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23/01/2001 | FRANCE | N°00-80562

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 janvier 2001, 00-80562


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la société Montblanc Simplo, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13e chambre, en date du 14 décembre 1999, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe d'Eric X..., German Y..., Michel Z..., Philippe A... et Frédéric B... des chefs de contrefaçon de modèle et de contrefaçon de marque.
LA COUR,
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu que la société de droit allemand Montblanc Simplo a déposé à l'Institut national de la propriété industrielle, d'une part, le 26 f

évrier 1981, un modèle de stylo enregistré sous le n° 810. 680, et d'autre part, le ...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la société Montblanc Simplo, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13e chambre, en date du 14 décembre 1999, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe d'Eric X..., German Y..., Michel Z..., Philippe A... et Frédéric B... des chefs de contrefaçon de modèle et de contrefaçon de marque.
LA COUR,
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu que la société de droit allemand Montblanc Simplo a déposé à l'Institut national de la propriété industrielle, d'une part, le 26 février 1981, un modèle de stylo enregistré sous le n° 810. 680, et d'autre part, le 29 mars 1994, une marque figurative servant à désigner les stylos relevant de la classe 16, enregistrée sous le n° 94. 513. 302 ; qu'ayant constaté que des stylos reproduisant son modèle et sa marque étaient mis en vente, elle a fait pratiquer des saisies-contrefaçons et porté plainte avec constitution de partie civile ; qu'à l'issue de l'information, Eric X..., German Y..., Michel Z..., Philippe A... et Frédéric B... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs de contrefaçon de modèle et de contrefaçon de marque ; que cette juridiction a renvoyé les prévenus des fins de la poursuite du chef de contrefaçon de modèle mais les a déclarés coupables de contrefaçon de marque ; que l'arrêt attaqué, réformant partiellement le jugement, a relaxé les prévenus des deux chefs de prévention ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 112-1, L. 335-2 et suivants, L. 511-1, L. 521-4 du Code de la propriété intellectuelle, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté la société Montblanc, partie civile, de sa demande de requalification du délit de contrefaçon de modèle en contrefaçon de droits d'auteur ;
" aux motifs que " la société Montblanc Simplo soutient que la juridiction pénale étant saisie in rem, elle est compétente pour requalifier les droits de la partie civile à partir des faits objets de la poursuite ; mais que la Cour ne peut statuer que dans la limite de la prévention qui englobe les faits de contrefaçon de modèle et de marque, sans mentionner les faits de contrefaçon de droit d'auteur ; qu'elle ne peut requalifier les faits de contrefaçon de modèle en contrefaçon de droits d'auteur, les éléments constitutifs de ces deux infractions étant distincts ; qu'il y a donc lieu de rejeter la demande de la partie civile de ce chef, en confirmant, par des motifs différents le jugement déféré " ;
" alors que les juges, qui ne sont pas liés par la qualification qui a été donnée par la prévention, ont le devoir de requalifier les faits dont ils sont saisis et que les dessins et modèles étant protégés cumulativement par le Livre V et les Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle, les mêmes faits peuvent être incriminés cumulativement au titre du délit de contrefaçon de modèle déposé et au titre du délit de contrefaçon de droits d'auteur ; qu'en retenant néanmoins qu'elle ne pouvait " requalifier les faits de contrefaçon de modèle en contrefaçon de droits d'auteur, les éléments de ces deux infractions étant distincts ", la cour d'appel a méconnu le principe de l'unité de l'art et violé les textes susvisés " ;
Vu l'article 388 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il appartient aux juges correctionnels d'examiner les faits dont ils sont saisis sous toutes les qualifications possibles ;
Attendu que la partie civile a fait valoir que le stylo argué de contrefaçon était une oeuvre originale créée en 1948 qu'elle commercialisait depuis 1949 et que les faits reprochés aux prévenus constituaient le délit prévu et puni par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle ; qu'elle a demandé aux juges de retenir les faits poursuivis comme contrefaçon de modèle sous cette nouvelle qualification ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, les juges du second degré énoncent que les éléments constitutifs des deux infractions sont distincts ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les prévenus avaient été mis en mesure de s'expliquer sur la qualification de contrefaçon d'une oeuvre de l'esprit susceptible de s'appliquer aux faits mêmes dont elle était saisie, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 711-2 a), L. 716-9 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus, Michel Z..., German Y..., Frédéric B..., Eric X... et Philippe A... des délits de contrefaçon de marque et a débouté en conséquence la société Montblanc Simplo de son action civile à cet égard ;
" aux motifs que " la société Montblanc Simplo a déposé le 29 mars 1994 une marque figurative n° 94. 513. 302, servant à désigner les stylos, stylos bille et stylos feutre et crayons, relevant de la classe 16 ; que cette marque est constituée d'anneaux dont la forme et l'emplacement sur un capuchon (figuré en pointillé et dont la protection n'est pas revendiquée) sont ainsi disposés : un anneau fin à l'extrémité supérieure du capuchon, et une suite d'un anneau fin, un anneau épais puis un autre anneau fin à l'extrémité inférieure du capuchon ; (...) que German Y... fait valoir qu'il convient de se référer aux très nombreux exemples versés aux débats, qui excluent que la présence des quatre anneaux sur un capuchon de stylo puisse servir à distinguer ipso facto un stylo Montblanc ; qu'il ressort en effet des pièces produites par la défense, que certains stylos antérieurs au dépôt de la marque en 1994 établissent que ce type d'anneaux était déjà utilisé par un nombre très important de fabricants et était usuel : Aurora (1920), Parker (1920), Whal-Eversharp (1928), Laureau (1920), Optima (1930), Collection Daniel Hechter (1989, 1991), Collection Far-France (1992), Collection Sprint (1992), Collection Gift Premium (1992, 1993), Collection Bigbox (1993), Collection Manin (1993), Collection Newtoys (1993), Collection Jouet 2000 (1993), Collection Francajou (1993), Collection Or (1993), Collection Weldone (1993), Collection The Catalogue (1993), Collection Yves Fely (1993), Collection Regal Diffusion (1993) ; qu'à juste titre, les premiers juges ont retenu qu'il ressortait des albums, magazines et catalogues versés aux débats par les prévenus que la forme, le nombre et l'emplacement des anneaux dans la combinaison déposée par la société Montblanc Simplo, se retrouvaient à l'identique sur certains modèles de stylos bien avant l'enregistrement de la marque et ce, depuis 1938, la société Montblanc Simplo en faisant elle-même usage depuis 1949 ; qu'il résulte de ces éléments, qu'au moment du dépôt de la marque, intervenu seulement le 29 mars 1994, les quatre anneaux, situés 3 et 1 sur le capuchon des stylos, stylos-bille, stylos-feutre et crayons, constituaient exclusivement, tant pour les consommateurs que pour les professionnels, la désignation usuelle des produits couverts par le dépôt ; que dépourvue de caractère distinctif, la marque figurative déposée par la société Montblanc Simplo ne peut servir de base à des poursuites pour contrefaçon de marque " ;
" alors, d'une part, qu'une marque complexe composée de la combinaison de plusieurs éléments est valable quand bien même l'un des éléments la composant serait usuel dès lors que cette combinaison, prise en elle-même, ne l'est pas ; qu'en retenant en l'espèce que le signe déposé par la société Montblanc Simplo à titre de marque serait usuel car le type d'anneaux constituant l'un des éléments de cette marque, dont elle constate qu'elle se caractérise par la combinaison d'une certaine forme d'anneaux disposés selon un nombre et un emplacement déterminé, serait usuel, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
" alors, d'autre part, que le signe usuel au sens de l'article L. 711-2 a) du Code de la propriété intellectuelle n'est pas celui qui est déjà utilisé, même de manière courante, par des concurrents pour désigner leurs propres produits, mais celui qui est utilisé par une notable partie du public concerné, qui peut être constitué de professionnels, pour désigner l'objet lui-même quelle que soit l'entreprise dont il provient ; qu'en l'espèce en retenant que le signe déposé à titre de marque par la société Montblanc Simplo pour désigner des stylos et des stylos-bille, signe constitué par le nombre, les formes et les emplacements des anneaux sur un capuchon, serait usuel pour la seule raison qu'il serait couramment utilisé, antérieurement même à l'enregistrement de la marque, par d'autres fabricants pour désigner leurs produits, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard dudit article L. 711-2 a) du Code de la propriété intellectuelle " ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour renvoyer les prévenus des fins de la poursuite du chef de contrefaçon de marque, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que la société Montblanc a déposé, le 29 mars 1994, une marque figurative constituée de la forme et de l'emplacement de plusieurs anneaux sur le capuchon d'un stylo, énonce que ce type d'anneaux était déjà utilisé par un grand nombre de fabricants et que la forme et l'emplacement des anneaux dans la combinaison déposée se retrouvent à l'identique sur certains modèles bien avant l'enregistrement de la marque et ce, depuis 1938, la société Montblanc en faisant elle-même usage depuis 1949 ; que les juges en déduisent que les quatre anneaux ainsi disposés " constituaient exclusivement, tant pour les consommateurs que pour les professionnels, la désignation usuelle du produit " et que la marque figurative déposée par la partie civile est dépourvue de caractère distinctif ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, qui se bornent à caractériser un simple usage antérieur notoire de la combinaison figurative déposée comme marque, et sans rechercher si celle-ci était employée, à la date du dépôt, par une notable partie du public pour désigner l'objet même, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 14 décembre 1999, mais en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 00-80562
Date de la décision : 23/01/2001
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CONTREFAçON - Dessins et modèles - Protection du droit d'auteur - Juridictions correctionnelles - Disqualification - Condition.

1° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Disqualification - Pouvoirs du juge 1° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Disqualification - Contrefaçon de dessins et modèles - Contrefaçon d'une oeuvre de l'esprit.

1° En vertu du principe de l'unicité de l'art, le dessin ou modèle est protégé cumulativement par les dispositions des articles L. 511-1 et L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle. Il en résulte que la reproduction d'un objet déposé comme modèle peut être sanctionnée à la fois comme contrefaçon de dessins et modèles et comme contrefaçon d'une oeuvre de l'esprit. Encourt la cassation la décision de la cour d'appel qui écarte la requalification des faits poursuivis du chef de contrefaçon de dessins et modèles en contrefaçon d'une oeuvre de l'esprit alors que les prévenus avaient été mis en mesure de s'expliquer sur la nouvelle qualification susceptible de s'appliquer aux mêmes faits(1).

2° MARQUE DE FABRIQUE - Marque figurative complexe - Caractère distinctif à l'égard du produit désigné - Signe usuel pour désigner ce produit - Définition.

2° Il résulte de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle qu'est dépourvu de caractère distinctif à l'égard des produits désignés dans le dépôt, un signe qui, dans le langage courant ou professionnel est exclusivement la désignation usuelle du produit. Pour apprécier si une combinaison figurative déposée comme marque est dépourvue de caractère distinctif, le juge doit rechercher si elle était employée par une notable partie du public pour désigner l'objet même. A cet égard, un simple usage antérieur notoire de ce signe n'est pas déterminant(2).


Références :

1° :
2° :
Code de la propriété intellectuelle L511-1, L112-1
Code de la propriété intellectuelle L711-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 décembre 1999

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1992-02-13, Bulletin criminel 1997, n° 63, p. 206 (rejet). CONFER : (2°). (2) A rapprocher : Chambre commerciale, 1989-01-17, Bulletin 1989, IV, n° 27, p. 16 (cassation) ;

Chambre commerciale, 1992-10-27, Bulletin 1997, IV, n° 329, p. 233 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 jan. 2001, pourvoi n°00-80562, Bull. crim. criminel 2001 N° 18 p. 44
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2001 N° 18 p. 44

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Cotte
Avocat général : Avocat général : M. Di Guardia.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Mazars.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, M. Bertrand.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:00.80562
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