Doré,
2 / la société Brico Déco, société anonyme, dont le siège est Centre commercial Kenu In, 98830 Dumbéa,
en cassation d'un arrêt rendu le 4 novembre 1998 par la cour d'appel de Nouméa, au profit de la Société de distribution Magenta Sodima, société anonyme, dont le siège est ..., (Nouvelle-Calédonie),
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 décembre 2000, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Duval-Arnould, conseiller référendaire rapporteur, MM. Brissier, Finance, conseillers, M. Poisot, conseiller référendaire, M. Kehrig, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller référendaire, les observations de Me Foussard, avocat de M. X... et de la société Brico Déco, de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, avocat de la Société de distribution Magenta Sodima, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 4 novembre 1998), que M. X... a exercé les fonctions de chef du département bazar d'un hypermarché pour le compte de la société Sodima ; qu'un avenant à son contrat de travail prévoyait dans le cas d'une résiliation, qu'il s'engageait à ne pas travailler pour une entreprise ayant une activité concurrente à celle de la société pendant un an dans la zone de Nouméa, Dumbéa et Mont Dore ; que le salarié a démissionné de ses fonctions le 29 janvier 1998 et est entré au service de la société Brico Déco, au terme du préavis, en qualité de directeur d'exploitation ; que la société Sodima a saisi le tribunal du travail, dans sa formation de référé, afin de voir interdire au salarié, sous astreinte, de prêter son concours à la société Brico Deco jusqu'au 29 avril 1999 ;
Attendu que le salarié fait grief à la cour d'appel d'avoir accueilli cette demande alors, selon les moyens :
1 / que la clause de non-concurrence litigieuse avait pour effet d'interdire à M. X..., après son départ de travailler pour une entreprise ayant eu une activité concurrente de celle de la société Sodima ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société Sodima exploite un hypermarché, sous l'enseigne Géant, tandis que la société Brico Déco exploite un fonds de commerce de quincaillerie, outillage, matériels, machines-outils, jardinage, agriculture, décoration, matériaux et matériels de construction, gros oeuvre ; qu'ainsi, M. X... n'étant pas entré au service d'une société exploitant un hypermarché, il ne pouvait lui être reproché d'avoir méconnu la clause de non-concurrence, peu important à cet égard qu'une partie de l'activité de l'hypermarché exploité par la société Sodima fût identique à une partie de l'activité de la société Brico Déco ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le principe constitutionnel de la liberté du travail, les articles 1134 du Code civil et 7 de la loi des 2 et 17 mars 1791 ;
2 / que la validité d'une clause de non-concurrence est subordonnée à la possibilité pour le salarié concerné de retrouver un emploi conforme, non seulement à sa formation, mais également à son expérience ; que dans leurs conclusions d'appel, M. X... et la société Brico Deco faisaient valoir que s'il fallait comprendre la clause de non-concurrence comme interdisant à M. X... de travailler dans l'ensemble des secteurs couverts par l'hypermarché exploité par la société Sodima, ce dernier serait en pratique privé de toute possibilité de retrouver un emploi ; que le seul motif selon lequel M. X... exercerait l'activité de gestion commerciale sans spécialisation, et ne se trouverait pas, du fait de la clause de non concurrence, dans l'impossibilité de retrouver une activité professionnelle, ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur la validité de la clause de non-concurrence ; qu'ainsi, l'arrêt doit être regardé comme dépourvu de base légale au regard du principe constitutionnel de la liberté du travail, ensemble au regard des articles 1134 et 7 de la loi des 2 et 17 mars 1791 ;
3 / qu'après avoir rappelé que le juge des référés était le juge de l'urgence et de l'incontestable, la cour d'appel a été amenée pour justifier sa décision, à se prononcer tout à la fois sur le sens qu'il convenait de donner à la clause de non-concurrence et sur le point de savoir si la société Sodima et la société Brico Déco pouvaient être regardées comme se livrant à des activités concurrentielles, nonobstant le fait que la société Brico Deco n'ait pas exploité un hypermarché ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse et violé en conséquence l'article 114 de l'ordonnance modifiée n° 85-81 du 13 novembre 1985, codifié à l'article 1563 du recueil des textes relatifs au droit du travail en Nouvelle Calédonie, ensemble l'article 40-2 du décret du 7 avril 1928 réorganisant l'administration de la justice en Nouvelle Calédonie, dans sa rédaction issue de la délibération n 273 du 22 octobre 1993 ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté que le département bazar de la société Sodima, dirigé par M. X..., avait une activité directement concurrente de celle du magasin Brico Déco a pu, sans encourir les griefs des moyens, décider que le fait pour le salarié de travailler au sein de cette société, occasionnait un trouble manifestement illicite auquel il convenait de mettre fin ; que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et la société Brico Déco aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille un.