AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les pourvois n° C 98-45.589, D 98-45.590, E 98-45.591 formés par :
1 / Electricité de France - service national, dont le siège est ...,
2 / Gaz de France - établissement public, dont le siège est Courcellor I, ...,
ayant une unité commune dénommée Centre de Corse, dont le siège est ...,
en cassation de trois arrêts rendus le 25 août 1998 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), au profit :
1 / de M. Jean-Louis L..., demeurant Miomo, 20200 Santa Maria Di Lota,
2 / de M. Gérard X..., demeurant usine de Castirla, 20218 Ponte Leccia,
3 / de M. Jean-Claude F..., demeurant ...,
4 / de M. Ange I..., demeurant résidence des Cimes, bât 1 - lotissement ...,
5 / de M. Noël Z..., demeurant ...,
6 / de M. Jean-Baptiste H..., demeurant ... Santa Maria Di Lota,
7 / de M. Daniel D..., demeurant Sacopp, bât A2, esc 2, ...,
8 / de Mme Marie-Christine E..., demeurant lotissement de Moroni, lieudit Ferrière, 20213 Folelli et actuellement route Sainte-Catherine, bât A, Lupino, 20200 Bastia,
9 / de M. Joël A..., demeurant ...,
10 / de M. Eric Y..., demeurant résidence Gravona B ...,
11 / de M. Jacques C..., demeurant lieudit Jupicioc, San Banedetto, 20167 Mezzavia,
12 / de M. Gilbert B..., demeurant ...,
13 / de M. Didier K..., demeurant ...,
14 / de M. Charles J..., demeurant ...,
defendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 octobre 2000, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Quenson, conseiller rapporteur, M. Texier, conseiller, Mme Maunand, conseiller référendaire, M. de Caigny, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Quenson, conseiller, les observations de la SCP Defrenois et Levis, avocat d'Electricité de France et de Gaz de France, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité joint les pourvois n° C 98-45.589, D 98-45.590 et E 98-45.591 ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 200-1 du Code du travail et les articles 15 à 19 du statut national du personnel des industries électriques et gazières approuvé par le décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 ;
Vu le principe fondamental en droit du travail selon lequel en cas de conflit de normes la plus favorable doit recevoir application ;
Attendu que M. L... et 13 autres salariés d'EDF-GDF du centre de Corse ont saisi le conseil de prud'hommes en paiement d'un rappel d'indemnité de congés payés représentant le différentiel entre le montant résultant de l'application de l'article L. 223-11 du Code du travail et le montant des sommes perçues, de dommages-intérêts et d'une somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour dire que les règles de calcul de l'indemnité de congés payés définies à l'article L. 223-11 du Code du travail s'appliquent au personnel des établissements EDF-GDF, la cour d'appel énonce que le régime de la rémunération du temps travaillé et du temps non travaillé, tel que défini aux articles 15 et 19 du statut ne constitue pas par sa nature un tout indivisible et que d'ailleurs les avantages accordés par le statut aux salariés d'EDF-GDF sont la contrepartie de contraintes liées à la mission de service public confiée à ces établissements, de telle sorte que le régime institué aux articles susvisés pris dans ses éléments quantitativement comparables aux éléments correspondant du régime légal, ne peut être considéré comme globalement plus favorable ;
Attendu, cependant, qu'il résulte des termes de l'article 200-1 du Code du travail, que sont soumis aux dispositions du Livre II de ce Code les établissements industriels et commerciaux, qu'ils soient publics ou privés ; que les dispositions du Livre II et spécialement celles des articles L. 223-11 et suivants, relatives aux congés annuels, sont donc, en principe applicables aux agents d'EDF-GDF ;
Attendu que ces agents sont, en outre, soumis aux dispositions d'un statut prévu par le décret n° 46-1541 du 22 juin 1946, qui comporte diverses règles spécifiques relatives aux congés payés, concernant à la fois les conditions de leur attribution, leur durée et leur rémunération ;
Attendu qu'en vertu du principe fondamental en droit du travail, selon lequel la situation des salariés doit être régie, en cas de conflit de normes, par celle qui leur est la plus favorable, il convient de déterminer si les dispositions du statut concernant les congés payés sont plus favorables que celles résultant du régime légal ; que cette appréciation doit, dès l'instant qu'aucune illégalité d'une disposition particulière du statut propre à EDF-GDF n'est invoquée, être globale à raison du caractère indivisible de ce régime de congés payés institué en tenant compte des nécessités du service public ;
Et attendu qu'il apparaît que, même si en ce qui concerne les bases de calcul de l'indemnité de congés payés, le statut du personnel des industries électriques et gazières prévoit une disposition moins favorable, l'ensemble du régime des congés payés prévu par ce statut, accorde aux agents des avantages supérieurs à ceux qui résulteraient de l'application du Code du travail ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;
Et attendu que la Cour de Cassation étant en mesure de mettre fin au litige, en appliquant la règle de droit appropriée, la cassation encourue sera prononcée sans renvoi, par application de l'article 627, alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, les arrêts rendus le 25 août 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute les 14 salariés de leurs demandes ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Dit que les dépens afférents aux instances devant les juges du fond seront supportés par MM. L..., X..., F..., I..., Z..., H..., D..., G...
E..., MM. A..., Y..., C..., B..., K..., J... ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande d'EDF-GDF ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille.