ARRÊT N° 2
Sur les trois moyens, réunis et pris en leurs diverses branches :
Attendu que la société X..., éditrice du journal " Z... ", fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 20 février 1998), statuant en référé, de l'avoir condamnée à verser à M. et Mme Y... (" Johnny et Laeticia A... ") des provisions pour atteinte au respect dû à leur vie privée, ainsi qu'au droit de chacun sur son image, et d'avoir ordonné la publication, dans le journal, sous astreinte, d'un communiqué faisant état de cette condamnation ; qu'il est reproché à la cour d'appel :
1° de ne pas avoir caractérisé l'urgence exigée par l'article 9, alinéa 2, du Code civil ;
2° d'avoir pris une mesure restrictive de la liberté d'expression, d'une part en violation des articles 8 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que la publication d'un communiqué en première page ne répondait pas aux exigences de légalité, de nécessité, de prévisibilité et de proportionnalité imposées par la Convention précitée, d'autre part, en méconnaissance de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile, en ce que l'astreinte prononcée avait pour point de départ la publication de l'ordonnance, mesure sans fondement légal ;
3° d'avoir accordé une double indemnisation alors que l'article litigieux, étant indivisible, ne pouvait entraîner qu'une indemnité globale et unique ;
Mais attendu que la seule constatation de l'atteinte au respect dû à la vie privée et à l'image par voie de presse caractérise l'urgence et ouvre droit à réparation ; que la forme de cette réparation est laissée à la libre appréciation du juge, qui tient tant de l'article 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile que de l'article 9, alinéa 2, du Code civil, le pouvoir de prendre en référé toutes mesures propres à empêcher ou à faire cesser l'atteinte, ainsi qu'à réparer le préjudice qui en résulte ; que la publication de la décision du juge, ordonnée sous astreinte à compter de la signification et non de sa publication ainsi qu'il est écrit à la suite d'une erreur matérielle qu'il convient de rectifier, constitue une mesure appropriée, et qu'une telle restriction à la liberté d'expression respecte les exigences de l'article 10.2 de la Convention européenne des droits de l'homme, à la fois quant à son fondement légal, quant à sa nécessité pour la protection des droits d'autrui et quant à sa proportionnalité aux atteintes retenues ;
Et attendu que la décision est encore justifiée légalement en ce qu'elle retient que l'atteinte au respect dû à la vie privée et l'atteinte au droit de chacun sur son image constituent des sources de préjudice distinctes, ouvrant droit à des réparations distinctes ;
Qu'aucun des moyens n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.