AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Gilbert X..., demeurant 10330 Chavanges,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 décembre 1998 par la cour d'appel de Nancy (Chambre des baux ruraux), au profit :
1 / de M. Jacquie X...,
2 / de Mme Martine X...,
demeurant ensemble ...,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 21 novembre 2000, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Peyrat, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Toitot, Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Guerrini, Dupertuys, Philippot, Assié, Mme Gabet, conseillers, MM. Pronier, Betoulle, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Peyrat, conseiller, les observations de Me Blanc, avocat de M. Gilbert X..., de Me Luc-Thaler, avocat des époux Jacquie X..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 17 décembre 1998), statuant sur renvoi après cassation (Civ. 3, 16 décembre 1997, n° 1829 D), que les époux Jacquie X... étaient titulaires de deux baux consentis, le premier, par M. Gilbert X... et portant sur diverses parcelles qui lui appartenaient en propre, le second, par ce dernier et son épouse, portant sur une maison d'habitation qui était un bien commun ; que M. Gilbert X... a assigné les preneurs en résiliation des baux pour non-paiement des loyers ;
Attendu que M. Gilbert X... fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable, alors, selon le moyen :
1 / que la volonté de rendre indivisible plusieurs contrats doit être certaine ; que la cour d'appel, qui a seulement relevé la commune intention des parties de maintenir l'exploitation agricole, n'a caractérisé ni la volonté certaine des parties de rendre indivisibles les éléments de cette exploitation agricole et la maison d'habitation, immeuble parfaitement distinct, ni leur volonté de considérer chaque bail comme la condition d'existence et d'exécution de l'autre (manque de base légale au regard des articles 1134, 1217 et 1218 du Code civil) ;
2 / que l'indivisibilité de deux baux a pour seul effet d'étendre la résiliation du premier au second, mais n'interdit pas à l'un des bailleurs, agissant seul, d'obtenir la résiliation de son bail portant sur un bien propre, fondée sur l'inexécution par le preneur de ses obligations ; que la cour d'appel, après avoir constaté que M. X... avait demandé la résiliation du bail portant sur des terres biens propres, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en décidant que l'indivisibilité de ce bail avec un autre bail portant sur un bien commun rendait irrecevable l'action formée par M. X... seul (violation des articles 1134, 1217, 1218, 1428 du Code civil, L. 411-31 et L. 411-53 du Code rural) ;
3 / que lorsqu'une obligation indivisible a été contractée envers plusieurs créanciers, chacun d'eux peut exiger l'accomplissement intégral de l'obligation ; que lorsque deux baux sont indivisibles, chaque bailleur peut donc réclamer au preneur le paiement de tous les loyers et peut ainsi, pour le moins, réclamer le paiement des seuls fermages afférents aux parcelles dont il est propriétaire et qu'il a données à bail ;
que la cour d'appel, qui a décidé que le bail des parcelles de terre appartenant à M. X... était indivisible de celui relatif à la maison lui appartenant en commun avec son épouse, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en subordonnant la recevabilité de l'action en paiement des fermages qui lui étaient dus à l'accord de son épouse (violation des articles 1134, 1217, 1218 et 1428 du Code civil) ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'outre la maison d'habitation, avait été également donnée à bail aux époux Jacquie X... une grange, bâtiment manifestement indispensable à l'exploitation agricole et situé, comme tel, à proximité immédiate de la maison d'habitation, ainsi que des bâtiments de stabulation libre et relevé que la commune intention des parties était de maintenir dans son unité l'exploitation agricole, telle que précédemment gérée par les époux Gilbert X..., que les baux avaient tous été mis en harmonie au terme d'un acte du 26 mars 1979 pour arriver à la même date d'échéance du 1er novembre 1993, et que le bail rural portant sur les terres, biens propres de M. Gilbert X..., était donc indivisible de celui portant sur la maison d'habitation appartenant à la communauté des époux Gilbert X..., la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui n'était pas demandée, en a exactement déduit que la demande en résiliation du bail consenti par M. Gilbert X..., seul, était irrecevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Gilbert X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Gilbert X... à payer aux époux Jacquie X... la somme de 12 000 francs ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Gilbert X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille.