AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize janvier deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de Me BOUTHORS, la société civile professionnelle GATINEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 1er décembre 1999, qui, dans la procédure suivie sur sa plainte pour diffamation publique envers un particulier a déclaré son action éteinte par la prescription ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 29, 30 et suivants, 65 de la loi du 29 juillet 1881, 6, 10, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'action publique prescrite lors de la citation des deux prévenus en date des 25 et 26 novembre 1998 et a débouté la partie civile de toutes ses demandes ;
"aux motifs que le pourvoi en cassation entaché de nullité n'a pu interrompre le cours de la prescription de trois mois qui s'attache aux actes de diffamation ; qu'il en est de même des actes de procédure qui ont été déclarés nuls ; qu'aucun acte de procédure n'a été fait entre le pourvoi du 23 janvier 1998 et l'arrêt du 28 avril 1998 par lequel la chambre criminelle de la Cour de Cassation déclarait le pourvoi entaché de nullité ; que, dès lors, plus de trois mois se sont écoulés ; que dans cette période, la partie civile a fait parvenir au juge d'instruction une lettre en date du 16 février 1998 destinée à interrompre la prescription ; mais que c'est sans intérêt que la partie civile soutient que de telles lettres correspondent à un usage courant en la matière et peuvent avoir un effet interruptif de prescription dès lors que ces lettres ne demandent aucun acte au juge d'instruction et qu'elles n'ont pas pour but de poursuivre l'infraction, ni d'en convaincre les auteurs ;
qu'ainsi, ce type de simple lettre n'a aucune valeur procédurale et ne peut être interruptive de prescription ; qu'il appartenait à la partie civile de diligenter elle-même des actes de poursuites ou de faire des demandes d'actes au juge d'instruction afin d'interrompre la prescription ; que la prescription est d'ordre public et doit être relevée d'office ; que la Cour se doit de la relever d'office et de constater la prescription de l'action publique à l'encontre de Jean Dominique Z... et Georges Y... ; que la partie civile ne saurait soutenir valablement que l'inaction du juge d'instruction interrompt nécessairement la prescription à son profit dès lors que la procédure spécifique établie par la loi du 29 juillet 1881 en matière de diffamation ne permet pas au juge d'instruction de faire des recherches quant à la véracité des faits qui sont reprochés ou de l'aspect diffamatoire de ces faits ; qu'il appartenait donc à la partie civile pour interrompre la prescription d'agir elle-même directement à l'encontre des deux prévenus ; qu'en ne le faisant pas, la partie civile a laissé s'écouler les délais ; que de plus, la partie civile a cru, par son pourvoi en cassation, paralyser le cours de l'instance ; que dès lors, elle ne peut se plaindre de sa propre inaction ; (arrêt motifs pages 6 à 10) ;
"1 ) alors que, d'une part, la Cour n'a pu légalement relever d'office un moyen de prescription sans inviter les parties à s'expliquer contradictoirement sur les circonstances de fait et de droit conditionnant le bien fondé éventuel de l'exception ainsi retenue ;
"2 ) alors que, d'autre part, l'inaction du juge d'instruction suspend le délai de prescription ; que doivent en conséquence être regardées comme inopérantes les considérations de l'arrêt prises de l'existence d'une instance en cassation frustratoire, laquelle n'avait pas dessaisi le juge désigné qui devait en conséquence assurer lui-même l'interruption de la prescription ;
"3 ) alors, en tout état de cause, que la partie civile interrompt valablement la prescription en adressant au juge d'instruction une lettre recommandée avec accusé de réception manifestant sa volonté expresse de poursuivre la procédure" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et de l'examen des pièces de procédure que X... a déposé plainte et s'est constitué partie civile le 3 février 1997 contre Jean Dominique Z... et Georges Y... respectivement directeur de publication et journaliste en raison de la publication dans "l'Indépendant" du 26 novembre 1996, d'un article qui contenait selon lui des imputations diffamatoires à son encontre ; qu'une information a été ouverte au cours de laquelle une procédure en nullité de pièces a été diligentée a l'initiative du parquet ;
que cette procédure a donné lieu à un arrêt de la chambre d'accusation frappé de pourvoi par la partie civile ; que ce pourvoi a été annulé par ordonnance du président de la chambre criminelle du 28 avril 1998 ; que les prévenus ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel qui a constaté l'extinction de l'action publique en raison de la prescription ;
Attendu que pour confirmer cette décision, les juges du second degré se prononcent par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi ;
Que d'une part, s'il appartient au juge de relever d'office tout moyen qui est de nature à priver la poursuite de son fondement légal, il n'est pas tenu de le soumettre à la discussion des parties ;
Que d'autre part, en matière de presse, la partie civile peut interrompre la prescription au cours de l'instruction en présentant une demande d'acte au juge d'instruction conformément aux dispositions de l'article 82-1 du Code de procédure pénale ; que tel n'a pas été le cas en l'espèce ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation,
chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L .131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire :
M . Cotte président, Mme Chanet conseiller rapporteur, M . Joly conseiller de la chambre ; Avocat général : M . Launay ; Greffier de chambre : Mme nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;