AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze décembre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire AGOSTINI, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Youcef,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de METZ, en date du 10 août 2000, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de vols avec arme, enlèvement et séquestration pour préparer ou faciliter la commission d'un crime avec libération avant le 7ème jour, détention d'armes, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 19 octobre 2000, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire ampliatif et le mémoire personnel produits ;
Sur le premier moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 173 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables les autres moyens de nullité évoqués dans le courrier du 18 juin 2000 mais non mentionnés dans la requête initiale ;
"aux motifs que, par acte du 20 juin 2000, reçu au greffe de la chambre d'accusation le 21 juin 2000, Youcef X..., détenu à la maison d'arrêt de Nancy, a saisi la chambre d'accusation d'une requête en annulation fondée sur le non-respect de l'article 145, 5ème alinéa, du Code de procédure pénale ; que cette demande est recevable sur le chef de nullité invoqué ; que, par courrier du 18 juin 2000, reçu au greffe de cette chambre le 22 juin 2000, Youcef X..., réitérant sa demande sur le fondement du texte susvisé a également sollicité que soient vérifiés d'autres points de la procédure ; que ces demandes sont irrecevables faute, d'une part, d'avoir été évoquées et motivées dans la requête initiale, ainsi que l'article 173 du Code de procédure pénale l'impose à peine d'irrecevabilité, la jurisprudence en la matière précisant que le défaut de motivation ne peut être suppléé par le dépôt au greffe de la chambre d'accusation d'un mémoire précisant les nullités qui vicieraient les actes de la procédure visées dans la requête ;
"alors que, lorsque la personne est détenue, la requête en nullité peut être faite au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitencier ; qu'en l'espèce la déclaration signée par Youcef X... précisait qu'était jointe à cette déclaration la requête exposant les motifs de nullité ; que c'est ainsi que Youcef X... a joint à sa déclaration une lettre, datée du 18 juin 2000, soulevant divers griefs de nullité de la procédure ; que cette lettre envoyée le même jour que la déclaration susvisée saisissait régulièrement la chambre d'accusation ; qu'en refusant d'examiner les griefs invoqués au motif qu'ils n'auraient pas été énoncés dans la requête initiale, la chambre d'accusation, qui commet une confusion entre la déclaration de requête en annulation et la requête elle-même, a violé les textes susvisés" ;
Vu l'article 173, 3ème alinéa, du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ces dispositions que la personne mise en examen si elle est détenue, peut faire sa requête en annulation de pièces de la procédure au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire, constatée, datée et signée par ce dernier ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, que, le 20 juin 2000, par déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire, Youcef X... a saisi la chambre d'accusation d'une requête en nullité invoquant le "non-respect de l'article 145, alinéa 5, du Code de procédure pénale" et portant la mention "détail sur AR" ; que cette déclaration a été transmise au greffe de la chambre d'accusation le 21 juin 2000 ; que, par lettre recommandée avec avis de réception, postée le même jour et adressée au président de la chambre d'accusation, le requérant a confirmé qu'il contestait la régularité de sa détention et a demandé l'annulation d'autres pièces de la procédure ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes d'annulation formulées dans la lettre adressée au président, les juges se prononcent par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la lettre écartée faisait corps avec la déclaration régulièrement faite auprès du chef de l'établissement pénitentiaire, dans laquelle elle était mentionnée, la chambre d'accusation, qui, par ailleurs, ne pouvait déclarer recevable une requête en annulation d'une ordonnance susceptible d'appel, a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Metz, en date du 10 août 2000 ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Metz, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Agostini conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;