AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt décembre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de X... ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Christian,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de POITIERS, en date du 13 juin 2000, qui, sur renvoi après cassation, dans l'information suivie contre lui du chef de recel d'abus de biens sociaux, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 26 octobre 2000, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 167, 171, 173, 174, 591, 593 et 802 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les requêtes en date des 4 février 1998 et 9 juillet 1998 déposées par Christian Y... ;
"aux motifs que, sur la régularité de la notification des conclusions des expertises, dans sa requête du 4 février 1998, Me Z... a demandé que soit annulé l'acte de notification des conclusions des expertises, mais non les expertises elles-mêmes, contrairement à ce qui est dit au mémoire ; qu'il est constant que, par acte du 12 décembre 1997 (D 2052), le juge d'instruction a notifié aux parties des conclusions de rapports d'expertises susvisés respectivement déposés le 2 février 1993 et le 9 novembre 1993 ; que cet acte en lui-même, destiné à donner connaissance aux personnes mises en examen des charges contenues dans ces rapports et à leur permettre de présenter des observations et de présenter des demandes, conformément aux dispositions de l'article 167 du Code de procédure pénale, n'a pu, en dépit de son caractère manifestement tardif, porter atteinte aux intérêts de Christian Y... au sens des articles 171 et 802 du Code de procédure pénale ; qu'il en résulte que la demande d'annulation de cette notification doit être rejetée ; que sur la demande d'annulation de l'ordonnance de renvoi, s'il est constant que l'ordonnance de renvoi du 29 juin 1998 se réfère aux motifs exposés au réquisitoire définitif du 22 juin 1998, et que ce réquisitoire lui-même s'appuie sur des conclusions contenues dans les rapports d'expertise susvisés dont la nullité est alléguée, il ne peut en résulter de nullité de l'ordonnance dès lors que la nullité de ces rapports ne peut plus être invoquée pour ne pas avoir été proposée à la chambre d'accusation d'Angers lorsque celle-ci a été saisie en 1995, en vertu des dispositions de l'article 174, alinéa 1er, du Code de procédure pénale ;
"1 ) alors que l'arrêt attaqué a relevé que la notification effectuée le 12 décembre 1997 des rapports d'expertise déposés les 2 février et 9 novembre 1993 avait un "caractère manifestement tardif" ; qu'il en résulte nécessairement que le retard de notification avait porté atteinte aux intérêts de Christian Y... en raison du dépérissement des preuves et de l'impossibilité pour celui-ci de présenter en temps utile des observations et demandes ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"2 ) alors qu'au surplus, la cour d'appel, qui a constaté que la nullité des rapports susvisés ne pouvait "plus être invoquée pour ne pas avoir été proposée à la chambre d'accusation d'Angers lorsque celle-ci a été saisie en 1995", ne pouvait, de façon contradictoire, énoncer que le "caractère manifestement tardif" de la notification des rapports n'avait pas porté atteinte aux intérêts de Christian Y..., sans violer derechef les textes visés au moyen ;
"3 ) alors qu'il résulte de l'article 174 du Code de procédure pénale que les parties restent recevables à faire état de moyens pris de nullité de la procédure qu'elles n'ont pu connaître qu'après que la chambre d'accusation eut été saisie sur le fondement de l'article 173 du même Code ; qu'en affirmant, néanmoins, que la nullité de l'ordonnance de renvoi ne pouvait résulter de la nullité des rapports d'expertise visés dans le réquisitoire définitif du 22 juin 1998 auquel se réfère cette ordonnance, dès lors que la nullité de ces rapports, notifiés tardivement à Christian Y..., le 12 décembre 1997, n'avait pas été proposée à la chambre d'accusation d'Angers lorsque celle-ci avait été saisie en 1995, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées" ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que, statuant notamment sur la requête de Christian Y..., la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Angers a, par arrêt en date du 11 juillet 1995, annulé des actes de l'information et ordonné la poursuite de celle-ci ; que, le 12 décembre 1997, le juge d'instruction a notifié au demandeur les conclusions de deux rapports d'expertise qui avaient été déposés le 9 novembre 1992 et le 2 février 1993 et que, par ordonnance en date du 29 juin 1998, il l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention de recel d'abus de biens sociaux ;
Attendu que, pour écarter la demande d'annulation de ces rapports, de leur notification ainsi que de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel fondée, au moins pour partie, sur le contenu de ces rapports, l'arrêt attaqué retient que Christian Y... n'est plus recevable à en soulever la nullité et que leur notification tardive n'a pas porté atteinte à ses intérêts ;
Attendu qu'en cet état, la chambre d'accusation a justifié sa décision ;
Que les rapports d'expertise figuraient au dossier lorsqu'a été prononcé l'arrêt du 11 juillet 1995, devenu définitif, qui ne leur a pas étendu les annulations prononcées ;
Que, par ailleurs, aucun texte n'impose au juge d'instruction le respect d'un délai entre le dépôt d'un rapport d'expertise et sa notification aux parties ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;