AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze décembre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, de la société civile professionnelle TIFFREAU et de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- Y... Patrick,
- Y... André,
- La société LE TRANSPORT INDUSTRIEL JEAN FAUCHER,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 30 juin 1999, qui, pour infractions douanières, les a condamnés à des amendes, à des sommes tenant lieu de confiscation et au paiement des droits et taxes éludés ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires en demande et en défense, les mémoire et observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, présenté pour Patrick et André Y... et pris de la violation des articles 38-1 et 2, 185 et suivants, 377 bis, 382, 396, 414, 406, 407, 423, 2 à 4, 411-2b, 414, 426, 3 à 5, 439-2 du Code des douanes, 29, 212 bis et 220-2b du Code des douanes communautaire, 26 de l'accord international entre la CEE et la Tunisie, 25 de la Convention de Lomé, L. 121-1 et L. 121-3 du Code pénal, 485, 567, 591, 593 et 750 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel déclare André et Patrick Y... coupable de délits douaniers et les condamne, solidairement avec la SA Le Transport Industriel Jean Faucher, à payer à l'administration des Douanes diverses sommes d'argent, à titre d'amendes, de droits et taxes éludés et d'équivalents à confiscation ;
"aux motifs que, 1 ) "Patrick Y... a été mis en cause comme étant celui qui traitait régulièrement avec Antoine A... ;
qu'il précisait notamment dans un fax du 3 mars 1993 : nous procédons à une exportation sur Texa Tunis et ferons viser l'Eur 1 par les douanes françaises ; que Patrick Y... a signé le procès-verbal établi par l'administration douanière et connaissait ainsi l'ensemble des infractions qui lui étaient reprochées, ce qui le mettait en mesure d'assurer sa défense ; que, par conséquent, sa mise en cause est parfaitement régulière ; qu'André Y... est pris lui en sa qualité de représentant légal, à l'époque des faits, de la société Le Transport Industriel Jean Faucher ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause Patrick Y..." (arrêt attaqué, p. 7) ;
"alors que, 1 ), nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'en l'espèce, il résulte, d'une part, du procès-verbal de constat du 15 janvier 1996, base des poursuites, qu'André Y... a été incriminé en qualité de "président-directeur général de la société Le Transport Industriel Jean Faucher" ; d'autre part, de la citation à prévenu, délivrée le 30 décembre 1997 qu'André Y... a été cité "en qualité de représentant légal" de ladite société ; que, par ailleurs, si le premier acte a incriminé Patrick Y... en la qualité erronée de "représentant légal de cette société au moment des faits litigieux", le second ne l'a pas cité en cette qualité, ni en son nom personnel, mais en la qualité inopérante de "directeur général de la société commissionnaire en douane Le Transport Industriel Jean Faucher au moment des faits litigieux" ;
que, dès lors, en maintenant Patrick Y... dans la prévention et en prononçant contre lui une condamnation solidaire au profit de l'administration douanière, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
"et aux motifs que, 2 ), "sur le délit de soustraction de marchandises sous douane importation sans déclaration de marchandises prohibées, il est établi que 44 Colis de médicaments ont été envoyés hors douane par la société commissionnaire Faucher, sans qu'aucun document ne les accompagne, alors que les médicaments sont des marchandises prohibées soumises à autorisation administrative préalable en application du décret n° 94-511 en date du 20 juin 1994 ; que ces faits suffisent à caractériser la soustraction de marchandises sous douane ; que, d'ailleurs, Patrick Y... en était tellement conscient qu'il a tenté de masquer la soustraction de ces marchandises par la création de faux titres T2 correspondant au 44 colis litigieux ; qu'il a reconnu les faits en déclarant aux enquêteurs : je pense en effet qu'il y a eu une sortie sans déclaration de marchandises sous douane pour les 44 colis" (arrêt attaqué, p. 8) ;
"alors que, 2 -1), en faisant application de l'article 414 du Code des douanes, sans répondre aux conclusions (p. 14) des prévenus faisant valoir que les médicaments litigieux n'étaient "ni des marchandises prohibées", étant inopérante, à cet égard, l'existence d'une procédure administrative d'autorisation préalable de mise sur le marché, "ni fortement taxées", au regard du "taux réduit de TVA de 2,2 %" applicable, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
"alors que, 2 -2), au surplus, il n'y a point de délit sans intention de le commettre ; que la preuve de l'intention incombe aux parties poursuivantes ; qu'en l'espèce, il ne résulte d'aucun des motifs de l'arrêt attaqué que la prétendue "soustraction" serait imputable au fait intentionnel de l'un des prévenus, étant inopérante, à cet égard, la déclaration de Patrick Y... aux enquêteurs (procès-verbal de constat manuscrit, p. 5), selon laquelle il "pense, en effet, qu'il y a eu une sortie sans déclaration de marchandises sous douane pour les 44 colis mentionnés" et "l'apurement sur le T2 était nécessaire pour (son) sommaire" ; qu'était également inopérante, à cet égard, l'affirmation de "l'accès de tiers à l'entrepôt où étaient stockés les médicaments" ; qu'en outre, dans leurs conclusions d'appel (p. 11), qu'il résultait du "fax du mois d'avril 1992 adressé par la société Le Transport Industriel Jean Faucher à la société Texa" que "cette dernière lui faisait part de sa découverte et l'invitait à vérifier les sorties de ses stocks afin de faire le point sur cette question", ce qui excluait tout fait intentionnel ; qu'enfin, dans leurs mêmes conclusions (p. 12), les prévenus ajoutaient que cette prétendue "soustraction ne présentait aucun intérêt sur le plan pratique ; qu'en effet, les médicaments litigieux ne comportaient pas de vignettes et étaient nécessairement destinés à quitter le territoire national", ce qui excluait toute "fraude" ; que, dès lors, en retenant la culpabilité des prévenus et en les condamnant à paiement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors que, 2 -3), enfin, ne suffit pas davantage à caractériser le fait intentionnel de "soustraction" le seul "apurement" postérieur d'un "T2 nécessaire pour (le) sommaire", qui n'avait d'autre objet que de régulariser le remplacement des marchandises par "prélèvement sur le stock de l'entrepôt libre", hors douane, comme l'avait déclaré Patrick Y... aux enquêteurs (procès-verbal de constat manuscrit, p. 5) ; que, dès lors, en retenant la culpabilité des prévenus et en les condamnant à paiement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"et aux motifs que, 3 ) "sur le délit réputé importation sans déclaration de marchandises prohibées, il est établi que les produits pharmaceutiques litigieux ont été expédiés de France vers la Tunisie au profit de la société Texa, puis réexpédiées aussitôt vers la société commissionnaire Faucher après avoir été revendus (...) les produits pharmaceutiques litigieux ne pouvaient être réintroduits sur le territoire national, en franchise de droits, qu'à la condition de pouvoir faire l'objet des mesures tarifaires préférentielles résultant de l'accord signé le 25 avril 1976, qui stipule que ces mesures ne peuvent être mises en oeuvre que si les produits concernés ont fait l'objet d'une ouvraison ou d'une transformation suffisante sur le territoire tunisien, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce puisque les médicaments en cause étaient déjà conditionnés pour la vente au détail dès leur exportation en Tunisie et que leur prix à la réimportation n'était majoré que des frais de transport ; que l'administration des Douanes est parfaitement en droit de remettre en cause la validité de l'Eur 1 avec franchise de droit délivré par l'autorité tunisienne, dès lors que celle-ci n'a pas répondu à ses courriers recommandés en date des 17 janvier 1996 et 12 mars 1996, qui avaient pour objet de solliciter les explications nécessaires sur l'ouvraison stipulée par l'accord susvisé et soulignait le caractère extrêmement sensible des médicaments destinés à la médecine humaine ; que, dès lors, en l'absence de toute constatation au sens de l'article 26 du protocole d'accord, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a fait une exacte application de la loi" (arrêt attaqué, p. 8 et 9) ;
"alors que, 3 -1), comme le faisaient valoir les prévenus dans leurs conclusions d'appel en invoquant, notamment, la jurisprudence de la "Cour de justice des Communautés européennes, dans l'affaire Les Rapides Savoyards" et de la "Cour de Cassation dans l'affaire Kenneth Z..." p. 22 et suivants), "les autorités douanières du pays d'importation ne sauraient valablement remettre en cause unilatéralement les certificats Eur 1 (ou Form A) émis par les autorités douanières compétentes du pays d'exportation" ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'administration des Douanes françaises n'a jamais reçu de son homologue tunisienne une déclaration d'invalidation des certificats Eur 1 émis par celle-ci ; que, dès lors, en retenant la culpabilité des prévenus et en les condamnant à paiement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors que, 3 -2), au surplus, dans leurs conclusions d'appel (p. 22), auxquelles il n'a pas été répondu par la Cour, les prévenus contestaient l'interrogation par l'administration des Douanes françaises de son homologue tunisienne, en produisant une lettre référencée "2513709/DGD" du "03 août 1998" émanant du "directeur de l'inspection générale" de celle-ci et certifiant que "la douane française ne nous a pas saisi au sujet des 23 Eur 1 communiqués", correspondant à la période "de juillet 91 à janvier 93 de Texa Tunis" ; que le moyen était de nature à influer sur la solution du litige ; que, dès lors, en retenant la culpabilité des prévenus et en les condamnant à paiement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors que, 3 -3), en outre, en omettant de répondre aux conclusions d'appel des prévenus (p. 26) faisant valoir "qu'en tout état de cause, la correspondance du 17 janvier 1996 des Douanes françaises était postérieure au délai de deux ans prévu au Protocole d'accord entre la CEE et la Tunisie et postérieure à la notification d'infraction du 15 janvier 1996", d'où il résultait que les certificats Eur 1 délivrés à l'occasion des opérations litigieuses ne pouvaient plus être invalidés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors que, 3 -4), enfin, en omettant de constater les faits d'où serait résultée l'intention coupable des prévenus, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"et aux motifs que, 4 ), "sur la fausse déclaration de valeur, les enquêteurs de l'administration des Douanes se sont fondés sur les valeurs d'autres importations des mêmes produits pour la période considérée, que le prix des marchandises était au surplus sensiblement équivalent au coût du fret d'avion, que la preuve de la fraude est suffisamment rapportée" (arrêt attaqué, p. 9) ;
"alors que, 4 -1), comme l'avaient fait valoir les prévenus dans leurs conclusions d'appel (p. 35 et suivants), il appartenait à l'administration des Douanes de rapporter la preuve que la valeur en douane des marchandises déclarées n'auraient pas constitué le prix "effectivement payé ou à payer pour les marchandises, preuve qui aurait pu être rapportée par l'examen des comptabilités des sociétés", notamment "la société Umco", "diligences que n'a pas effectuées l'administration des Douanes et qui ne sauraient dès lors être opposées aux concluants", ce d'autant que "comparer le prix d'un même médicament acquis en Russie ou en Allemagne n'a aucune signification", ce qui explique "la raison de réseaux d'importations parallèles parfaitement licites", étant inopérante, à cet égard, "la liquidation des sociétés du groupe A... (...) qui n'empêchait aucunement les enquêteurs d'exercer le droit de communication que leur confère l'article 65 du Code des douanes, entre les mains du liquidateur désigné par le tribunal de commerce" ; que, dès lors, en retenant la culpabilité des prévenus et en les condamnant à paiement, par des motifs inopérants au regard de ce qui précède, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors que, 4 -2), enfin, en omettant de constater les faits d'où serait résultée l'existence de fausses déclarations ou de manoeuvres susceptibles de caractériser l'intention coupable des prévenus, au regard, au surplus, du fait invoqué dans leurs conclusions d'appel (p. 30) que l'administration des Douanes avait elle-même "commis une faute, puisqu'elle avait pleinement connaissance du système utilisé, qu'elle n'a pas contesté au cours des 25 réimportations ainsi effectuées, la contestation étant survenue plusieurs années après les dernières opérations", la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Sur le premier moyen de cassation, présenté pour la société Le Transport Industriel Jean Faucher et pris de la violation des articles 121-1, 121-3 du Code pénal, 417 et suivants du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré les prévenus coupables du délit de soustraction de marchandises sous douane et les a condamnés en conséquence à une amende, à une somme tenant lieu de confiscation de la marchandise fraudée et à une somme tenant lieu des droits et taxes éludés, et la société Jean Faucher, civilement responsable ;
"aux motifs adoptés des premiers juges que les prévenus invoquent leur bonne foi et l'existence de circonstances atténuantes ; que, cependant, la soustraction a été permise du fait de l'accès de tiers à l'entrepôt où étaient stockés les médicaments, cette circonstance révélant un manquement de la société Faucher à ses obligations concernant la gestion de cet entrepôt placé sous sa responsabilité ; que Patrick Y... a tenté de dissimuler cette soustraction par l'établissement de titres de transport inexacts ;
"et aux motifs propres que ces faits suffisent à caractériser la soustraction de marchandises sous douane ;
"alors qu'en déclarant les prévenus coupables de soustraction de marchandises sous douane au motif que la soustraction avait été rendue possible en raison de l'accès de tiers à l'entrepôt où la marchandise était stockée, et révélait un manquement de leur part à leur obligation concernant la gestion de cet entrepôt, sans constater que cette soustraction leur était directement imputable et résultait d'un comportement délictuel délibéré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, présenté pour la société Le Transport Industriel Jean Faucher et pris de la violation des articles 399, 414, 417 et suivants du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré les prévenus coupables d'importation sans déclaration de marchandises prohibées, les a condamnés en conséquence à une amende, à une somme tenant lieu de la marchandise fraudée et à une somme tenant lieu des droits et taxes éludés, et a déclaré la société Jean Faucher, civilement responsable ;
"aux motifs que "...l'administration des Douanes est parfaitement en droit de remettre en cause la validité de l'Eur 1 avec franchise de droit délivré par l'autorité tunisienne dès lors que celle-ci n'a pas répondu à ses courriers recommandés en date des 17 janvier 1996 et 12 mars 1996 qui avaient pour objet de solliciter les explications nécessaires sur l'ouvraison stipulée par l'accord susvisé et soulignait le caractère extrêmement sensible des médicaments destinés à la médecine humaine" ;
"alors qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux écritures des prévenus qui invoquaient l'irrégularité, comme tardive, de la saisine des autorités tunisiennes par l'administration française, au regard de l'article 26 du protocole CEE/Tunisie, la cour d'appel a privé de nouveau sa décision de base légale" ;
Sur le troisième moyen de cassation, présenté pour la société Le Transport Industriel Jean Faucher et pris de la violation des articles 399, 414, 417 et suivants du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré les prévenus coupables de fausse déclaration de valeur en douane, les a condamnés en conséquence à une amende, à une somme équivalente à la valeur des marchandises fraudées et à une somme correspondant au montant des droits et taxes éludés et a déclaré la société Le Transport Industriel Jean Faucher, civilement responsable ;
"aux motifs adoptés que "lors de leurs opérations, les agents des Douanes ont contesté la valeur déclarée des médicaments Combur et Adalate, en provenance de la Russie, à destination de la société Umco ; que, pour ce faire, ils se sont fondés, non seulement sur la constatation que le prix déclaré équivalait sensiblement au coût du fret avion, mais également sur d'autres facturations, pour un prix sensiblement supérieur, de produits identiques sur la période prise en considération ; que la minoration des factures reprochée aux prévenus est ainsi établie..." ;
"et aux motifs propres que "les enquêteurs de l'administration des Douanes se sont fondés sur les valeurs d'autres importations des mêmes produits pour la période considérée ; que le prix des marchandises était au surplus sensiblement équivalent au coût du fret avion ; que la preuve de la fraude est suffisamment rapportée" ;
"alors qu'en se bornant à énoncer, pour retenir la culpabilité des prévenus, que les enquêteurs de l'administration s'étaient fondés sur "d'autres importations des mêmes produits pour la période considérée", que le prix des marchandises était "sensiblement équivalent au coût du fret avion", sans vérifier la véracité de constatations et déductions des agents de l'Administration, et sans mettre la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la valeur des marchandises et la pertinence des éléments de comparaison retenus, la cour d'appel a privé sa décision des motifs propres à la justifier" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation, présenté pour la société Le transport industriel Jean Faucher et pris de la violation de l'article 373 de la loi du 16 décembre 1992, modifiée par la loi du 19 juillet 1993, des articles 112-1 et 121-2 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Le Transport Industriel Jean Faucher, au reste seulement citée comme civilement responsable de ses préposés Patrick et André Y..., coupable des délits douaniers reprochés à ceux-ci dans la citation et l'a, en conséquence, condamnée, solidairement avec ceux-ci, aux amendes, sommes équivalentes à la valeur de confiscation des marchandises fraudées et sommes dues au titre des droits et taxes éludés ;
"alors que les faits incriminés ayant, selon les constatations des juges du fond, été commis entre 1991 et 1993, étaient non susceptibles d'engager la responsabilité pénale d'une personne morale, édictée par l'article 121-3 du Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994, sans que soit violé l'article 112-1, alinéa 1er, du Code pénal" ;
Attendu que la condamnation d'une société à payer des pénalités douanières, solidairement avec son représentant légal, sur le fondement de l'article 407 du Code des douanes, n'implique pas que cette société soit pénalement responsable ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le cinquième moyen de cassation, présenté pour la société Le Transport Industriel Jean Faucher, et pris de la violation des articles 1384, alinéa 5, du Code civil, 33, 47, 50 et 148-2 de la loi du 25 janvier 1985, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société Le Transport Industriel Jean Faucher à payer à la direction générale des Douanes et droits indirects diverses sommes à titre d'amendes, de valeur de confiscation de marchandises fraudées et de droits et taxes éludés ;
"alors que, celle-ci étant en liquidation judiciaire, aucune condamnation à paiement ne pouvait être prononcée à son encontre, la Cour pouvant seulement déterminer le montant et la créance que l'Administration pourrait produire au passif de la liquidation de biens, ainsi que le faisait valoir Me X..., mandataire liquidateur, dans ses conclusions d'appel délaissées" ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article 47 du Code des procédures collectives, que le jugement qui ouvre la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
Attendu que, si ce texte ne fait pas obstacle à ce que l'administration des Douanes réclame, devant la juridiction répressive et sur le fondement de l'article 407 du Code des douanes, la condamnation d'une société mise en redressement ou en liquidation judiciaire à des amendes et confiscation douanières, il s'oppose, en revanche, à ce qu'une telle société soit condamnée à payer le montant des droits et taxes éludés, ceux-ci n'ayant pas le caractère d'une pénalité ;
Attendu que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel, après avoir constaté que la société Le Transport Industriel Jean Faucher était représentée par son mandataire liquidateur, ce qui établissait implicitement mais nécessairement qu'elle avait fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, l'a condamnée, en tant que solidairement responsable, à payer notamment les droits éludés par suite d'infractions douanières dont son président et son directeur général ont été déclarés coupables ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si cette créance était née postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 30 juin 1999, mais en ses seules dispositions ayant condamné la société Le Transport Industriel Jean Faucher au paiement des droits éludés, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;