ARRÊT N° 1
Sur les deux moyens, réunis et pris en leurs diverses branches :
Attendu que la société X..., éditrice du journal " Z... ", fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 12 juin 1998) de l'avoir condamnée à verser à M. et Mme Y... (Johnny et Laeticia A...) des provisions et d'avoir ordonné la publication, en page de couverture du prochain numéro du journal, d'un communiqué faisant état de la décision, fondée sur l'atteinte portée à l'intimité de la vie privée de M. et Mme Y..., et sur la publication illicite de photographies les représentant pour illustrer un article faisant état d'une mésentente du couple ; qu'il est reproché à la cour d'appel :
1° d'avoir excédé ses pouvoirs en appliquant l'article 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, exclu par l'existence d'une procédure de référé spéciale, prévue par l'article 9, alinéa 2, du Code civil ;
2° d'avoir méconnu cette dernière disposition en prenant des mesures non prévues par elle ;
3° d'avoir omis de constater l'urgence exigée par ce même texte ;
4° d'avoir encore excédé ses pouvoirs, limités à des mesures provisoires, en ordonnant une publication ayant un caractère définitif, constituant la réparation d'un préjudice, interdite au juge des référés (5°), et consacrant une sanction disproportionnée à l'atteinte constatée, en violation de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le communiqué omettant en outre de préciser le caractère provisoire de la décision (6° et 7°) ;
Mais attendu que la seule constatation de l'atteinte au respect de la vie privée et à l'image par voie de presse caractérise l'urgence et ouvre droit à réparation ; que la forme de cette réparation est laissée à la libre appréciation du juge, qui tient tant de l'article 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile que de l'article 9, alinéa 2, du Code civil, le pouvoir de prendre en référé toutes mesures propres à empêcher ou à faire cesser l'atteinte ainsi qu'à réparer le préjudice qui en résulte ; que, dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a accordé des provisions à valoir sur l'indemnisation du préjudice résultant des atteintes constatées et a ordonné la publication de sa décision afin de limiter les effets de ces atteintes en informant rapidement les lecteurs du journal, au moyen d'une mesure en proportion avec l'importance des atteintes retenues au sens de la Convention précitée ;
Que la décision attaquée est donc légalement justifiée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi .