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18/12/2000 | FRANCE | N°99-60521

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 décembre 2000, 99-60521


Sur les moyens réunis :

Attendu qu'il est fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance de Limoges, 28 octobre 1999) d'avoir dit qu'en vue des élections en renouvellement des délégués du personnel au service de la société SVE, le caractère d'établissement distinct devait être reconnu aux sites de Limoges-Tourcoing, Limoges-Solignac et Cognac, alors, selon les moyens :

1° que la loi ne donne pas de définition de l'établissement distinct en matière de représentation salariale et que la notion d'établissement distinct, telle qu'elle est dégagée de la jurispr

udence, présente un caractère à la fois fonctionnel et relatif ; qu'en effet, ...

Sur les moyens réunis :

Attendu qu'il est fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance de Limoges, 28 octobre 1999) d'avoir dit qu'en vue des élections en renouvellement des délégués du personnel au service de la société SVE, le caractère d'établissement distinct devait être reconnu aux sites de Limoges-Tourcoing, Limoges-Solignac et Cognac, alors, selon les moyens :

1° que la loi ne donne pas de définition de l'établissement distinct en matière de représentation salariale et que la notion d'établissement distinct, telle qu'elle est dégagée de la jurisprudence, présente un caractère à la fois fonctionnel et relatif ; qu'en effet, la jurisprudence considère comme établissement distinct celui qui comprend un groupe de salariés ayant des intérêts communs exerçant sous une même autorité et un seul lieu indépendant, une activité caractérisée ; qu'ainsi, pour qu'il y ait reconnaissance d'établissement distinct, il est nécessaire que deux critères soient réunis, à savoir l'existence d'un groupe stable de salariés liés par une communauté d'intérêts, notamment au niveau de leurs statuts et de leurs conditions de travail et la présence d'un représentant de l'employeur doté d'un certain pouvoir pour trancher les réclamations ou transmettre celles auxquelles il ne pourrait donner suite ; que pour donner raison à l'employeur, le tribunal d'instance a repris l'argumentation de ce dernier, expliquant que les conditions de travail des salariés des deux sites étaient différentes, et en a conclu que ces éléments suffisaient à retenir pour chaque site l'existence d'une collectivité de travail ayant une communauté d'intérêts propres ; qu'en jugeant ainsi, le tribunal d'instance a omis de répondre aux arguments et conclusions du syndicat CGT de l'entreprise qui faisait valoir que les deux sites exerçaient dans la même activité économique et professionnelle, qu'ils étaient tous deux sous la même enseigne dans le nettoiement de la ville de Limoges et de ses environs par le ramassage des ordures ménagères ou déchets industriels puis à leur traitement ; qu'il n'y avait pas de différence dans la nature du travail demandé pour la majorité des salariés de l'entreprise, qu'il n'y avait pas non plus de différence dans le cadre de leur rémunération, que la même convention collective était applicable pour les deux unités et qu'enfin, d'autres éléments d'exécution du contrat de travail des salariés des deux sites étaient traités à la direction tels que déclaration des accidents du travail, suivi des salariés en arrêt de maladie, visite médicale au travail, contrat de travail, conditions de travail, mêmes représentants du personnel depuis la création du site de Solignac ; que le syndicat rappelait que les activités étaient un fait complémentaire et que, s'il existait des postes différents, il en allait ainsi pour toute autre entreprise sans que pour autant les administratifs et les ouvriers de production ou les commerciaux sollicitent une représentation spécifique ; que chacun des postes occupe un maillon de la chaîne qui va de la collecte au traitement, en passant par le tri ; qu'il y avait possibilité d'interchangeabilité entre les chauffeurs de bennes à ordures ménagères et chauffeurs de porte-containers, ceci ne présentant aucune difficulté ; que le tribunal d'instance ne fait aucune allusion à l'argumentation du syndicat et par conséquent ne répond pas à ses conclusions ; qu'il semble faire erreur d'appréciation lorsqu'il confond préoccupations et revendications propres des salariés avec l'activité des salariés ; qu'en effet, le tribunal d'instance estime qu'il y a lieu de retenir pour chaque site l'existence d'une collectivité de travail du fait que le travail de chacun des sites présentait des méthodes ou une activité différente ;

que la communauté d'intérêt porte non pas sur l'activité en soi mais plus particulièrement sur les préoccupations ou les revendications propres des salariés pouvant intervenir dans le cadre justement de l'activité exercée qui est le domaine d'intervention des délégués du personnel ; qu'en l'espèce, le tribunal d'instance ne donne pas de base légale à sa décision et ne répond pas aux conclusions du syndicat CGT de la SVE ;

2° que le jugement attaqué précise que chacun des sites de Limoges-Tourcoing et Limoges-Solignac est dirigé par un représentant de l'employeur qui, pour l'un et l'autre de ces deux centres d'activité, a le pouvoir de décider des embauches, des promotions, des actions de formation et des sanctions ; que si ce pouvoir de décision vient naturellement sous le contrôle de la direction générale de l'entreprise, il n'en demeure pas moins qu'il existe sur place un représentant de l'employeur habilité à recevoir les réclamations des salariés, à trancher certaines d'entre elles et à transmettre à sa hiérarchie celles auxquelles il ne pouvait donner suite ; que le tribunal d'instance en conclut que, les conditions étant réunies, il y avait lieu de reconnaître le caractère d'établissement distinct à chaque site en vue d'une élection de délégués du personnel, or, la Cour de Cassation a jugé qu'il était nécessaire d'avoir sur place un représentant de l'employeur capable de satisfaire certaines réclamations du personnel et que l'absence d'un représentant qualifié de l'employeur disposant d'un pouvoir de décision entraîne le rejet de la reconnaissance de l'établissement, même si les autres conditions sont réunies notamment celles relatives à l'existence d'une communauté d'intérêts ; qu'en jugeant comme il l'a fait, le tribunal d'instance a dénaturé les faits puisqu'à la lecture des définitions de fonctions des responsables d'établissement, les responsables ont pour principales missions notamment de décider, après contrôle du directeur général des embauches des promotions, des actions de formation et des sanctions ; que cela revient à dire que les deux responsables des sites concernés ont pour principale mission le fonctionnement général de chacun des sites, mais qu'en ce qui concerne le pouvoir de trancher les réclamations et de transmettre celles auxquelles ils ne pourraient donner suite, il apparaît clairement qu'aucun pouvoir ne leur est conféré, compte tenu que les décisions ne peuvent être prises qu'après contrôle du directeur général ; qu'aucun autre document ne permet de dire ou de constater que les représentants de l'employeur peuvent trancher seuls certaines questions liées aux revendications des salariés en matière de conditions de travail ; qu'en dénaturant ainsi les faits, le tribunal d'instance ne donne pas non plus de base légale à sa décision ; alors, enfin, qu'il est à constater, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté, que les établissements sont séparés d'une distance de 300 mètres dans la même zone industrielle et donc à deux pas du directeur général, seul décisionnaire véritable, de l'organisation syndicale des représentants du personnel et du comité d'entreprise qui a toujours fonctionné sans le moindre problème depuis la création des sites ;

Mais attendu que le tribunal d'instance qui n'avait pas à répondre au détail de l'argumentation développée par les parties, a constaté, pour admettre que chacun des sites concernés constituait un établissement distinct en vue de l'élection des délégués du personnel, qu'il existait dans chacun d'eux une collectivité de travail ayant des intérêts propres et qu'un représentant de l'employeur était habilité à recevoir les réclamations des salariés et à transmettre celles auxquelles il ne pouvait donner suite ; qu'il a, en statuant ainsi, donné une base légale à sa décision ; que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 99-60521
Date de la décision : 18/12/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité d'entreprise et délégué du personnel - Pluralité d'établissements - Election des délégués du personnel - Définition de l'établissement .

ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité d'entreprise et délégué du personnel - Pluralité d'établissements - Election des délégués du personnel - Division de l'entreprise en établissements distincts - Critères d'appréciation - Collectivité de travail

ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité d'entreprise et délégué du personnel - Pluralité d'établissements - Election des délégués du personnel - Division de l'entreprise en établissements distincts - Critères d'appréciation - Présence d'un chef d'établissement ou d'un représentant de la hiérarchie

ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité d'établissement et délégué du personnel - Pluralité d'établissements - Election des délégués du personnel - Division de l'entreprise en établissements distincts - Critères d'appréciation - Représentant de l'employeur - Pouvoirs

Justifie sa décision le tribunal d'instance qui, pour admettre que chacun des sites d'une même entreprise constituait un établissement distinct en vue de l'élection des délégués du personnel, retient qu'il existait dans chacun d'eux une collectivité de travail ayant des intérêts propres et qu'un représentant de l'employeur était habilité à recevoir les réclamations des salariés ainsi qu'à transmettre celles auxquelles il ne pouvait donner suite.


Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Limoges, 28 octobre 1999

A RAPPROCHER : Chambre sociale, 1992-02-12, Bulletin 1992, V, n° 87, p. 53 (cassation) ; Chambre sociale, 1992-06-02, Bulletin 1992, V, n° 363, p. 228 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 déc. 2000, pourvoi n°99-60521, Bull. civ. 2000 V N° 429 p. 329
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2000 V N° 429 p. 329

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : M. Kehrig.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Coeuret.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.60521
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