AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / la société Languacom, société anonyme, dont le siège est ...,
2 / M. H..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession de al société Languacom, demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 20 mars 1998 par la cour d'appel de Paris (20e chambre, section c), au profit :
1 / de M. Damien E..., demeurant ...,
2 / de Mme Fiona F..., demeurant ...,
3 / de Mme Catriona G..., demeurant ...,
4 / de Mme Philo J..., demeurant ...,
5 / de Mme Béatrice C..., épouse B..., demeurant ...,
6 / de Mlle Deirdre A..., demeurant ...,
7 / de Mlle Marjorie X..., demeurant ...,
8 / de Mme Siobhan Y..., demeurant ...,
9 / de M. Z..., ès qualités de représentant des créanciers de la société Languacom, demeurant ...,
10 / de l'AGS-CGEA Ile de France Ouest, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 décembre 2000, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Merlin, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Le Roux-Cocheril, Brissier, Finance, Texier, Mmes Lemoine Jeanjean, Quenson, M. Bailly, conseillers, M. Poisot, Mmes Maunand, Bourgeot, MM. Soury, Liffran, Besson, Mme Ruiz-Nicoletis, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Merlin, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Languacom et de M. H..., ès qualités, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. E... et sept autres salariés ont été engagés, en qualité d'enseignants, par la société Languacom ayant pour activité l'enseignement des langues étrangères sous diverses formes, cours dans les locaux de la société ou dans ceux des entreprises clientes, cours par correspondance ou par téléphone et par tous moyens télématiques ; que la société Languacom ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, les huit enseignants ont été licenciés pour motif économique le 29 mars 1993 par M. H..., administrateur judiciaire, désigné par la suite en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société ; que les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes de rappel de salaires et de congés payés afférents en se prévalant de la Convention collective nationale des organismes de formation du 10 juin 1988, étendue par arrêté du 16 mars 1989, alors que la société Languacom appliquait volontairement la Convention collective nationale de l'enseignement privé à distance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Languacom et le commissaire à l'exécution du plan de cession font grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la Convention collective nationale des organismes de formation était applicable aux salariés alors, selon le moyen :
1 / que la Convention collective nationale des organismes de formation ne bénéficie pas aux "intervenants occasionnels tirant l'essentiel de leurs revenus d'une activité professionnelle autre que celle exercée pour le compte des organismes de formation qui les emploient" (article 1er) ; qu'en s'abstenant de rechercher comme elle y était invitée si les salariés tiraient l'essentiel de leurs revenus de leur activité pour la société Languacom ou, au contraire, tiraient leurs principaux revenus d'une autre activité, ce qui excluait l'application de la Convention collective nationale des organismes de formation, le juge d'appel a déduit un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 132-5 du Code du travail ;
2 / que le non-respect d'une clause de conciliation ou d'arrangement amiable est une cause d'irrecevabilité de l'action en justice et rend impossible l'examen de la demande ; que la recevabilité de l'action n'est admise que lorsque la clause ne constitue qu'une simple invitation à entrer en pourparlers en cas de litige ; qu'en concluant à la recevabilité de l'action intentée sans déterminer la nature et la force contraignante de la procédure envisagée par la convention collective en ses articles 2-4 et 18 et en se fondant exclusivement sur des circonstances factuelles insusceptibles de la révéler, le juge d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et 132 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que tout accord collectif jouit d'une applicabilité et d'un effet immédiats ; que la Convention collective nationale des organismes de formation entrée en vigueur le 1er juin 1989 s'appliquait immédiatement aux organismes de formation ; qu'en prenant acte de l'absence de mise en oeuvre effective de la Convention collective des organismes de formation afin de justifier l'inobservation de la procédure de conciliation par les salariés quand la convention était de plein droit applicable à la société Languacom, ce que prétendaient du reste les salariés, le juge d'appel a méconnu l'effet immédiat et impératif des normes collectives et violé les articles 1134 du Code civil et L. 132-5 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que procédant à la recherche prétendument omise, la cour d'appel par motifs propres et adoptés, a constaté, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que les salariés n'étaient pas des intervenants occasionnels au sens de l'article 1er de la convention collective applicable ;
Attendu, ensuite, qu'abstraction faite de motifs surabondants, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que le défaut de saisine de la commission paritaire ne rendait pas irrecevables les demandes des salariés ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Languacom et le commissaire à l'exécution du plan de cession font encore grief à l'arrêt d'avoir jugé que les salariés ne travaillaient pas en intermittence et d'avoir en conséquence refusé d'appliquer l'article 6 de la convention collective, alors, selon le moyen :
1 / que le contrat de travail intermittent doit, aux termes mêmes de l'ancien article L. 212-4-9 du Code du travail abrogé par la loi du 20 décembre 1993, mentionner la qualification du salarié, les éléments de sa rémunération, la durée annuelle minimale du travail qu'il sera conduit à accomplir, les périodes pendant lesquelles il sera appelé à travailler ainsi que la répartition des périodes de travail à l'intérieur de ces périodes ; que dans les cas où la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec précision la répartition des heures de travail au sein des périodes de travail, l'employeur peut se contenter de préciser les seules périodes où le salarié sera appelé à travailler sans préciser les périodes travaillées (article L. 122-4-9, alinéa 3) ; qu'en l'espèce, les contrats de travail précisaient que "les cours pourront être effectués entre 7 ou 8 heures du matin et 20 heures ou 14 heures lorsqu'il s'agit d'un mi-temps..." ; que ne pouvant connaître à l'avance le planning des cours en face à face ou par téléphone, la société Languacom ne pouvait préciser dans les contrats de travail les périodes effectivement travaillées au sein des périodes de travail ; qu'en estimant que l'alternance caractérisant l'intermittence ne ressortait pas suffisamment des mentions portées dans les contrats de travail, le juge d'appel a ajouté une condition non prévue par l'article L. 212-4-9 du Code du travail abrogé par la loi du 20 décembre 1993 et violé celui-ci ;
2 / que les emplois pourvus par des contrats de travail intermittent ne peuvent être que des emplois permanents (article L. 212-4-8 du Code du travail) ; qu'en rejetant la qualification de contrat de travail intermittent du fait de la permanence et de la continuité de l'activité des salariés au sein de la société Languacom ainsi que de la permanence de la propre activité de cette société, le juge d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 212-4-8 du Code du travail ;
3 / que le contrat de travail intermittent est toujours à durée indéterminée ; qu'en prenant acte de la durée indéterminée des contrats de travail de Mmes I... et Y... afin d'exclure ipso facto la qualification de contrat de travail intermittent, le juge d'appel a violé l'article L. 212-4-9 du Code du travail ;
4 / que le temps partiel annualisé n'a été institué que par la loi quinquennale sur l'emploi du 20 décembre 1993 ; qu'en cherchant à caractériser un temps partiel annualisé dans des contrats de travail conclus entre 1984 et 1991 quand seule pouvait être employée la formule du travail intermittent, le juge d'appel a violé tant les articles L. 212-4-8 à L. 212-4-11 du Code du travail abrogés par la loi quinquennale sur l'emploi du 20 décembre 1993 que les articles L. 212-4-2 et suivants du Code du travail résultant de cette loi ;
Mais attendu que le travail intermittent suppose l'alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées ; qu'ayant constaté que selon leur contrat de travail, qui ne prévoyait pas une durée annuelle minimale de travail, les intéressés devaient être à la disposition de l'employeur tous les jours de 7 ou 8 heures du matin à 20 heures pour ceux travaillant à temps plein et à 14 heures pour ceux travaillant à mi-temps, la cour d'appel, abstraction faite de motifs surabondants, a décidé, à bon droit, que le contrat de travail des intéressés ne pouvait être qualifié de contrat de travail intermittent ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Languacom et le commissaire à l'exécution du plan font aussi grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de rappel de salaires des intéressés alors, selon le moyen :
1 / que le juge doit respecter les termes clairs et précis des écritures des parties ; qu'en affirmant que M. H... reconnaissait que les salaires n'avaient pas été intégralement versés durant la période de janvier 1993 à mars 1993 quand le représentant légal de la société Languacom ne faisait état que d'une diminution des réservations d'heures de cours et d'une réduction corrélative du nombre d'heures de cours assurées par les enseignants, le juge d'appel a dénaturé les conclusions de M. H... et a violé les articles 1134 du Code civil, 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la diminution de revenu résultant d'une baisse d'activité ne peut être assimilée à une réduction de salaire lorsque le salarié est payé à l'heure et à la prestation et ne bénéficie d'aucune rémunération mensuelle minimale garantie ; que les salariés, enseignants, étaient rémunérés en fonction du nombre d'heures de cours dispensées et ne bénéficiaient d'aucune rémunération prédéterminée, stable et certaine ; qu'en faisant état "d'un versement partiel du salaire" quand aucun salaire n'était préétabli et convenu et quand était caractérisée une simple diminution de 15 % du revenu du fait d'une réduction de l'activité de la société Languacom et du nombre d'heures de cours dispensées, le juge d'appel a méconnu la convention des parties et violé l'article 1134 du Code civil ;
3 / que la modification irrégulière du contrat de travail n'est caractérisée que lorsqu'elle porte sur un élément substantiel considéré comme tel par les parties lors de la conclusion ; que les salariés ont accepté d'être rémunérés en fonction du nombre d'heures de cours dispensées lequel pouvait varier selon la demande ; qu'en estimant qu'une baisse de 15 % de la rémunération par rapport à la moyenne des années précédentes constituait une "modification irrégulière" du contrat de travail quand les salariés avaient admis l'existence d'un aléa s'agissant de leur niveau de rémunération et quand cette évolution ne résultait que de l'environnement économique dans lequel évoluait la société Languacom, le juge d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
4 / que l'employeur est exonéré des conséquences de l'absence de fourniture de travail au salarié en cas de force majeure ; que la réduction de la demande de cours par les entreprises clientes de la société Languacom constituait pour celle-ci une circonstance imprévisible, extérieure et irrésistible ; qu'en imputant à faute à la société Languacom la réduction de l'ordre de 15 % du nombre d'heures de cours assurées, le juge d'appel a violé les articles L. 140-1 et suivants et 212-4-2 du Code du travail ;
5 / que dans le cadre de son pouvoir d'organisation, le chef d'entreprise peut procéder à des réductions collectives provisoires de l'horaire de travail sans avoir à payer les salaires correspondant aux heures supprimées et sans qu'il soit nécessaire de relever l'existence d'un cas de force majeure ; qu'en imputant à faute à l'employeur d'avoir réduit le nombre d'heures de cours lors de la période précédant immédiatement la mise en redressement judiciaire sans rechercher si la société Languacom avait détourné son pouvoir de direction, le juge d'appel a de nouveau violé les articles L. 140-2 et suivants et L. 212-4-2 du Code du travail ;
6 / que, tenu de respecter l'objet du litige et de respecter le sens clair et précis des écritures des parties, le juge ne doit pas imputer aux parties un accord sur un chef de prétentions précisément contesté ;
que M. H... a précisé dans ses écritures que les tableaux d'heures supplémentaires produits par les salariés étaient incompréhensibles et que les salariés étaient incapables de justifier sérieusement l'exécution d'heures supplémentaires ; qu'en déclarant que le rappel portant sur les heures supplémentaires n'était pas contesté dans son montant, le juge d'appel a dénaturé les écritures de M. H..., méconnu de ce fait l'objet du litige et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la réduction de l'activité d'une entreprise en raison d'une baisse de la demande de la clientèle n'est pas imprévisible et ne saurait caractériser un cas de force majeure ;
Attendu, ensuite, qu'ayant relevé que les salariés ne pouvaient être considérés comme ayant été embauchés par contrat de travail intermittent, qu'ils avaient été employés, depuis leur embauche, de manière continue et constante, soit à temps complet, soit à mi-temps, et que l'employeur leur avait imposé une réduction de leur activité entraînant une baisse de leur salaire, la cour d'appel a pu décider qu'ils pouvaient prétendre à un rappel de salaire fondé sur le montant du salaire moyen qu'ils avaient perçu avant la réduction de leur activité ;
Attendu, enfin, que par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a constaté que la demande de rappel d'heures supplémentaires reposait sur un décompte des heures de cours apparaissant sur les bulletins de paie et sur un tableau précis, le nombre d'heures supplémentaires réclamées correspondant à des heures de face à face pédagogique effectuées au-delà du seuil à partir duquel une majoration de salaire est prévu par application de l'article 10-3 de la convention collective ;
D'où il suit que sans encourir les griefs du moyen, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que la société Languacom et le commissaire à l'exécution du plan reprochent encore à la cour d'appel d'avoir alloué aux salariés des sommes au titre de la préparation, de la recherche et des autres activités (PRAA), alors, selon le moyen :
1 / que la convention de forfait n'a pas à être consignée dans un écrit ; qu'en concluant à l'absence d'une convention de forfait au seul motif qu'elle n'était pas mentionnée dans un aucun écrit, contrats de travail ou autre "document porté à la connaissance des salariés", le juge d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 140-1 et suivants du Code du travail ;
2 / que l'acceptation d'une convention de forfait par le salarié peut être tacite et résulter de la seule perception du salaire forfaitaire durant un certain laps de temps sans émission de réserves ;
qu'en subordonnant l'existence et la preuve de la convention de forfait à l'existence d'un accord donné par les salariés à une proposition de rémunération forfaitaire transcrite dans un document sans rechercher si la perception des diverses primes durant plusieurs années ne témoignait pas d'une acceptation tacite de la convention de forfait, le juge d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
3 / que la convention de forfait peut résulter d'un usage constant dans l'entreprise son existence étant du reste aisément admise lorsque la nature des fonctions du salarié rend ses honoraires de travail incontrôlables ; qu'en réduisant la convention de forfait à une simple clause contractuelle figurant sur le contrat de travail ou autres documents, le juge d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ainsi que les articles L. 140-1 et suivants du Code du travail ;
4 / que le juge doit respecter le sens clair et précis de tout acte juridique privé ; qu'en prétendant qu'en son article 2-4, la Convention nationale des organismes de formation stipulait que ses dispositions plus favorables s'imposaient chaque fois qu'elles sont plus avantageuses pour les salariés au regard du texte conventionnel jusqu'alors en vigueur, à savoir en l'espèce, la Convention collective nationale d'enseignement privé à distance quand l'article 2-4 de cette convention disposait que ses dispositions "ne peuvent être interprétées comme réduisant les situations acquises, par usage, contrat individuel ou accord collectif sur le plan des régions, localités ou établissements, le juge d'appel a méconnu le sens clair et précis de la convention collective et violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé qu'une convention de forfait ne se présume pas, la cour d'appel a constaté par motifs propres et adoptés que l'employeur ne rapportait pas la preuve de l'existence d'une convention de forfait, que le temps de PRAA n'avait pas été payé par l'employeur et qu'il n'était pas établi que les primes versées par l'employeur correspondaient aux avantages résultant de l'application de la Convention collective nationale des organismes de formation ; que par ces seuls motifs, elle a légalement justifié sa décision ;
Sur le cinquième moyen :
Attendu que la société Languacom et le commissaire à l'exécution du plan font aussi grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en répétition de l'indu s'agissant des diverses primes perçues par les salariés entre 1989 et 1993, alors, selon le moyen :
1 / que l'indu objectif étant établi du seul fait du versement d'une somme ne correspondant à aucune obligation, la gravité de l'erreur commise par le solvens ne peut priver celui-ci du droit tenu de la loi de répéter l'indu ; qu'en faisant état de l'erreur "non excusable" commise par la société Languacom s'agissant de l'application de la convention collective afin de refuser toute répétition des primes versées durant l'exécution du contrat de travail; le juge d'appel a violé les articles 1235 et 1376 du Code civil ;
2 / que le juge est tenu de respecter l'objet du litige tel que déterminé par les écritures respectives des parties et ne doit statuer que sur ce qui lui est demandé ; que les huit salariés licenciés n'ont jamais formulé la moindre demande en indemnisation pour inapplication de la convention collective des organismes de formation et se sont bornés à établir que les conditions de répétition de l'indu n'étaient pas remplies s'agissant des diverses primes perçues ; qu'en condamnant la société Languacom à des dommages-intérêts pour inapplication de la convention collective d'un montant équivalent aux primes perçues jusqu'en 1993, le juge d'appel a méconnu l'objet du litige, statué extra petita et violé de ce fait les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que l'évaluation d'une réparation doit être effectuée au regard du seul préjudice subi, la théorie de la responsabilité civile ne devant être qu'exceptionnellement utilisée dans une fonction de peine privée ; qu'en condamnant la société Languacom au paiement de dommages-intérêts pour inapplication de la Convention collective nationale des organismes de formation motif pris de la faute et de l'"erreur non excusable" par elle commises, le juge d'appel a violé les articles 1147 et 1149 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que les primes versées aux salariés sous des dénominations variées ne correspondaient pas aux avantages résultant de l'application de la Convention collective des organismes de formation applicable à la société Languacom depuis le 1er juin 1989 ; qu'ayant ainsi fait ressortir qu'elles n'étaient pas indues, elle a par ce seul motif légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le sixième moyen :
Attendu que la société Languacom et le commissaire à l'exécution du plan de cession font enfin grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en répétition de l'indu s'agissant de l'indemnité conventionnelle de licenciement versée à M. D... et Mmes F... et Perceval alors, selon le moyen :
1 / que l'indu objectif étant établi du seul fait du versement d'une somme ne correspondant à aucune obligation, la gravité de l'erreur commise par le solvens ne peut priver celui-ci du droit tenu de la loi de répéter l'indu ; qu'en faisant état de l'erreur commise par la société Languacom, s'agissant de l'application de la convention collective afin de refuser toute répétition de la différence entre l'indemnité de licenciement effectivement versée en application de la convention collective de l'enseignement à distance et l'indemnité de licenciement ayant dû normalement être versée en application de la Convention collective nationale des organismes de formation, le juge d'appel a violé les articles 1235 et 1376 du Code Civil ;
2 / que le juge est tenu de respecter l'objet du litige tel que déterminé par les écritures respectives des parties et ne doit statuer que sur ce qui lui est demandé ; que les huit salariés licenciés n'ont jamais formulé la moindre demande en indemnisation pour inapplication de la Convention collective nationale des organismes de formation et se sont bornés à établir que les conditions de répétition de l'indu n'étaient pas remplies s'agissant des diverses primes percues ; qu'en condamnant la société Languacom à des dommages-intérêts pour inapplication de la convention collective d'un montant équivalent à la différence entre l'indemnité de licenciement versée en application de la Convention collective nationale de l'enseignement privé à distance et l'indemnité de licenciement ayant dû normalement être versée en application de la Convention collective nationale des organismes de formation, le juge d'appel a méconnu l'objet du litige, statué extra petita et violé de ce fait les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que la réparation doit être du strict montant du préjudice subi et ne doit engendrer aucun enrichissement de la victime ; qu'une réparation du préjudice subi du fait de l'inapplication de la Convention collective nationale des organismes de formation lors du licenciement supposait une restitution de l'indemnité de licenciement calculée en application de la convention collective de l'enseignement à distance et l'allocation d'une indemnité de licenciement calculée en application de la Convention collective nationale des organismes de formation, autrement dit une compensation entre les deux indemnités ; qu'en permettant aux salariés de conserver l'excédent résultant de cette compensation, le juge d'appel a permis un enrichissement sans cause et indu des salariés et violé les articles 1147 et 1149 du Code Civil ;
4 / que l'évaluation d'une réparation doit être effectuée au regard du seul préjudice subi, la théorie de la responsabilité civile ne devant être qu'exceptionnellement utilisée dans une fonction de peine privée ; qu'en condamnant la société Languacom au paiement de dommages-intérêts pour inapplication de la Convention collective nationale des organismes de formation, motif étant pris de la faute et de l'erreur commises par l'employeur, le juge d'appel a violé les articles 1147 et 1149 du Code Civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait fait une application volontaire de la Convention collective nationale de l'enseignement privé à distance pour calculer le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement dû aux trois salariés a, en écartant la répétition de l'indu, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Languacom et M. H..., ès qualités, aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille un.